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Essai Hyundai IONIQ 5 N : Schizophrène Prodige

Il était une fois, l’électrique qui se prenait pour une thermique. Il était une fois, IONIQ 5 N.

Peu sont les voitures électriques capables de véritablement impliquer leur conducteur et transmettre des émotions. Peu ou pas de bruit, une poussée linéaire, des sensations lissées : mener une voiture électrique est avant tout plus un moment de quiétude qu’un instant véritablement excitant une fois les quelques accélérations fulgurantes passées. Le plaisir automobile ne se résume finalement pas à la performance seule, chose que l’électrique permet aisément de nos jours, et Hyundai l’a bien compris. 

Au moment de transformer en sportive sa sage IONIQ 5, que nous avons déjà emmenée ici sur un long trajet autoroutier, Hyundai a une fois de plus pu compter sur ses équipes de la division N. Ces sorciers, entre Corée et Nürburgring, qui transfigurent depuis dix ans des modèles rationnels et équilibrés, en véritables sportives acérées et efficaces à souhait. Après, i30N et i20N, deux véritables coups de cœur, c’est donc à IONIQ 5 N de devenir la vitrine sportive du constructeur Coréen.

Un look body-buildé

IONIQ 5 est un véritable concept-car roulant, l’un de ces objets de design marquants des dernières années qui se promènent sur nos routes et attirent le regard. Pour transformer un dessin aussi massif en quelque chose de plus sportif, Hyundai a effectué un travail remarquable sur le dessin général de la voiture. Avec 8 cm de plus en longueur, 2 cm de garde au sol en moins et 5 cm de plus de large, IONIQ 5 N affiche son pedigree sportif et ça se voit !

À commencer par sa face avant, qui se voit dotée d’un nouveau bouclier spécifique et d’une calandre exclusive. Ces éléments apportent un look bien plus agressif et permettent en outre un meilleur refroidissement des batteries grâce à un flux d’air entrant amélioré. Les ailes sont body-buildées et assoient considérablement la voiture sur ses superbes jantes forgées de 21 pouces qui remplissent parfaitement les passages de roues. 

À l’arrière, le béquet intègre un troisième feu de stop triangulaire, une signature N, et le diffuseur imposant parachève l’ensemble. Une ligne orange souligne quant à elle le les bas de caisse de la voiture et la teinte bleue mate caractéristique de la division N Motorsport affirment sa personnalité de voiture faite par, et pour le sport auto.

L’opération de transformation est à mon sens parfaitement exécutée, tant la sage IONIQ 5 se mue en véritable supercar avec tous ces ajouts. Un plumage qui sied parfaitement à son ramage.

À bord, il va y avoir du sport !

Zen et cocoon dans sa déclinaison de bon/ne père/mère de famille, Hyundai a adapté là aussi l’habitacle de IONIQ 5.

L’ambiance claire et lumineuse des versions « calmes » est délaissée au profit d’un ciel de pavillon entièrement noir, les fauteuils moelleux sont remplacés par de magnifiques baquets, offrant un maintien aussi parfait qu’ils sont confortables. L’espace habituellement vide entre les sièges avant voit lui apparaître une console centrale. Cette dernière permet de charger ses téléphones par induction, mais aussi et surtout de servir de repose-genou, un élément bienvenu en conduite dynamique et sur circuit.

 

Le volant en cuir et alcantara est lui spécifique à la version N. Habitué aux Hyundai sportives, vous ne serez pas en terre inconnue puisqu’il reprend les gros boutons N et N Custom, dont on reparlera un peu plus tard, ainsi que d’autres commandes spécifiques à la voiture. L’ambiance est résolument sombre, mais bien finie et ergonomique.

Enfin, l’instrumentation numérique reposant sur deux belles dalles intègre le nouveau système multimédia de Hyundai, à l’interface simplifiée et modernisée, qui arrivera avec le restylage sur le reste de la gamme. Aucune perte d’habitabilité ou de coffre, IONIQ 5 N peut toujours emmener familles, valises et animaux sans sourciller.

Des modes à profusion

Si votre truc est de partir rouler sans avoir à appuyer sur des boutons afin de configurer comme bon vous semble votre voiture, nous vous invitons à vous rabattre sur l’essai d’une voiture comme la Mazda MX-5.

Si choisir parmi 11 réglages de traction, 3 niveaux de suspensions, 3 sons différents, 3 feelings de direction, 3 modes de conduite, 2 modes dédiés au sport et 2 types de régénération de batterie ne vous donne pas le tournis, alors vous pouvez rester.

