Essais

Mazda CX-60 : bienvenue dans la cour des grands

Fervent défenseur du moteur thermique atmosphérique et rare constructeur à encore être indépendant mécaniquement, Mazda arrive dans le grand bain des hybrides-rechargeables avec le CX-60. Un nouveau modèle imposant qui chapeaute la gamme du constructeur en Europe, et qui renforce par la même occasion la place de la fée électricité chez le constructeur après une première incursion avec le MX-30. Un gros SUV hybride-rechargeable à la sauce Mazda, un énième modèle comme les autres ou quelque chose de différent ?

CX-3, CX-30, CX-5 et maintenant CX-60, Mazda a compris qu’il fallait multiplier sa présence dans le segment des SUV pour gagner de nouveaux clients. La superbe berline Mazda 6 vient de tirer sa révérence, la MX-5 continue sa brillante carrière depuis 2015 sans prendre trop de rides, la Mazda 2 en est à son 3e restylage et la Mazda 3 se fait toujours aussi rare sur la route malgré des qualités certaines. Avec CX-60, sa nouvelle vitrine, le constructeur d’Hiroshima veut affirmer ses ambitions premium. Essai.

Un sumo en smoking

Même s’il est sorti l’été dernier, j’avoue encore n’avoir jamais croisé de Mazda CX-60 sur la route. Premier contact dans sa belle robe Machine Gray, qui met parfaitement en valeur ses galbes généreux : « wow, il est imposant le pépère ! ». Long de 4,74 m, large de 1,89 m et haut de 1,68 m, le dernier né des studios de style Mazda marque le pas avec le CX-5 et en impose carrément. En finition Takumi, sa calandre béante chromée et noire avale littéralement le bitume. 

Cette face avant se caractérise par sa verticalité, avec un museau droit, faisant face à la route, pas aussi fin qu’il peut l’être sur les autres productions de Mazda, 3 et CX-30 en tête. Les feux avant auraient également gagné à être plus étirés et plus larges afin de donner un regard plus dynamique et alléger un peu la proue béante du SUV. On reconnait toutefois l’air de famille avec le reste de la gamme et l’identité stylistique du constructeur, à l’avant du moins.

Là où la compacte est pour moi l’une des plus belles voitures de la production actuelle, avec des influences latines et nippones qui se mêlent à merveille, le CX-60 est à mon sens un peu lourd à regarder et manque de finesse. Ça n’est sûrement pas ce qu’attend la cible de ce segment, cherchant la sensation de robustesse et la prestance avant tout, mais j’avoue préférer les courbes du CX-5 au côté « gros frigo carré » du CX-60. Il n’en est pas moins élégant par endroits, avec des jantes bi-ton et des chromes en finition Takumi qui lui apportent un côté premium bienvenu. Le recours à la finition haute est à mon sens un incontournable ; les finitions inférieures faisant appel à du noir partout, des jantes à la calandre en passant par les détails de carrosserie.

Un manque de caractère à l’arrière

La partie arrière est elle moins réussie pour moi, puisque manquant un peu de personnalité. « Un ancien BMW X5 ? Un Kia Sportage ? Un Hyundai ? », plusieurs personnes m’ont demandé de quel modèle il s’agissait, et il est vrai que le simple fait de masquer le monogramme Mazda suffit à semer le doute tant cette poupe manque cruellement de ce « Kodo design » si cher au constructeur. 

Des feux sans vraiment de lien avec ce qui se fait sur le reste de la gamme (un cercle puis un fin filet de LED sur la malle comme sur CX-30 aurait été canon), des faux embouts d’échappement chromés par vraiment utiles qui auraient pu laisser deux vraies sorties rondes comme sur les autres modèles… Mazda semblait comme en panne d’inspiration pour l’arrière du CX-60. En résulte toutefois un modèle cohérent, dans les tendances actuelles, qui se veut ratisser large et plaire à un plus grand nombre. Une touche de rationalité à laquelle le constructeur ne nous avait pas vraiment habitué.

