Essais

Toyota GR86 : Un fruit défendu, et déjà collector !


Quatre cylindres à plat atmosphérique et propulsion, des mots doux qui chatouillent nos tympans de passionnés d’automobile que nous sommes, malgré le climat automobile ambiant, très… électrifié. Avec sa robe rouge, la Toyota GR86 chamboule la relative monotonie de notre page d’accueil, rythmée par les SUV et berlines électriques grises, blanches et noires depuis plusieurs semaines. 

Mathias et moi (Victor) avons eu le plaisir inconsidéré, et devenu presque coupable, de passer quelques jours au volant d’une véritable pépite du paysage automobile. L’un des derniers témoins du plaisir de conduire accessible sur nos routes : la Toyota GR86.

Intimement liée à Blog-Moteur

La GR86 est la descendante d’une lignée de sportives Toyota débutée par la Corolla AE86 en 1983 et poursuivie par la GT86, dont la production s’est arrêtée en 2020. Cette dernière est une auto très particulière aux yeux de Mathias. Retour en 2013 : après avoir remporté un concours photo sur la page Facebook de Toyota France, il a eu la chance de faire ses armes au volant du coupé Japonais, alors tout fraîchement sorti. C’était à l’occasion du GT86 Expérience, organisé sur le Driving Center du circuit du Castellet.

Photo souvenir du GT86 Experience.

Il s’agissait de sa toute première fois sur piste, et c’était également son premier événement/essai automobile. Autant vous dire que le petit provincial qu’il était (et qu’il est toujours) avait des étoiles plein les yeux ! C’est justement lors du GT86 Expérience qu’il a fait la rencontre de Michael, le fondateur du site sur lequel vous lisez ces lignes. Un « match » amical s’en est suivi, et il écrit encore sur Blog-Moteur.com, près d’une décennie après !

Maintenant que vous avez le contexte (et les larmes aux yeux nous n’en doutons pas), il est temps pour nous de vous donner nos impressions sur cette nouvelle (et tant attendue !) Toyota GR86. Vous avez donc sous vos yeux deux avis regroupés dans un seul article : rien n’est trop beau pour la descendante de la GT86 !

Portrait robot de la Toyota GR86

Faute de Corolla GR en Europe, et aux côtés de la GR Yaris et de la GR Supra (relire notre comparatif sur le circuit de Mornay des Supra 4 et 6 cylindres), la GR86 devient donc le troisième membre d’une famille de sportives de qualité. Entre une petite compacte de rallye au moteur suralimenté et un gros coupé sportif/GT né de la collaboration avec BMW, elle incarne tout ce qui vient à manquer aujourd’hui sur le marché : une auto légère, simple, authentique et pleinement axée vers le plaisir de conduire.

Par rapport à la GT86, le coup de crayon s’est clairement affiné et adouci. Elle a perdu en agressivité par rapport à sa devancière, mais le résultat final nous paraît plus simple, plus harmonieux, voire même plus raffiné. Avec ses belles jantes noires de 18 pouces et sa robe rouge, les lignes musclées du coupé ressortent particulièrement bien. La parenté avec la GT86 reste nette et le gabarit général très proche, mais la GR86 est moins caricaturale dans son exécution. Il n’y a qu’à prendre pour exemple le très (trop ?) suggestif aileron de la GT-86 Phase 1, remplacé ici par un plus discret bec de canard, que l’on aime particulièrement.

À bord : pas de fioritures

À l’intérieur, la GR86 reprend la recette de la GT86. Ne vous attendez donc pas à un habitacle particulièrement raffiné, avec une tonne de plastiques moussés et une apparence flatteuse : ça n’a jamais été la vocation du modèle. Les ingrédients sont dépourvus de fioritures, mais efficaces et tournés vers l’ergonomie : de gros boutons fonctionnels, une instrumentation numérique très simple (mais lisible et complète), et des équipements qui se concentrent sur l’essentiel.

Les matériaux sont plutôt basiques, même si on doit tout de même noter un effort certain par rapport au GT86. A défaut d’être particulièrement élaboré (il n’y a qu’à regarder les contre-portes basiques ou les boutons des sièges chauffants pour s’en convaincre), l’habitacle est fonctionnel, bien assemblé, et simple à l’usage. Tout ce qu’on attend d’un petit coupé sportif abordable.