Ces chiffres ne sont pas inventés, ils correspondent aux possibilités offertes par le menu N de la voiture, permettant de régler à sa guise sa voiture. De plus en plus de sportives proposent des modes de conduite, et un customisé ; Hyundai va encore plus loin avec cette IONIQ 5 N, avec les configurations individualisées de chaque paramètre, dignes de Gran Turismo ou Forza. À cela s’ajoute des modes dédiés de freinage, de passages de vitesse, de Launch Control et deux modes différents pour la piste… À s’y arracher les cheveux.

Le constructeur nous a invité à lire un mode d’emploi avant l’essai, c’est dire. Reste qu’au volant et après une lecture attentive… on est un peu perdu entre tous ces boutons et modes différents. Nul doute que les rares propriétaires se créeront des modes customisés avec des touches de raccourci, mais sur notre galop d’essai de quelques heures, il en devenait fatiguant de devoir naviguer dans des menus pour désactiver le son ambiant ou changer le mode de suspension.

La IONIQ 5 N franchit une limite en terme de complexité d’utilisation. Certains réglages ne fonctionnent que sur certains modes, certaines fonctions activent certains modes et désactivent certains réglages… Bref, c’est une usine à gaz qui nécessitera quelques heures avant de trouver la configuration parfaite.

IONIQ 5 N, ou des performances de supercar

Qui dit sportive, dit performances en corrélation. La IONIQ sur-vitaminée voit sa puissance grimper de 325 ch à 609 ch (226 ch à l’avant et 383 ch à l’arrière), voire même 650 ch grâce à un overboost en appuyant sur le volant, et une vitesse maximale portée à 260 km/h. Le couple passe alors de 605 Nm à 740 Nm (770 Nm en overboost) et le 0-100 km/h de 5,1 à 3,4 secondes. Côté consommation, nos sessions pistes ont logiquement porté le score autour des 33 kWh/100 km.

Des chiffres aussi impressionnants sur le papier que dans la réalité. Sur circuit, la IONIQ 5 N m’a littéralement bluffé par son niveau de performance. Malgré une piste détrempée, le couple passe parfaitement au sol et les accélérations nous satellisent sans perte de motricité. Les pneus en 275/35 R21 créés spécifiquement par Pirelli font parfaitement le job et rassurent peu importe la contrainte. Gros freinage, relances pied au plancher et virage sollicitant le train-avant : tout passe avec une aisance remarquable !

Un comportement convaincant et rigoureux

En mode N, on oublierait alors presque les 2230 kg de l’engin tant elle est agile et à l’aise. Les épingles ? Une formalité, avec un freinage puissant, un train avant précis, une faculté à placer la voiture au frein sans crainte puis des relances détonnantes. Les longues courbes ? Sans problèmes, avec un châssis équilibré, une direction à la consistance idéale et un excellent grip. Les enchaînements sinueux ? Elle s’en délecte, avec des transferts de masse étonnamment sains et peu de roulis.

Le museau est encore un peu lourd et pas assez incisif, et des roues arrières directrices lui auraient donné encore plus de vivacité, mais son différentiel à glissement limité électronique travaille efficacement en courbe. Ce dernier permet à la voiture de pivoter et de se comporter comme une propulsion. L’ESP Sport est lui rassurant, mais encore trop intrusif. Il incite donc à le retirer entièrement pour profiter du comportement ludique de la IONIQ 5 N. Cette dernière n’élargit pas en sortie de courbe et garde sa trajectoire, affichant tantôt une certaine rigueur, tantôt un capital fun intact avec même un mode drift…

Une excellente routière

Sur route, exactement comme sur i30 N, on préférera passer la suspension pilotée en mode « normal ». Le mode « sport » étant exigeant pour les lombaires et sensible au sautillement. La IONIQ 5 N se débrouille alors fort bien et l’on atteint des vitesses inavouables très rapidement, mais elle nous le fait sentir avec de bonnes remontées d’information dans la direction. La position de conduite est elle idéale, le volant tombe parfaitement en main et les baquets maintiennent à merveille. Là encore, IONIQ 5 N soigne l’interaction avec son conducteur. Chose rare avec une voiture électrique.

Électrique oblige, justement, le freinage régénératif fait partie intégrante de l’équation avec une force allant jusque’à 0,6 G dans un énième mode dédié (N Pedal). Il n’apparait toutefois pas caricatural, et le passage du frein « moteur » au freinage hydraulique se fait en douceur avec une attaque franche à la pédale. Rien à signaler concernant l’endurance lors de notre essai, même s’il faudra forcément surveiller cet aspect lors de longues sessions piste compte tenu du poids du bestiau.

Du son et une boite de vitesse sur une électrique ? Ils ont osé !