À bord : une masterclass des Takumi

Là encore, à bord, le CX-60 démontre tout le potentiel et tout le savoir-faire de Mazda en finition Takumi. Exclusivement proposé avec une sellerie en cuir nappa beige clair, le haut-de-gamme du SUV propose une expérience extrêmement soignée et des prestations parmi les meilleures dans le segment. De plus en plus assimilé comme le Volvo Japonais, Mazda s’affirme ici avec un cocon de très haute-volée et nous démontre que cette analogie est tout à fait légitime.

Pénétrer à bord du CX-60 éveille les sens et attise la curiosité : l’érable clair, l’aluminium et le cuir se mêlent avec beaucoup de goût et une qualité d’assemblage tout bonnement remarquable et exempt de tout défaut. Une clarté et une lumière appréciables s’en dégagent, un sentiment renforcé par les larges surfaces vitrées et, enfin, l’arrivée d’un toit-ouvrant panoramique à bord d’une Mazda.

Tel un travail fait-main (d’où le terme de Takumi, « artisan » en japonais), la planche de bord du CX-60 Takumi est recouverte de deux larges bandes de tissu reliés par le Kakenui, une technique traditionnelle qui permet de créer des coutures « suspendues » dans le but de laisser entrevoir le matériau situé en-dessous. Cela est tout à fait unique à bord d’une voiture et offre un charme qui n’existe pas ailleurs. La qualité de ces prestations se poursuit sur les contreforts de portes avant et arrière, pour que personne ne soit laissé de côté. Les finitions sont d’excellente facture et aucun élément ne vient ternir cet excellent bilan. L’effet « wahou » est là : on s’y sent bien.

Le sens de l’accueil

L’opération-séduction se poursuit avec des finitions d’excellente facture et une ergonomie soignée. Le bon nombre de boutons, des commandes de climatisation accessibles facilement, un volant avec juste ce qu’il faut dessus, pas de commandes haptiques ou tactiles qui demandent à détourner son attention… Seule l’absence d’écran tactile en roulant peut être handicapant quand on y était habitué, mais après quelques trajets de familiarisation, le recours à la molette centrale et à ses touches de raccourci apparait comme évident. Le système multimédia propose une interface agréable et simple, mais on a vite recours à la connexion sans-fil avec son smartphone via Apple CarPlay pour utiliser la navigation car le GPS intégré est très moyen, voire incomplet.

Fidèle à la tradition des finitions hautes « tout-compris », le CX-60 Takumi propose un équipement complet, tant au niveau du confort que de la sécurité. Il faudra seulement ajouter quelques options pour les aides à la conduite, le toit-ouvrant, le système Bose et la peinture.

Seule voiture à faire cela pour le moment, le CX-60, par le biais de caméras et de capteurs, vous demande la première fois votre taille afin d’ajuster la position de conduite. Sur le papier, cela relève du génie… En réalité, cela demandait quelques ajustements moi qui aime rouler bas et le volant assez proche.

L’ami des familles

Cinq personnes peuvent prendre place sans problème à bord, tous choyés par des sièges moelleux, chauffants et ventilés à l’avant, « juste » chauffants derrière. Pas de jaloux, aucun ne pourra se faire masser comme sur le DS 7 par exemple. Grâce à ses dimensions, l’habitabilité arrière est excellente, avec une bonne garde au toit, une largeur d’assise généreuse et un espace aux jambes idéal pour des adultes. Il faudra se contenter de cinq places en attendant l’arrivée de la variante 7 places, nommée CX-90, qui vient d’être dévoilée aux États-Unis.

Côté chargement, le hayon électrique dévoile un volume de chargement de 570 litres, composé d’une malle accessible au niveau du plancher et d’un compartiment en-dessous afin de ranger les câbles. En abaissant la rangée de sièges arrière, on peut atteindre 1726 litres. Enfin, le CX-60 peut sans problème tracter jusqu’à 2500 kg, de quoi partir en vacances avec ses vélos et/ou son cheval sans problème. Un SUV bien né et conçu pour les escapades en famille.