GR86 s’est bien évidemment modernisée, et on peut désormais compter sur un système multimédia un peu plus en phase avec nos besoin d’hommes connectés. Pas de GPS intégré, mais le support d’Apple CarPlay et d’Android Auto est plus qu’appréciable. Sièges chauffants, régulateur de vitesse, feux LED directionnels, système son satisfaisant : elle a tout ce qu’il faut pour être vivable au quotidien, et envisager les longs trajets à son bord. Pas de régulateur adaptatif, pas de maintien dans la voie, pas de modes de conduite : GR86 se veut sans artifice, voir rustique pour une auto sortie en 2022. Une recherche de la simplicité et de la légèreté qui sied parfaitement à ce qu’elle est sur la route, comme on le verra plus tard…

Dieu, que c’est bon !

Tout commence par la position de conduite, plus basse de 5 mm, même si on ne le sent pas vraiment. Glisser ses fesses dans ses fauteuils et poser ses mains sur le volant est un régal. Comme une évidence, rentrer à bord annonce la couleur. Sans mauvais jeu de mot, cette dernière est à la hauteur de nos espérances : au plus proche du sol, avec les jambes presque allongées. De quoi faire passer la berline compacte allemande à l’Hélice de Mathias pour un bus !

On a également apprécié le menu volant à la jante fine (c’est devenu rare de nos jours), et le levier de vitesse, à portée directe de paume. Bon, j’avoue (NDLR : c’est Victor qui parle), ça n’égale pas la préhension du petit pommeau rond de ma MX-5 et sa course parfaite (que ça soit terme de débattements et de verrouillages), mais cela n’empêche pas la GR86 d’offrir l’une des meilleures boites de vitesse du marché.

Toyota GR86 : Plaisir d’antan

Contact. Avec la ligne d’origine, la sonorité est plutôt quelconque au démarrage, et peu volubile. Une discrétion assumée et toute en humilité qui ne réveillera pas les voisins. Le point de patinage, lui, est haut, et il faut un peu d’entraînement avant de pouvoir s’élancer sans trop faire hennir la mécanique (ou chauffer l’embrayage).

Ces petits écueils mis de côté, cette Toyota GR86 est véritablement grisante. Grisante, parce qu’elle reprend la formule éprouvée de feu la GT86, avec une architecture simple mais efficace (moteur avant, propulsion), et un poids qui n’a que très peu augmenté grâce à l’arrivée d’éléments en aluminium (capot, ailes avant et toit). Elle peut également compter sur une répartition des masses proche de la perfection (53/47). La formule est donc bonifiée, voire même améliorée : le centre de gravité est plus bas, et la rigidité est en hausse. Que du bon !

Dans les faits, cette quête de la légèreté donne une voiture infiniment vivante, joueuse et attachante. À contre-courant de la tendance actuelle, la GR86 ne cède pas aux sirènes de l’amortissement ultra-verrouillé et de l’efficacité à tout prix : elle prend un peu de roulis, elle sous-vire légèrement et elle n’est pas figée sur ses appuis. En ce sens, la GR86 est la fille spirituelle de la GT86 (mais aussi sa fille tout court, puisqu’elle reprend sa base).

Une auto qui nous implique

Avec des sensations géniales même à basse-vitesse, on ne ressent pas le besoin de rouler le couteau entre les dents (ou à des allures indécentes) pour prendre du plaisir. Même si elle peut sans souci satisfaire des envies coupables et rouler « fort », la GR86 ne survole pas la route. Elle nous fait vivre chaque changement de trajectoire, et nous implique réellement dans son pilotage. Une conduite entrainante et vivante, qui demande un peu d’engagement, et qui ravira tous les types de conducteurs/pilotes : elle procure du plaisir à tous les rythmes, et peut aussi bien être accessible que pointue à mener. Toyota a réussi à faire en sorte que l’on puisse savourer l’intégralité de ce qu’elle propose.

La GR86 dans son habitat naturel : une route sinueuse.

La direction est consistante, précise, et nous remonte toutes les informations qu’il faut pour placer le train avant à notre guise, puis sentir ensuite le séant enrouler à la perfection. Vivante et performante, elle se savoure aussi bien sur petites départementales sinueuses que sur de beaux rubans d’asphalte et de longues courbes, où elle brille par sa stabilité à haute-vitesse.

Côté freinage, et tant sur la consistance que sur le mordant la sensation dans la pédale centrale est absolument parfaite. Malgré de longues sessions intenses sur les routes tortueuses du Morvan, jamais l’endurance ne nous a fait défaut.

