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Futur électrique : Alpine risque-t-elle le coup de jus ?

En ce début d’année 2021 se tenait « Renaulution », une conférence donnant des pistes sur l’avenir de Renault, de Dacia et d’Alpine. Parmi les nombreuses annonces effectuées par Luca De Meo, passons ensemble en revue celles concernant la firme de Dieppe que l’on affectionne tant…

« Alpine en Formule 1 ? Top ! ; Renault Sport aux oubliettes, place à Alpine ? Mmmh… à voir ; Plus aucun modèle essence chez Alpine ? Vraiment ?! »

Tel un coup de massue (dont on se doutait un peu), le « nouveau » PDG du groupe a concrétisé les bruits de couloir, devenus craintes pour beaucoup, concernant Alpine. Trois ans après sa renaissance, notre fleuron de l’industrie automobile française est à l’aube d’une mutation électrique que nous n’imaginions pas au moment de découvrir l’A110 du XXIe siècle en cette fin d’année 2017.

Mais que diable pouvons-nous craindre d’une Alpine électrique ? Que pourra-t-elle changer à cette alchimie si presque parfaite qu’est l’A110 ?

Au revoir, essence

La première chose à retenir, c’est que l’Alpine A110 dans sa forme (et dans sa motorisation) actuelle n’est pas morte, ou du moins pas encore. Nous aurons encore au moins trois ans pour prendre du plaisir, ou même pour acquérir, cette Berlinette qui fait consensus dans le monde des passionnés d’automobile. Du rassemblement entre potes du dimanche aprèm’ aux mains expertes de Chris Harris, tout le monde est aligné sur la réussite de cette voiture. Ensuite ?

Deux informations de taille nous ont été communiquées et permettent de mieux s’imaginer le futur d’Alpine : trois modèles composeront la gamme, et ils seront tous électriques à 100 %. Pas d’hybride, plus d’essence, que des watts !

La (future) famille Alpine

Une Alpine pour tous les jours, une Alpine pour la famille et une Alpine pour le week-end. Voici un peu la gamme telle que le Big Boss l’a présentée. Traduisons cela par l’arrivée d’une petite Alpine, sûrement sous la forme d’une citadine/compacte, d’un SUV type Alfa Romeo Stelvio/Porsche Macan et d’une sportive réalisée avec Lotus, reprenant globalement la forme et le concept général de l’A110 actuelle.

Famille Alpine électrique.

La diversification n’est en rien une surprise. Il était utopique de croire que le constructeur allait pouvoir vivre grâce à l’A110 seule et qu’un SUV n’allait pas pointer le bout de son gros capot. Après tout, faire cohabiter SUV pimenté et sportive dans la même gamme n’a plus rien d’étonnant aujourd’hui, quitte même à en devenir la norme.

Comme on l’a toujours dit, si la 911 a pu continuer de vivre, c’est grâce au Cayenne et au Macan… Statu quo chez Lamborghini, Bentley et même bientôt Ferrari. Tant que le SUV ne vient pas éclipser la sportive, sa présence ne peut être que bénéfique d’un point de vue commercial et pour la santé financière d’une marque.

Là où Alpine nous surprend, c’est avec l’arrivée d’une citadine/compacte. Tout reste à présenter et je dois avouer être particulièrement curieux de la forme qu’elle prendra. Il y a fort à parier qu’elle sera une version actuelle de la Renault 5 Alpine… Comble du calendrier (ou pas), Renault en a profité pour dévoiler un concept très « Cyber Punk » présentant le retour de sa Renault 5 pour 2023. Tiens tiens…

Enfin, et c’est là que j’avoue avoir commencé à tiquer : la prochaine A110, ou du moins son évolution électrique (A110e ?)… 

L’A110 électrique : réalité ou fatalité ?

Qu’une citadine à vocation quotidienne ou qu’un SUV de 2 tonnes branché à des bornes Ionity fassent leur arrivée, même ornés du blason Alpine, ne me surprend guère. Que l’on balaye d’un revers l’A110 thermique et qu’on regarde dans une boule de cristal plutôt que dans le rétroviseur m’a surpris.

Si l’A110 sous sa forme actuelle est si réussie, c’est justement parce que le concept originel de Jean Rédélé a été au cœur de chaque étape de son développement. Alpine l’a adapté à la sauce du XXIe siècle avec une boite auto’ et des écrans, mais la recette reste la même : le plaisir de conduite au centre de tout, en reprenant bon nombre d’éléments du groupe (pour le meilleur et pour le pire, ok…) afin de proposer un tarif en-deçà des concurrentes.