Donner des sensations de thermique à bord d’une électrique ? Hyundai est le premier constructeur à relever le défi. Et, contre vents et marées, je dois avouer avoir été conquis par ces artifices.

Le son, tout d’abord, n’est pas vraiment une nouveauté en soi. Plusieurs ont déjà eu l’idée de donner des vocalises à leur électrique (BMW en tête avec une B.O. signée Hans Zimmer) mais on venait vite à le retirer tant cela devenait entêtant. 

Hyundai propose ici le choix entre trois sons, deux dignes d’une navette spatiale dont on se lasse vite, et un autre inspiré des compactes sportives volubiles de Hyundai N plutôt convaincant. Le son passe d’un grave cinq cylindres à « bas régime », à un aigu six cylindres une fois dans les « tours », voire même à de faux retours d’échappement à la décélération. Cela participe à donner du pep’s en conduite sportive et en devient grisant au fil des accélérations. On se prend au jeu et on en vient même à oublier qu’il ne s’agit que d’une géniale supercherie. Bon, à vrai dire, ce blasphème existe même sur les thermiques, avec des spatialisations sonores de V8 dans de sages compactes. Pas de quoi manifester dans la rue, donc.

Des palettes et des comptes-tours ? Dans une électrique ?

La boite de vitesse, elle, est inédite. Mécaniquement parlant, IONIQ 5 N est dénuée de boite de vitesse (comme Taycan qui en dispose d’une à deux rapports). La magie de l’opération réside donc entièrement dans une simulation logicielle, qui nous gratifie d’à-coups à des régimes moteur au fil des accélérations. Hyundai a donc créé de toute pièce un étagement de boites, des faux régimes moteurs (avec même un compte-tours) et des rapports qui se passent en auto ou via les palettes au volant. Et le plus beau dans tout ça ? L’illusion fonctionne parfaitement puisque cela offre de vraies sensations de sportives thermiques, gommant ainsi la linéarité de l’accélération habituelle des électriques.

Ces deux artifices remplissent parfaitement leur tâche : apporter du fun et du caractère à une voiture qui aurait pu n’être qu’un monstre de performance sans forcément impliquer son conducteur, comme beaucoup d’électriques avant elle. Pari réussi, on s’éclate !

IONIQ 5 N : une électrique presque comme une autre

Une fois le fun passé, IONIQ 5 N sait être une électrique civilisée et complètement vivable au quotidien. Tous ces gadgets de conduite se désactivent et elle devient une IONIQ 5 somme toute normale à mener. Cette polyvalence de GTE est une vraie qualité qui permet à la sportive de devenir une routière, confortable et à l’isolation acoustique soignée. Elle jouit aussi des derniers raffinements en terme de confort et d’équipement avec toute la dotation de la IONIQ 5 restylée, dont la nouvelle clé d’accès numérique et une pléiade d’aides à la conduite.

Sa batterie NMC passe de 77,4 kWh à 84 kWh, avec une autonomie WLTP de 448 km. Côté recharge, IONIQ 5 N peut toujours compter sur sa plate-forme en 800V et sa propension à avaler des charges à 260 kW. Lui permettant de passer de 10 à 80 % en 18 minutes. Son CX en prend un léger coup et sa consommation aussi (environ +2/3 kWh/100 km), mais elle reste parmi les voitures les plus adaptées à parcourir de longues distances.

Bilan

50 exemplaires par an en France seront vendus 78 000 € (sans options au catalogue puisque tout est compris hormis la couleur). La IONIQ 5 N et ses 650 ch n’a finalement que pour seule rivale sa cousine Coréenne Kia EV6 GT, affichée à 75 000 €. Cette dernière se destine à plus de polyvalence et moins de sport que la Hyundai. L’équivalent chez Porsche avec Taycan Turbo s’échange deux à trois fois plus cher, sans pour autant offrir autant de capital fun. Et la Tesla Model 3 Ludicrous/Performance n’est toujours pas officielle.

Les équipes N de chez Hyundai ont réussi le coup de maitre d’être les premiers à nous faire passer autant de bon moments aux commandes d’une voiture électrique. Ils ont, par le biais d’artifices convaincants et d’un look démoniaque, donné à la voiture une vraie personnalité à regarder et à conduire. Les quelques heures passées à son volant sur route et sur piste nous ont convaincu : IONIQ 5 N est une sportive unique, performante et intéressante à mener. Elle demande à être comprise, mais une fois assimilée et paramétrée à sa guise, elle en devient une formidable machine sur l’asphalte autant qu’une routière de qualité. Dr. Jekyll et Mr. Hyde, à la sauce Coréenne 2024.

Photos : Victor Desmet