Renault Mégane E-Tech : la Renaissance du Losange
Renault comme sponsor officiel de Roland Garros après des années d’hégémonie du Lion ? C’est donc ça la « Renaulution » du patron ?
Après quelques années un tantinet fades, le Losange cherche à entrer dans une nouvelle ère de son histoire. Pour accompagner cette dynamique, la fée électricité si tendance est bien entendu de la partie. Alpine, Renault, Dacia : tout le groupe se met aux watts avec une déferlante à venir de nouveaux produits.
Véritable icône de cette renaissance, la Mégane E-Tech est le point de départ d’une nouvelle gamme en construction, et l’occasion pour Renault de faire en quelque sorte table rase du passé. Est-elle à la hauteur de ses ambitions ? Sera-t-elle un succès ou une énième proposition électrique sans saveur ?
Mégane E-Tech – Essai
Révolution stylistique
La Mégane, gentille berline compacte telle que nous la connaissons, n’est plus. Contrairement à Zoé, Renault a pris le choix de garder un nom iconique, une appellation rassurante qui parle aux Français pour un modèle inédit. Notre Mégane E-Tech n’a plus grand chose en commun avec la compacte, à commencer par son allure de crossover, à cheval entre berline et SUV. Elle est plus longue qu’une Mégane de 15 cm, mais plus courte et plus basse qu’un Captur.
Implantation des batteries dans le plancher oblige et campée sur de belles jantes de 20 pouces, Mégane s’affranchit des codes et se retrouve difficile à classer dans un segment en particulier, même si elle donne plutôt l’impression d’être un petit SUV. Sa ligne de toit plongeante, sa ceinture de caisse très haute et ses petites fenêtres lui donnent ce look trapu et résolument futuriste.
De multiples combinaisons de teintes sont disponibles, et notre exemplaire gris et blanc a le bon goût de ne pas tomber dans le « too much » doré des versions haut-de-gamme. Le look de Mégane E-Tech est déjà suffisamment avant-gardiste et n’a pas besoin d’être surchargé par des fantaisies de couleurs. Très largement tirée du concept-car eVision , elle en reprend bon nombre des éléments et propose quelque chose qui a une vraie gueule.
Ses lignes sont fluides et son dessin épuré, avec des écopes latérales laissant passer l’air et des poignées de portes qui disparaissent dans la carrosserie. En plus d’être plutôt joli, tout a été pensé pour l’aérodynamique et la sobriété énergétique avec un CX de 0,29 de référence !
La filiation stylistique à la famille Renault se retrouve dans la signature lumineuse à LED travaillée, qui rappelle d’autres modèles de la gamme, et bien évidemment au nouveau logo du constructeur qu’elle arbore avec fierté au centre de son museau. Les équipes du style ont réussi à lui donner une personnalité inédite tout en entretenant l’identité du constructeur. Un équilibre réussi qui fait tourner les têtes des passants, chose devenue rare pour une Renault avouons-le.
Vie à bord : un nouveau monde
Une fois à bord de Mégane E-Tech, on a un véritable « effet wahou ». Tant au niveau de la qualité perçue que des prestations, là aussi Renault a mis les bouchées doubles pour proposer quelque chose de réellement nouveau.
Articulée autour d’un imposant écran central très bien intégré, la planche de bord est résolument moderne tout en étant ergonomique et bien conçue. Un petit temps d’acclimatation est bien entendu nécessaire, mais les touches physiques pour la clim’ et le reste via l’écran tactile deviennent rapidement aisés et agréables à utiliser. Les dalles de 12 pouces offrent une très belle définition, sont très fluides et ne souffrent d’aucune lenteur.
Un chargeur sans-fil pour smartphone se loge sous l’écran central et d’importants bacs de rangement sont à disposition entre les fauteuils grâce à un sélecteur de vitesse placé en commodo derrière le volant, à l’américaine.
