Essais

Le Renault Scenic E-tech mérite-t-il son titre de « Voiture de l’Année 2024 » ?

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Après la Mégane, la « Renaulution » se poursuit chez le constructeur Français avec le renouvellement d’une autre icône : le Scenic. Ciao monospace thermique poussiéreux, place à l’une des premières productions 100 % électriques signées Gilles Vidal à la tête du design Renault. Un modèle plein de promesses sur le papier, déjà élu voiture de l’année 2024, près de 30 ans après son ainé… Qu’en est-il dans la vie de tous les jours ?

Le Scenic est une véritable Success Story. Petit frère de l’Espace, il règne en maître sur la galaxie des monospaces compacts depuis plusieurs décennies. À l’occasion de cette cinquième génération, Renault a revu de fond en comble sa copie et n’en a finalement repris que le nom. À l’image de Mégane et de Renault 5, les autres porte-étendards du Losange, le Scenic reprend une appellation connue de tous afin de la réinterpréter. Malin, mais risqué !

Un design percutant

Le Scenic comme monospace au sens traditionnel du terme, c’est terminé. Gilles Vidal, récemment passé de Peugeot à Renault, a fait parler son talent et donné au modèle vieillissant une nouvelle jeunesse. Sous les traits d’un crossover, avec une garde au sol seulement 10 mm plus haute que la Mégane E-tech, le Scenic est relativement bas et en impose sur la route.

Les lignes tendues et multiples artifices stylistiques lui confèrent une allure avant-gardiste qui fait tourner les têtes. Il est le porte-étendard de la nouvelle identité de Renault, reprise sur les derniers restylages de Clio et Captur, et replace le constructeur au Losange sur le devant de la scène. Les avis des badauds croisés sont unanimes : après avoir fait un tour de la voiture, tout le monde s’accorde à dire qu’il a une « sacrée gueule ». J’émets une petite réserve concernant le dessin des jantes de notre finition ICONIC, face à celles de la version Alpine bien plus sympa’. Pour le reste, il est bien loin le Scenic consensuel et utilitaire, et ça nous va !

Un habitacle accueillant et lumineux

Le Scenic soigne sa copie à bord, et choie ses occupants. Sa conception dédiée à n’accueillir que de l’électrique lui permet ainsi de disposer d’un empattement long tout en gardant un format relativement compact (4,47 m de long). Cela profite bien sûr aux places arrière, qui offre un espace aux jambes impressionnant et un plancher entièrement plat. Combiné aux larges surfaces vitrées latérales et au superbe toit vitré qui se teint au gré de nos envies, l’environnement à bord de Scenic est spacieux, lumineux et moderne. Exactement la recette qui a fait le succès du monospace fut un temps.

Côté présentation, la planche de bord est la même que celle de la Mégane E-tech (essayée ici) mais l’environnement est un brin plus sombre ; le tissus mesh étant remplacé par du plastique et des inserts noirs, tout comme le ciel de toit en moquette noire. Heureusement, notre sellerie claire très agréable réhausse l’ensemble. Les assemblages sont bons, mais les matériaux manquent de standing avec de nombreux plastiques peu qualitatifs sur des parties bien visibles. Autre critique : l’avancée proéminente de la console centrale vient se cogner contre mon genou en fonction de ma position de conduite.

L’ergonomie est elle soignée, et mis à part la position particulière du sélecteur de rapports, le reste tombe naturellement sous la main. Le volant dispose des raccourcis utiles à la conduite et d’un bouton de sélection du mode de conduite, tandis que la climatisation se commande via des gachettes faciles à l’usage sous l’écran central.

Une habitabilité excellente, mais une modularité décevante

Côté rangements, le Scenic propose de nombreux espaces à bord qui séduiront les familles, mais pêche par son coffre peu accueillant. Les deux places arrières sont larges et accueillantes, tandis que la place centrale sera reléguée à un usage plus occasionnel. L’accoudoir qu’elle dissimule étant imposant, mais furieusement pratique puisqu’il intègre des ports USB-C ainsi que des supports de smartphones/tablettes.