La GR86 toise le Morvan.

La Toyota GR86 file la banane !

Une voiture efficace et saine, qui se veut aussi joueuse et dansante quand on vient la provoquer. Le train arrière se rappelle souvent à notre bon souvenir (mais sans que ça devienne scabreux pour autant), avec un ESP qui, par défaut, intervient bien tard avant la dérobade. Deux boutons permettent de couper l’ESP, ou alors de retarder encore son intervention en ESP Track. Allez, on avoue déplorer un léger manque de ressenti en terme de grip, mais c’était très vraisemblablement induit par la monte en pneus hiver équipant notre GR-86 d’essai. Avec ses Michelin PS4 d’origine, cela doit friser la perfection sur la route.

Dépourvue d’artifices, la GR86 se passe logiquement de 15.000 modes de conduite : on s’installe au volant, on démarre le moteur, point barre. Une simplicité qui fait du bien, et qui nous rappelle la quintessence du plaisir de conduite de la Mazda MX-5, sa plus proche (voire seule) concurrente.

Un moteur revu, qui change tout

En parlant de moteur justement, la nouvelle génération de coupé Toyota dispose toujours d’un quatre cylindres à plat (boxer) venant tout droit de chez Subaru. Le bloc est repris de la GT86, mais la cylindrée passe à 2,4 L (2,0 L pour la GT-86), et la puissance grimpe de 200 à 234 ch. Le système D-4S associant injection directe et indirecte a été repris, et Toyota annonce un poids en baisse pour l’ensemble. Du tout bon, sur le papier !

Mais c’est surtout en sous-marin que les ingénieurs ont travaillé. Le maître-mot ? Rendre le couple maximal disponible plus tôt. E-N-F-I-N ! En effet, la GT86 nous frustrait franchement par son manque de couple criant à bas-régime, et par un trou gênant à l’accélération. Le petit coup de sang qu’on était en droit d’attendre d’un coupé sportif atmo était absent, a contrario du 2.0 L d’une MX-5, qui se révèle vraiment après 5000 tr./min.

Du couple, alléluia !

Sur la route, l’objectif a été atteint. Au-delà de toute espérance, les 250 Nm sont désormais atteints à 3.700 tr/min, contre 6.400 tr/min pour les 200 Nm de la GT86. Ça se sent immédiatement, et ça change complètement le feeling que l’on a avec la voiture : le moteur est bien plus souple qu’avant, reprenant sans difficulté dès les plus bas régimes. Élastique, ce moteur conserve toutefois son appétence pour les hauts régimes : il devient de plus en plus rageur à l’approche de la zone rouge, avec une sonorité qui devient (enfin !) suggestive, et un grondement plutôt grisant.

Certes, le tout est appuyé par le système « Active Sound Control », qui transmet dans l’habitacle le bruit du moteur. On vous rassure tout de suite : le sytème est discret, et le résultat est plutôt naturel.

Au quotidien : Un coupé somme toute civilisé

Brillante sportive, la Toyota GR86 n’en oublie pas pour autant d’être un coupé vivable et envisageable en voiture unique. Malgré un embrayage un peu fatiguant dans une circulation dense, le coupé japonais offre une souplesse agréable, grâce à son couple disponible bien plus tôt. On peut ainsi basculer en 6ème dès 60/70 km/h sans que la voiture ne vibre. Niveau conso’, elle oscille entre 7,5 L / 100 km au mieux du mieux, à 10,5 L / 100 km en la titillant. Des scores élevés en conduite coulée, qui s’expliquent par une mécanique dénuée de toute hybridation, et une technologie « d’avant ».

Côté confort, l’amortissement est un brin sec sur les ralentisseurs et sautille sur route bosselée, mais GR86 n’est pas cassante, son nez ne frotte pas au premier ralentisseur venu, et globalement rouler à son bord sur longue distance est tout à fait envisageable, et même plutôt agréable. Lorsqu’on ne monte pas dans les tours, la mécanique se fait oublier, elle a également le bon goût d’offrir une bonne insonorisation, même sur voie rapide.

Ajoutez à cela un coffre logeable et deux sièges arrière qui pourront accueillir un chien, des bagages ou des humains de moins d’1,70 m. En baissant ses fauteuils, on pourra alors prolonger l’espace de chargement et envisager d’embarquer jusque’à quatre roues. Pratique pour aller rouler sur piste le week-end après la semaine plan-plan !