C’est sûrement la voiture la plus attachante que j’ai pu conduire au cours des trois dernières années, et celle qui me revient le plus en tête quand je me demande ce que je pourrais acheter à ce jour. Bref, mis à part un système multimédia à la ramasse et quelques babioles de finition, elle est à mes yeux parfaite. L’A110 S apporte également ce surplus de rigueur (au détriment du fun selon moi) qui pouvait lui manquer sur piste. OK, à part une version découvrante, la gamme est cohérente…

Mais quelle déception… une Alpine que l’on va devoir charger pour parcourir 250-300 km ? Puis recommencer ?

N’est-ce pas contraire à la vision de liberté incarnée par celle que l’on veut côtoyer des heures durant dans des régions reculées, loin de toute circulation et souvent dénuées de toutes bornes de recharge ?

Je ne suis pas un ayatollah du sans-plomb et j’arrive à apprécier la conduite wattée. Le plaisir de conduite à bord d’une électrique n’est pas mort, il est différent. Il ne se compose pas de vibrations, de vitesses à passer ou de variations de la sonorité de la mécanique, non… La relation homme-machine s’en voit transfigurée mais pas pour autant entachée, on a même parfois l’impression de faire encore plus corps avec la route tant le silence règne et que seuls les bruits des pneus sur le bitume occupent l’habitacle.

Cependant, on sait à quel point le « Light is Right » est l’une des valeurs phares de l’Alpine. Que va-t-elle devenir avec l’arrivée de lourdes batteries ? Ou alors feront-ils le choix de mettre peu de batteries quitte à avoir une autonomie passable ?

Je suis convaincu qu’Alpine réussira à faire de l’A110 électrique une excellente voiture, et je fais entièrement confiance aux ingénieurs et metteurs au point pour nous concocter un produit élaboré et pointu. Cerise sur le gâteau, Lotus est de la partie pour développer cette nouvelle-venue (en espérant que cela sera plus fructueux que la feu-collaboration avec Caterham qui n’a rien donné à la genèse de l’A110 actuelle…).

Mais alors, comment pourrais-je effectuer cette traversée des Alpes ? Comment pourrais-je déjeuner à La Remise, en Ardèche, puis repartir vers les Grandes Causses dans foulée ? Comment pourrais-je enchainer ma journée sur circuit et rentrer à la maison ?

Une A110 est avant tout conçue pour les rallyes, pour les road-trips, et pour tous ces trajets irrationnels où le seul but est de prendre son pied derrière le volant, quitte à faire des détours imprévus juste pour le plaisir. Une voiture électrique demande quant à elle à ce que chaque trajet soit préparé et jalonné d’arrêts-recharge pour éviter la panne sèche. Deux visions antagonistes qui m’inquiètent au plus haut point lorsqu’il s’agit d’appliquer la recette électrique à des voitures censées pouvoir ingurgiter des montées de col et des longues sessions de roulage.

Le problème n’est pas le produit, mais l’éco-système autour. Le réseau français de charge est toujours aussi disparate et toujours un casse-tête en terme d’utilisation. De plus, la groupe Renault n’est ni membre du consortium Ionity, ni acteur d’une quelconque initiative d’agrandissement du réseau de chargeurs dans l’Hexagone.

Au volant d’une Alpine, je n’ai pas envie de m’embêter avec différentes cartes de charge ou différents abonnements. Au volant d’une Alpine, je ne voudrais pas organiser chacun de mes road-trips en fonction des bornes sur la route ou avoir à activer le mode ÉCO pour rallier mon hôtel sans craindre la panne.

L’A110 est-elle menacée par l’électrique pour autant ? Un peu à la manière de DS il y a quelques années, qui a fait de son blason un porte-étendard incarnant la renaissance d’une marque française iconique, l’A110 n’est-elle plus qu’un instrument marketing pour servir les ventes du SUV ? Assurément pas.

L’électrique n’est selon moi pas un choix à systématiser et à appliquer à toutes les voitures, et l’A110 en fait partie. Même s’il apparait audacieux, ce choix de l’électrification totale d’une sportive sonne en moi plus comme une réponse politique et comme une nécessité financière qu’autre chose.

Est-on à l’aube d’une ère de 911, de MX-5 ou de GT-86 électriques ? Cela m’inquiète sur l’avenir des produits et sur leur succès commercial. J’ai du mal à imaginer que la clientèle de passionnés qu’elles attirent continuera à s’y intéresser lorsqu’elles seront gavée de batteries et aphones. Si le réseau de charge ne vient pas à progresser, que ça soit en densité, en fiabilité et en simplicité d’usage, la voiture-électrique restera une niche et Alpine en sera pénalisé.

Nous vivons malgré nous dans une époque formidable de matraquage écologique où les constructeurs sont pris dans un étau. Les sportives thermiques tombent une à une, et le peu restantes sont assommées de taxes et de malus dissuadant de les acheter. Je l’avoue, j’ai du mal à digérer le choix d’une Alpine électrique, mais s’il peut permettre à cette formidable machine à sourires de continuer sa carrière, alors je pourrais consentir à faire un effort pour chercher où brancher ma future Berlinette… Longue vie à Alpine.