Le Scenic ne propose pas de coffre avant, puisque le capot renferme le moteur. Les occupants ne pourront alors compter que sur la malle arrière de 440 L (soit 80 L de moins qu’un e3008 et 250 L de moins qu’un Tesla Model Y) au seuil de chargement bien haut et à l’agencement étriqué. Un volume tout juste pour quatre personnes partant en vacances (tout en oubliant le chien), qui auront recours à un coffre de toit ou à une remorque pour faire les valises sans jouer au Tetris. Côté modularité, même topo : le Scenic n’est plus un monospace familial. Pas de plancher plat, pas de sièges indépendants ou coulissants.

Un arsenal technologique convaincant

Le Scenic E-tech embarque à son tour l’interface multimédia OpenR Link signée Google, fluide et rapide. Cette dernière s’article autour de deux écrans, dont la superbe dalle tactile verticale de 12 pouces qui abrite toutes les fonctions d’info-divertissement. Google Maps et Waze sont de la partie, parmi la liste des apps intégrées du géant Américain. YouTube et Google Actualités permettent de passer le temps durant les longues sessions recharges, mais vous ne pourrez pas vous connecter à Netflix ou Disney+, par exemple.

Apple CarPlay et Android Auto sont disponibles, mais leur utilisation en est reléguée au second plan, tant l’interface native et ses fonctionnalités suffisent. L’écran est très agréable à l’usage, avec des menus clairs et un rappel des informations clés sur l’affichage derrière le volant. Ce dernier est entièrement personnalisable et complet.

L’équipement de notre version haute ICONIC ne souffre d’aucune lacune : chargeur sans-fil, système Hi-Fi Harman Kardon à la spatialisation convaincante, éclairage d’ambiance personnalisable, rétroviseur central caméra et aides à la conduite fluides permettant de voyager en toute quiétude. Il manque toutefois le changement de voie assisté pour que la conduite soit quasiment autonome, mais rien d’alarmant. 

Côté électrique : dans la bonne moyenne pour voyager

Essayé en version Grande Autonomie, le Scenic propose alors une grosse batterie de 87 kWh (technologie NMC). Homologuée à 625 km d’après la norme WLTP, il ne s’agit là que d’une situation utopique à atteindre. Dans les faits, le compteur d’autonomie à 100 % vous annonce 625 km en ville, 520 km en mixte et 350 km sur autoroute.

Des estimations pour le moins respectées, puisque nous avons relevé une consommation moyenne de 17 kWh/100 km sur nos trajets du quotidien faits de villes et de nationales, et de 21,5 kWh/100 km sur autoroute. Des scores bien supérieurs à la référence, le Tesla Model Y Grande Autonomie, qui sur le même exercice et dans les mêmes conditions demandent 3 à 4 kWh/100 km de moins, mais qui permettent au Scenic de parcourir de longues distances sans sourciller. À titre d’exemple, nous avons pu parcourir un Paris-Rennes sur une seule charge en arrivant à 7 %.

Google Maps intègre alors le planificateur de trajets, comprenant les arrêts recharge. On pourra ainsi lui faire confiance pour prévoir les bornes le long de son parcours, grâce à une base de données mise à jour en temps réel. Le système nous indique combien de bornes sont disponibles, le temps de charge requis, et on pourra même filtrer les résultats en fonction du type de pass dont l’on dispose. Il manque seulement la possibilité de pouvoir lui donner un pourcentage de batterie souhaité à l’arrivée. Les prévisions de batterie du planificateur sont d’ailleurs plutôt rassurantes, et l’on est arrivé ainsi à chaque fois avec quelques % de plus. Tant mieux !

Recharge : patience sur longs trajets

Sur longs trajets autoroutiers, sur une plage de 10 à 80 % de batterie, il est alors tout à fait envisageable de parcourir autour de 300 km, soit une pause recharge toutes les deux heures. Le bas blesse alors au moment de brancher le câble à la voiture : au même titre que sa petite sœur Mégane E-tech, le Scenic ne brille pas par son efficacité à la borne. Plafonnée à 150 kW, la charge rapide demande 40 minutes pour passer de 10 à 80 %. Cette puissance maximale n’étant atteinte que de 10 % à 25 %, la courbe de recharge s’affaisse assez rapidement pour passer sous les 100 kW après 50 %.