Le dernier des Mohicans

Plan-plan, cette GR86 ne l’est assurément pas. Elle modifie par petites touches la recette simple (mais ô combien efficace) de la GT86. Le plaisir est présent à tous les étages, du châssis joueur aux commandes précises, sans oublier le maniement jouissif de la boîte de vitesse. Elle gomme surtout le principal bémol de sa devancière, avec son moteur désormais bien plus coupleux et plus souple qu’avant.

Chaque kilomètre à son volant est un hymne au plaisir de conduire tout en étant utilisable tous les jours. Elle fait ressurgir en nous des sensations authentiques et pousse à aller rouler, juste pour le kiff. Un avis que l’on pourrait appliquer avec sa principale consœur/concurrente : la Mazda MX-5-RF 2.0 L. Toutes deux régies par et pour la légèreté, toutes deux pensées pour le conducteur, toutes deux animées par des moteurs atmosphériques… Les points communs sont nombreux, et elles mériteraient d’ailleurs d’être confrontées lors d’un comparatif, tant leur philosophie est semblable. Là où la Toyota GR86 est plus logeable, plus accueillante et plus axée vers la performance, la Mazda MX-5 offre elle une approche plus « chill », avec cet énorme avantage de pouvoir décapsuler pour rouler cheveux au vent.

Reste qu’à part ces deux Nippones, il n’y a plus grand chose d’autre à se mettre sous la dent lorsqu’on cherche une voiture plaisir, propulsion, boite manuelle. Il ne reste qu’elles, mais quelles pépites… Ce sont des retours aux sources dans un contexte de puissance délirante à coup de watts. Elles nous permettent de nous recentrer sur l’essentiel, et peuvent être exploités sur n’importe quel type de route, avec un engagement qui fait du bien.

Collector, vraiment collector

Comme toute pépite sortant aujourd’hui, la GR86 est un fruit défendu. Assommée par un malus délirant représentant 50 % de son prix (soit plus de 17 000 €), elle flirte avec les 50 000 €. Le tarif catalogue qui débute sous les 34 000 € nous apparait d’ailleurs comme une sacrée affaire, compte tenu de la qualité du produit. Et même à 50 000 € après le matraquage du malus écologique, la GR86 n’est pas trop chère selon nous. Une Mazda MX-5 RF 2.0 Pack Sport dépasse déjà les 45 000 € pour 184 ch, et l’Alpine A110 est au moins 12 000 € au-dessus.

Si le tarif avec malus ne vous rebute pas, sachez que le plus dur reste à venir : en trouver une. La France n’a eu droit qu’à une allocation de 100 GR86, et les commandes sont fermées depuis le 1er février dernier. La voiture est également en rupture dans les pays frontaliers, et les concessions Toyota Suisses ont apparemment vu un nombre impressionnant de Français débarquer pour en acquérir une…

Pénurie organisée pour susciter l’engouement (voire créer de la spéculation), ou volonté de ne pas trop en vendre pour ne pas entacher sa moyenne CO2 ? Sûrement un peu des deux… Un peu à la façon de la Yaris GR, la GR86 est déjà un trésor à trouver dans les concessions. En dénicher une relève du parcours combattant, et il sera ainsi bien rare d’en croiser une sur nos routes.

Déjà une légende

En conclusion, nous réalisons la chance que nous avons eu de partir sur les routes magiques du Parc Naturel du Morvan au volant de la Toyota GR86. Une expérience et des souvenirs que nous pourrons bientôt conjuguer au passé, puisque sa production cessera (déjà !) à l’été 2023. Plus rare chez nous qu’une Bugatti Chiron, tout en coûtant autant qu’une VW Golf GTI, la Toyota GR86 est déjà un collector. Elle nous prouve que la passion automobile est encore vivace, et qu’il est encore possible d’acheter un concentré de sensations mécaniques en 2023 (certes, encore faut-il réussir à en trouver une…). La GT86 avait une place spéciale dans notre cœur : elle va désormais devoir faire un peu de place à son héritière directe ! 

Un essai à quatre mains (et avec des trémolos dans la voix) réalisé par Victor & Mathias.


Toyota GR86

9.5

9.5/10

On aime

  • Look plus raffiné
  • Moteur coupleux, enfin !
  • Sensations authentiques
  • Performance et efficacité
  • La dernière d'une belle lignée…

On aime moins

  • Un peu rustique à bord
  • Impossible à acheter