Les matériaux sont globalement de bonne facture. De l’alcantara sur les contreforts de porte, du tissus mesh recyclé sur la planche de bord et des placages en alu’ ici et là : l’ambiance est sérieuse et plutôt flatteuse, d’un standing nouveau sur une Renault de milieu de gamme. De vilains plastiques sensibles aux rayures et des ajustements moyens trainent encore sur les parties basses, mais rien de rédhibitoire.
L’ambiance est sombre, un poil trop même. Les choix stylistiques extérieurs à base de ceinture de caisse très haute et de petites fenêtres ont un impact direct sur la vie à bord… On se sent un peu engoncés, surtout à l’arrière. On ne trouve malheureusement pas de toit-vitré, même en options, ce qui aurait apporté de la lumière et une réelle sensation d’espace.
Accueillante et logeable
Car de l’espace, la Mégane E-Tech n’en manque pas. Les fauteuils avant sont accueillants, et la banquette arrière peut accueillir trois adultes (la place du milieu étant bien entendu plus étroite) avec un plancher plat. La bonne garde au toit ainsi que l’espace aux jambes permet de faire voyager de grands gabarits sans sourciller et dans un excellent niveau de confort.
Le moteur étant placé sous le capot, pas de coffre avant disponible : il faudra compter sur la seule malle arrière de 389 litres (1245 L banquette rabattue) et son emplacement sous le plancher permettant de ranger les câbles de charge. L’accès est aisé et le volume correct, mais Mégane E-Tech rappelle ici qu’elle est une berline compacte et pas un SUV familial. Avec ce gabarit et cette forme, on aurait pu s’attendre à un poil plus de volume de chargement. Sur notre finition intermédiaire Techno, le hayon n’est pas électrique. Une lacune qui fait un peu tâche sur une voiture à 45 000 € si bien dotée ailleurs.
Technologie de pointe
Comme toute bonne voiture électrique sortie en 2022, elle est un produit bien dans son temps. Son interface OpenR Link basée sur le système Google est bien conçue et familière quand on utilise l’univers du géant Américain sur son smartphone. Le guidage se fait via Google Maps, avec un planificateur d’itinéraire intelligent. Ce dernier prévoit les arrêts recharge et sélectionne les bornes en fonction de critères préalablement choisis (carte d’abonnement, puissance de charge…).
L’algorithme est bien intégré et indique, comme sur des systèmes plus propriétaires, le niveau de charge à l’arrivée. Un point rassurant, grâce à un moteur de recherche poussé et efficace des bornes autour de soi. On a juste à se laisser guider par Google Maps et à laisser faire le système pour nous dire quand et où charger.
Google apporte aussi son assistant vocal intelligent, qui permet de tout commander à la voix : navigation, recherche de musique, questions diverses et variées… Il y a tout ce qu’il faut, et tout est conçu pour être facile à appréhender et à utiliser. Pour ceux qui souhaiteraient retrouver une interface plus familière, Apple CarPlay sans-fil et Android Auto sont de la partie.
Chargeurs sans-fil, ports USB-C, caméra en guise de rétroviseur central (faute de rétro-vision suffisante), aides à la conduite complètes permettant la conduite autonome de niveau 2 : Mégane E-Tech met le paquet pour impressionner et être au goût du jour.
Taillée pour être la voiture du quotidien
Comme d’autres constructeurs qui se sont lancés dans le grand bain de la voiture électrique, Renault est transparent sur le rayon d’action de Mégane E-Tech : elle se veut être la voiture du foyer qui servira aux trajets quotidiens la semaine et aux petites escapades le week-end.
Proposant deux niveaux de batterie (40 et 60 kW), deux niveaux de puissance (130 ch et 220 ch) et une option de recharge rapide (pour avoir du 22 kW au lieu des 7 kW), nous avons ici à l’essai la version EV60 220 ch Optimum Charge. Le top du top à ce jour, que ça soit niveau autonomie ou puissance de charge.
