Dernière danse en Renault Mégane RS
« Je veux juste une dernière danse, avant l’ombre et l’indifférence » ; ces quelques paroles, qui ont rythmé nos jeunes années adolescentes (pour la génération 90’), ont aussi un peu été l’hymne des 1000 kilomètres passés au volant de l’une des dernières représentantes du plaisir automobile français : la Renault Mégane RS.
C’est acté : la MRS, dans sa forme actuelle, sera la dernière. Renault Sport s’en est allé pour laisser le champ libre à l’avenir électrisant d’Alpine, emmenant prochainement dans son cercueil le dernier témoin de son savoir-faire. Mégane aura bien une succession électrique sous la forme d’un tout nouveau modèle (on vous en parle ici), mais plus aucun cœur thermique sportif ne battra sous sa carrosserie.
La Mégane RS, c’est un symbole, une légende et un véritable pilier pour le monde du sport auto’. Nous l’avons côtoyé plusieurs fois (ici et là), certains qui sont passés en ces colonnes en ont d’ailleurs une dans le garage, et nous avons tous loué ses qualités au fil des différentes générations. Trophy, R26R, Trophy-R : elle a été déclinée à toutes les sauces pour rester la reine des routes et des circuits.
Elle est encore aujourd’hui la seule Française à avoir ses lettres de noblesse chaque week-end sur la Nordschleife, au milieu des BMW M2 et des Porsche 911 GT3 RS. Reconnue par tous comme LA compacte ultime, elle a acquis au fil des années une vraie légitimité au-delà même de nos frontières. Que ça soit au Japon, en Nouvelle-Zélande ou encore en Angleterre, la Mégane RS est le porte-étendard du Losange et une formidable vitrine de ce que les ingénieurs de Renault Sport ont réussi à mettre au point.
Alors pour l’une de nos ultimes valses en sa compagnie, à défaut de pouvoir aller sur la boucle Nord du Nürb’, nous avons choisi de l’accompagner en Bourgogne avec deux partenaires de jeu à peine sorties : la VW Golf 8 R et la BMW 128 Ti.
Malgré ses cinq ans (dit comme ça, cela semble être une éternité), la Mégane RS vieillit carrément bien. Son restylage lui a fait le plus grand bien ; la Française peut encore assumer les quelques années de carrière qui lui restent sans que les rides ne se fassent trop sentir. À côté de la frêle BMW et de la BCBG Golf R, elle joue les gros bras. Avec ses ailes élargies, son bouclier avalant l’asphalte et son imposant diffuseur arrière au milieu duquel la sortie d’échappement trapézoïdale traditionnelle des Mégane RS produit un son plus que jamais grisant ! Sa signature lumineuse, modernisée et affinée, lui permet d’être au goût du jour et séduisante. Même si on ne s’émerveille plus vraiment devant la plastique d’une Mégane, notre exemplaire orange avec jantes noires est loin d’être aux portes de la retraite. Et même si on ne dispose « que » d’une RS non Trophy, elle a une sacrée gueule et fait toujours son petit effet !
À bord aussi, les années passent sans encombre. Les changements apportés par le restylage lui ont offert une planche de bord bien plus qualitative en terme de matériaux, et une mise à jour technologique bienvenue. L’ergonomie de la Mégane est idéale, le système multimédia est complet, fluide et réactif, et on peut envisager sans soucis de vivre à ses côtés sans ne manquer de rien. Aides à la conduite complètes, Apple CarPlay, système Hi-Fi Bose, on a ce qu’il faut pour la côtoyer au quotidien sans la subir.
Le volant à la jante épaisse, le pédalier alu et les excellents fauteuils baquet RS nous rappellent le pedigree de la bestiole. Les fesses, les épaules et les lombaires bien calées, le volant naturellement sous les mains, on se retrouve alors dans un cocon de sportivité qui n’aspire qu’à une chose : profiter de ces moments d’innocence et de plaisir authentiques.
Authentique, la Mégane RS l’est toujours. Cela semble fou, mais rares sont les compactes sportives qui vous transmettent encore suffisamment d’informations pour que vous ayez cette sensation de faire corps avec votre monture. À force de vouloir plaire à tout le monde et d’être polyvalente, ces compromis absolument parfaits incarnés par la Golf GTI ou la Peugeot 308 ont quelque peu effrité et altéré notre vision du plaisir de conduire une compacte traction.
Notre Mégane RS a beau être la version la plus « simple » (RS 300 boite à double embrayage EDC), elle n’en reste pas moins un plaisir à être menée et un maitre-étalon pour bien d’autres sportives. Elle n’est pas forcément la plus polyvalente du marché, avec un seul réglage de suspension relativement ferme mais pas non plus tranchant et un étagement de boite un peu court qui vous stabilise à près de 3500 tr./min. à 130 km/h. Au-delà du bourdonnement que cela entraine dans l’habitacle (même échappement fermé), le 1.8 TCe a bon appétit avec un bon 9.0 L / 100 km sur voie rapide.