L’avènement de l’hybride-rechargeable chez Mazda

Après l’arrivée de la micro-hybridation sur le 2.0 SkyActiv-X et de l’électricité avec le MX-30, CX-60 inaugure le vrai mariage essence-électricité. En attendant l’arrivée prochaine de moteurs essence et diesel six cylindres on ne peut plus intriguants, deux moteurs sont proposés sur le porte-étendard du constructeur : un 3.3 L micro-hybridé diesel de 200 ch, et notre essence hybride-rechargeable de 327 ch, ce qui en fait à ce jour la Mazda de série la plus puissante proposée.

Le cocktail repose sur le quatre cylindres 2.5 L atmosphérique de 191 ch, et d’un moteur électrique placé sur l’essieu arrière de 175 ch/129 kW. Une transmission intégrale, donc, animé par une boite automatique maison à 8 rapports. Cela donne sur le papier des performances honorables : un 0-100 km/h en 5,8 secondes et 500 Nm de couple à 4000 tr./min. La vitesse est limitée à 200 km/h, mais cela n’enquiquinera finalement que les Allemands.

Grâce à sa batterie de 17,8 kWh, le CX-60 est ainsi capable de parcourir environ 50 km sans une goutte d’essence (63 km sur le papier) avant de devoir être rechargé. Cela prendra entre 2h30 sur une borne en 7,2 kW, et 8 heures sur une prise (1,8 kW). Le SUV peut compter sur trois niveaux de récupération d’énergie paramétrables, dont le plus élevé qui permet de récupérer facilement quelques watts à chaque lever de pied et phases de freinage. On en vient alors à adopter une conduite souple et tout en anticipation afin de remplir la jauge de régénération d’énergie. Rouler en électrique est alors toujours aussi fluide et zen, même si le sifflement très perceptible du moteur électrique n’est pas des plus agréables.

Sur la route : le nouveau-né

Destiné à être la voiture principale du foyer, le CX-60 assumera alors parfaitement les trajets du quotidien en tout-électrique. Un mode EV permet de rester sans essence à allure de sénateur, mais on basculera vite en mode « normal » (hybride) afin de jouir de la puissance nécessaire pour accéder, doubler ou encore s’insérer. Même sans batterie, une mince réserve de watts permet par ailleurs de profiter du couple additionnel du moteur électrique et ne pas laisser le bloc essence faire le travail seul pour mouvoir les 2070 kg du gros bébé.

Le réveil du moteur atmosphérique lors de la transition entre le thermique et l’électrique n’est pas la plus discrète qui soit. Le tout étant accompagné d’a-coups de transmission peu agréables. La boite automatique à embrayage multi-disques fait le travail en conduite très coulée, mais solliciter la cavalerie révèle alors sa lenteur et sa propension à vous mettre un petit coup dans la nuque à chaque changement de rapport. Elle n’aime pas être malmenée, et il vaudra mieux conduire le CX-60 avec un certain flegme tant il manque de rondeur mécanique et de douceur au moment de faire appel aux 327 ch.

L’anecdotique mode Sport que les marques aiment apposer (à tort) à tout va n’aura d’effet que de retarder le passage des rapports, et faire suffoquer le 2.5 L atmosphérique bien après sa crête de puissance, jusqu’aux confins de la zone rouge. À défaut de suspensions pilotées, cela ne joue alors que sur la consistance de la direction, en l’alourdissant artificiellement sans la rendre plus communicative.

Un plaisir de conduite à la peine

Cheval de bataille de Mazda, le plaisir de conduite auquel tient à défendre la marque est assez dur à trouver, je dois l’avouer… La direction manque cruellement de ressenti, et le train avant est paresseux. Avec plus de deux tonnes sur la balance, les lois de la physique se rappellent à nous et le gabarit du bestiau se ressent clairement. Le roulis est maitrisé, mais le CX-60 est peu excitant, voire un peu fatiguant, à emmener sur les belles routes. « Faire corps avec sa machine », slogan phare de Mazda, n’est alors honnêtement que du marketing. Je n’attendais pas de lui le pétillant d’une MX-5, mais au moins quelque chose qui nous impliquerait un peu plus à la conduite.