Grâce à un CX maitrisé et à une certaine maitrise d’ingénierie de la part de Renault acquise en dix ans avec Zoé, la Mégane E-Tech est une voiture extrêmement économe et sobre à l’usage. Homologuée à 16,1 kWh / 100 km, nous avons réussi à terminer notre essai de 800 km jalonné d’autoroutes, de villes et de nationales aux rythmes réglementaires avec une consommation moyenne de 15,9 kWh / 100 km. On peut ainsi sans soucis s’approcher des 375/400 km d’autonomie sans problème, mais les 450 km de la norme WLTP nous paraissent un peu optimistes.
La conception de la voiture y est pour beaucoup, avec un poids contenu pour le segment (1630 kg) et une très bonne gestion des flux d’énergie. Au volant, grâce à des palettes, on peut ainsi moduler le niveau de freinage régénératif. D’une quasi roue-libre au niveau 0 à la possibilité de ne rouler qu’à une pédale et à freiner en lâchant l’accélérateur au niveau maximum, cela rend la conduite ludique et permet d’économiser de précieux kW.
Côté charge, comme sa petite sœur Zoé, elle propose en option à 1500 € la charge à 22 kW. Un argument de poids pour tirer parti de cette puissance disponible sur beaucoup de bornes publiques mais finalement trop peu exploitée par les voitures électriques. Il faut alors compter 3h10 pour charger sa voiture intégralement, contre 6h25 en 11 kW et 30h sur une prise de courant standard (2,3 kW).
À mener, la Mégane E-Tech est une voiture homogène et agréable dans toutes les situations. Elle propose une ambiance zen et une insonorisation remarquable. Le recours à des isolants de qualité et à du vitrage renforcé lui permet d’éviter les bruits d’air et bruits de roulement, que ça soit sur voie rapide ou en zone urbaine. En ville, justement, son rayon de braquage réduit impressionne ; tout comme la légèreté de sa direction, qui donne la sensation de conduire une Zoé.
Perchée sur ses grosses roues de 20 pouces, le confort est ferme mais jamais cassant. Les sièges moelleux et le bon filtrage des suspensions offrent quelque chose de véritablement convaincant et cohérent avec la philosophie de la voiture.
Quand on hausse le ton : la bonne surprise
Dotée de modes de conduite (Sport, Eco, Confort), Mégane E-Tech m’a bluffé là où je ne l’attendais pas…
Quelques virages devant nous, on bascule en mode Sport : pas de changement d’instrumentation numérique, pas de faux bruit, juste une direction plus consistante et une pédale d’accélérateur plus sensible. Ça n’est pas une sportive, mais l’ensemble est assez bluffant par son homogénéité à tous les rythmes.
Avec ses 220 ch, ses 300 Nm de couple et son son 0 à 100 km/h en 7,4 secondes, la Mégane E-Tech n’a pas vocation à être une Mégane RS des temps modernes, mais elle a toutefois eu l’opportunité de passer par les équipes de Renault Sport pour la mise au point de son châssis.
Relativement légère par rapport à ses concurrentes (-200 kg) et offrant un centre de gravité bas grâce à l’implantation des batteries dans le plancher, elle propose un excellent agrément de conduite quand on vient à s’amuser. La position de conduite est idéale, le volant tombe bien en mains, et le feeling de direction est idéal. Précise et légère, elle participe à donner au train avant de la Mégane ce coté incisif assez inédit sur le segment. Les transferts de charges sont sains et la voiture globalement rassurante même à rythme soutenu. Le couple étant assez faible, aucune perte de motricité sur la traction n’est à déplorer en mettant le pied au plancher.
Le freinage régénératif en puissance maximale permet, comme en Formula-E, de compenser les grosses accélérations et les freinages appuyés en levant juste le pied avant de rentrer dans une courbe. Cela permet à la Mégane E-Tech de ne pas voir ses consommations s’envoler, même en s’amusant.