Point de micro-hybridation pour notre Mégane : le quatre cylindres « à l’ancienne » qu’elle partage avec la cousine Alpine est toujours dans la course, et il a gagné 20 chevaux avec le restylage pour culminer à présent à 300 ch. Ce bloc est toujours aussi punchy dès les plus bas régîmes, et en devient grisant au moment où le turbo vient à se déclencher. La boite à double embrayage EDC se marie parfaitement au moteur, avec des passages éclairs, que ça soit à la montée ou à la descente. J’aurais toutefois aimé retrouver les mêmes palettes que sur l’Alpine, celles de la Mégane ne descendant pas assez bas pour être utilisables dans certaines conditions d’angle dans le volant.
La poussée, plus que généreuse en phase d’accélération, est accompagnée d’une sonorité re-travaillée vraiment sympa’. Ni trop exubérante ni trop sage, elle est en parfaite adéquation avec la philosophie de la Mégane RS. Basculés en mode Sport ou Race, les clapets de l’échappement s’ouvrent et libèrent leurs décibels. De jolies déflagrations interviennent au lâcher de gaz et au passage de rapport, participant à ce sentiment très satisfaisant que la voiture vous gratifie de vous amuser à son volant.
C’est ça le leitmotiv de la Mégane RS depuis le début, et aujourd’hui encore à l’aube de ses adieux : impliquer un maximum son conducteur. Cela passe par une direction parfaitement calibrée, consistante à souhait et précise comme on en rêve. Ce scalpel permet de placer le train-avant là où le désire à l’inscription, puis de laisser l’arrière enrouler comme par magie. Elle a cette propension à danser qu’aucune autre compacte n’a ; cette sensation satisfaisante de sentir la proue pivoter et de suivre chaque courbe en toute fluidité. L’ajout du 4Control et des roues arrière directrices sur cette génération a amplifié ce phénomène magique qui participe grandement à l’agilité légendaire de la Française. Le transfert de charges est un peu déroutant au début, mais s’apprivoise très rapidement pour finalement devenir addictif !
Impériale dans le sinueux avec des changements d’appui précis et un comportement toujours prévenant, jamais l’absence de châssis Cup n’aura été un problème. Le différentiel auto-bloquant aurait été le bienvenu lors des relances, pour éviter les quelques pertes de motricité au moment de remettre pied dedans, mais elle s’en sort tout à fait convenablement sans.
La reine des compactes sportives est aussi imperturbable dans les longues courbes. Elle engloutit avec entrain et toujours beaucoup de prévenance les grands virages en banking du Morvan à des vitesses nous envoyant directement en prison. Le plus dangereux/jouissif (choisissez le terme qui vous convient le mieux) étant la facilité avec laquelle elle se laisse apprivoiser. Elle accélère comme une balle, tourne mieux que la plupart des voitures et freine sans jamais montrer de signe de faiblesse.
Quelque soit son niveau, n’importe quel passionné peut trouver son compte une fois à ses commandes. Elle sait aussi bien être une formidable école de la voiture sportive, qu’un précieux outil pour faire rougir de bien plus gros jouets dans bon nombre de situations.
La magie de cette voiture réside en sa faculté à vous transmettre des émotions sincères. On sent ce qu’il se passe sous nos mains, sous nos pieds et sous nos fesses, et cela change tout. Elle incite à s’engager de plus en plus à son volant et à hausser de plus en plus le rythme tant elle met en confiance. C’est le genre de sportive qui vous prend par la main du Premier Flocon à la Flèche d’Argent, vous accompagnant du tire-fesses à la piste noire sans jamais vous lâcher. L’outil ne sera jamais un frein à votre plaisir tant elle sait exceller dans toutes les situations et rassurer ses occupants.
C’est avec une pointe d’amertume que je profite innocemment de ces moments de plaisirs automobiles authentiques, en me disant que je suis le témoin d’une époque bientôt révolue. BMW 128 Ti et Golf 8 R ont beau être de très bonnes voitures, aucune n’a autant d’âme que cette gardienne du temple qu’est la Mégane RS. Aucune n’implique autant son conducteur et ne le gratifie autant à son volant. Je garde toutefois espoir en voyant sortir des petites pépites comme la Yaris GR ou la Hyundai i20N, et je me dis qu’il nous reste quelques années à savourer les délices irrationnels de l’essence. Merci pour ce que tu as fait, Mégane RS.
Photos : Victor Desmet et Mickäel Roux