Côté confort, le bilan n’est pas forcément meilleur : l’amortissement passif a été réglé de façon à ce que la voiture ne se vautre pas à chaque transfert de charge. En résulte quelque chose de ferme, avec notamment une propension à faire sentir chaque irrégularité du bitume et transformer chaque ralentisseur en épreuve. Le CX-60 a tendance à sautiller sur nos jolies départementales, et les passagers arrière le subissent. Heureusement que le moelleux des sièges réduit la douloureuse, car naviguer sur route dégradée n’est pas une expérience vraiment agréable à bord.

Le grand voyageur

On savoure alors le CX-60 à vitesse stabilisée, sans chercher à aller explorer des routes sinueuses  avec le sourire comme on le ferait avec un DS 7 Performance par exemple. Un grand voyageur classe pullman qui soigne ses occupants sur de longs rubans d’asphalte parfaits. L’isolation acoustique avec les bruits d’air et de roulement est alors excellente, et le système Bose spatialise parfaitement la musique à bord. Le conducteur peut lui compter sur des aides à la conduite complètes et bien calibrées.

Petite cerise sur le gâteau, grâce à ses deux moteurs, un sur chaque essieu, la version hybride-rechargeable dispose de quatre roues motrices et d’un mode dédié de contrôle en descente. De quoi lui assurer une bonne motricité sur terrain difficile et une polyvalence bienvenue à la montagne ou à la campagne, sans pour autant le transformer en franchiseur avec des angles d’attaque et de fuite peu adaptés à l’exercice.

Avec environ 7,5 L / 100 km de consommation mixte une fois la batterie vidée, le CX-60 demandera à remplir ses 50 L au bout d’environ 500 km. Un score pas mauvais compte tenu du poids du modèle.

Une première, à peaufiner

La mise au point du CX-60 semble avoir été un peu précipitée, et dictée par les lois de l’hybridation et de la consommation plus que du plaisir de conduire, et plus surprenant, du confort. Sans chercher à faire du CX-60 une référence sur la route, Mazda n’a à mon sens pas réussi à trouver le compromis idéal entre préserver le confort des passagers et garantir un comportement rigoureux.

Dans sa montée en gamme, le CX-60 apparait comme un modèle incontournable pour Mazda, qui se doit de proposer un gros SUV et des prestations en hausse. Face aux Audi Q5, BMW X3, Mercedes GLC et Volvo XC60, il affronte des cadors qui n’ont plus grand chose à prouver. Il ne les inquiètera pas vraiment et ne rebattra pas les cartes d’un marché acquis à ces marques installées depuis des années, mais il démontre la volonté de Mazda de se présenter comme un nouvel acteur du premium.

Une concurrence affirmée

A-t-il les armes pour incarner cela ? Venant de si loin et s’étant mis assez tardivement à l’électrification de sa gamme, il faudra sûrement du temps et du travail au constructeur d’Hiroshima pour proposer une copie véritablement aboutie et maitrisée du SUV hybride-rechargeable idéal. Le duo de moteurs et la boite de vitesse demandent encore à être peaufinés pour atteindre la douceur de fonctionnement d’un Lexus NX, les liaisons au sol gagnent à être aiguisées pour inquiéter un BMW X3, et le confort mérite d’être soigné pour se rapprocher d’un Volvo XC60. À bord, les prestations d’excellente facture peuvent elles faire de l’ombre à plus d’un concurrent, et la dotation pléthorique de série pour 61 750 € l’affichent entre 5 et 10 000 € moins cher que ses rivaux directs (Lexus NX450h+, Volvo XC60 T8, Mercedes GLC300e, Audi Q5 55 TFSIe et BMW X3 30e).

Le CX-60 est le nouveau porte-étendard de Mazda. Avec son look charismatique, sa technologie embarquée et la qualité de son habitacle, il incarne et exprime tous les efforts menés par le constructeur en quelques années. Une excellente dynamique, qui demande encore du travail et des investissements pour offrir une expérience de conduite à la hauteur du reste de la gamme et une hybridation plus transparente (en passant par un second accord avec le groupe Toyota ?). Il en reste qu’il est un SUV rationnel et sérieux, le SUV de la raison plus que de la passion.

Photos : Victor Desmet