Sur longs trajets : passez votre chemin
Bien qu’annoncée par Renault dans ses publicités comme pouvant récupérer 70 % (10 > 80 %) en 30 minutes grâce à une charge DC pouvant atteindre les 130 kW, dans les faits, cette puissance n’est atteignable qu’une partie très réduite du cycle de recharge et s’effondre rapidement : 130 kW de 10 % à 20 %, puis 85 kW de 20 % à 40 % pour terminer à 50 kW puis 40 kW à partir de 60 % jusqu’à 80 %.
Sachant que Ionity facture à la minute et pas au kW et que Renault n’est pas partenaire du réseau, une session 10 % > 80 % de 40 minutes, permettant de récupérer environ 200 km d’autonomie sur autoroute, coûtera autour de 35 €. Un coût prohibitif et un temps bien trop important pour que l’expérience soit tenable et intéressante. Cette dégringolade de puissance de charge est-elle la faute à Ionity ou à Renault ? Difficile de savoir…
Renault étant conscient de ce double problème (coût de charge et temps de charge), le constructeur propose à prix préférentiel la location d’un modèle… thermique pour partir en vacances. Un aveu de la limite de Mégane E-Tech à pouvoir assumer de longues distances autoroutières. Dommage, car avec une consommation moyenne pas ridicule de 26 kWh / 100 km à 130 km/h, la conduite autonomie de niveau 2, ainsi qu’un soin particulier apporté à l’isolation phonique, elle dispose d’arguments non-négligeables pour enchainer les kilomètres de voie rapide.
Mégane E-Tech : un bilan quasi-parfait
Cette histoire de recharge rapide qui ne tient pas ses promesses, c’est à mon sens la seule ombre au joli tableau que cette star en devenir nous propose. Un manque de polyvalence qui devient gênant quand on en vient à débourser près de 40 000 € dans une auto qui en nécessite une seconde pour parcourir de longues distances sereinement.
Affichée entre 35 200 € et 47 400 €, la gamme de Mégane E-Tech est en tout cas bien fournie. Notre configuration EV60 Optimum Charge (220 ch, batterie de 60 kW et charge possible à 22 kW au lieu de 7 kW), en finition intermédiaire Techno, s’affiche à 44 700 € et ne manque vraiment de rien à part d’un coffre électrique. Ce tarif restant sous les 45 000 € lui permet ainsi de bénéficier du bonus à l’achat de 5000 € (4000 € à partir du 1er juillet). Dans ce segment et à ces tarifs, Mégane E-Tech se colle à la star VW ID 3, à la Citroën eC4 et se rapproche même d’une Tesla Model 3…
Renault a beau avoir une belle expérience dans l’électrique avec le succès de Zoé, il n’en reste pas moins qu’avec son autonomie moyenne sur voie rapide et sa recharge rapidement bridée sur les bornes DC, Mégane E-Tech est finalement reléguée au même rayon d’action que la citadine : de la ville, du péri-urbain et quelques escapades pas trop lointaines.
Renault imagine sûrement Mégane E-Tech comme la voiture spacieuse et technologique de tous les jours, et pas la voiture pour partir en vacances ou en week-end. Partant de ce postulat, craquer pour l’originalité d’un Mazda MX-30 ou rester avec sa Zoé peut alors se légitimer.
Mis de côté ce manque de polyvalence sur longs trajets, il faut avouer que le produit est une belle réussite. Basée sur une plate-forme nouvelle qu’elle partage avec la Nissan Ariya, Mégane E-Tech offre un style séduisant, une technologie au point, une belle montée en gamme à bord et des prestations routières de qualité.
Une voiture bien née qui entretient un patronyme populaire, et le point de départ d’un futur prometteur pour Renault.
Mégane E-Tech – Galerie Photo
Photos : Victor Desmet