Des arrêts recharge bien longs, occasionnés par une architecture incapable d’encaisser une puissance de recharge supérieure. Et ce malgré une grosse batterie de 87 kWh à ravitailler, alors que ses petits concurrents proposent entre 175 kW et 250 kW à la borne. Au quotidien, le Scenic peut toutefois accepter des charges allant jusqu’à 22 kW, que beaucoup n’offrent pas. Le planificateur d’itinéraire intégré signé Google active lui le pré-conditionnement de la batterie si nécessaire avant de rejoindre une borne rapide.

Si les longs trajets autoroutiers ne sont qu’occasionnels dans votre usage, rien d’alarmant. Si l’autoroute est votre terrain de jeu, il n’est pas le modèle qu’il vous faut et ses arrêts à rallonge seront frustrants plus qu’autre chose.

Sur la route : homogène, mais ferme et bruyant

Renault a mis un point d’orgue à rendre Scenic relativement léger. Avec 1840 kg sur la balance malgré une grosse batterie, il apparait comme l’un des poids plumes des familiales électriques. Cela se traduit au volant par une certaine vivacité, et un bilan dynamique plutôt convaincant. 

Les 220 ch et 300 Nm de couple suffisent amplement à proposer des accélérations et reprises dignes de ce nom, et le châssis rassure par son équilibre. La direction est très précise, directe et incisive, avec un bon toucher de route malgré des pneus Michelin e-Premacy au grip très moyen. La prise de roulis est parfaitement maîtrisée, et très peu de mouvements de caisse sont à déplorer. Le comportement général est sécurisant, même en haussant le ton, et l’on prend plaisir à mener le Scenic sur tous les types de routes.

Le mode Sport raffermit la direction et renforce le freinage régénératif, mais il n’influe en rien sur la suspension. Contrepartie d’une bonne tenue de route, cette dernière est ainsi relativement ferme, et nuit directement au confort. Chaussé sur ses jantes de 20 pouces, le Scenic propose un amortissement relativement sec, voire cassant sur les raccords et ralentisseurs. Les sièges offrent un bon moelleux, mais ne permettent pas d’offrir un niveau de confort optimal.

Autre grief, l’isolation acoustique. Le Scenic souffre de bruits d’air importants au niveau des rétroviseurs, et de bruits de roulement perceptibles. Sur autoroute, ils en deviennent entêtants pour les passagers avant. Cela est dû à des rétroviseurs imposants et perturbations aérodynamiques étonnamment présentes à bord. Comme si Renault avait oublié de le tester en soufflerie, et de mettre de l’isolant à bord.

Bilan : une voiture bien née, mais pas exempte de défauts

Proposé à 48 490 euros (bonus déduit) en version toute équipée ICONIC avec la grosse batterie incontournable, le Scenic E-tech est au prix du Tesla Model Y Grande Autonomie, le best-seller des SUV électriques. Ce dernier proposant une consommation moindre, un volume de chargement bien supérieur, une puissance de recharge bien meilleure et des mises à jour logicielles gratuites, régulières et fournies en nouveauté. Il est le choix le plus rationnel à ce jour, sans équivoque.

Derrière un look novateur faisant table rase du passé, le Scenic offre un intérieur bien conçu, lumineux et habitable, il est richement doté et tout à fait apte à enchainer les kilomètres. Le tableau n’est toutefois pas idyllique : le confort n’est pas optimal, tout comme l’isolation acoustique, le coffre est très juste pour quatre personnes, et les arrêts recharge à rallonge seront à prévoir pendant les longs trajets. Dans un segment des SUV familiaux électrique qui se développe à toute vitesse avec le Peugeot e3008, le Skoda Enyaq, le VW ID.4, le Ford Explorer, le BYD Seal U et surtout le Tesla Model Y, le Renault Scenic apparait comme dans la bonne moyenne est terme de rapport prix/prestations.

Dans une utilisation faite de quelques longs voyages dans l’année et sans avoir besoin de voyager trop chargé, le Scenic est une voiture bien née. Il poursuit habilement la stratégie de renouvellement des icônes de la gamme Renault initiée avec la Mégane, et illustre le renouveau du Losange. Un avenir prometteur !

Galerie photo

Photos : Victor Desmet