Essais

Toyota bZ4X : l’équation à plusieurs inconnues

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BZ4X ? Le prochain robot craquant de Star Wars ? Une formule mathématique oubliée ? Le code des missiles nucléaires du Président ? Que nenni… Toyota se lance enfin dans le monde merveilleux de la voiture électrique avec un SUV doté de ce nom barbare, bZ4X, que nous sommes partis découvrir autour de Copenhague.

Après plusieurs années à rester campé sur ses positions et refusant de tomber sous le charme de la fée électricité sans hybridation thermique, Toyota a finalement craqué ! Le géant japonais, et plus généralement toutes les marques du groupe, se lancent dans cette quête à l’électrification totale. Pionnier de l’hybride depuis 25 ans avec comme porte-étendard la Prius, Toyota a dû s’adapter. La conjoncture actuelle et la pression des gouvernements à en finir avec l’essence ont eu raison de l’entêtement de la firme à ne croire qu’en l’hybride : 2022 marque l’arrivée de Lexus et de Toyota dans le grand bain aux électrons.

bZ4X est le premier Toyota 100 % électrique

Toyota bZ4X : qui es-tu ?

Un peu à la manière d’ID pour Volkswagen, d’EQ pour Mercedes ou d’E-Tech pour Renault, bZ va devenir le nouveau patronyme des Toy’ 100 % électriques. Bz pour « Beyond Zero » (cO2), 4 pour le numéro du modèle dans la gamme (sous-entendu que d’autres plus petits et plus grands arriveront) et X pour le côté SUV/passe-partout (comme sur l’Aygo X essayée récemment par Michaël).

Notre bZ4X porte ainsi la lourde tâche d’être le porte-étendard de cette nouvelle ère pour Toyota. Il lance l’offensive électrique d’un géant de l’industrie automobile et se veut ainsi être un véhicule à vocation mondiale. Rien de tel qu’un SUV pour ratisser large et séduire un maximum de nouveaux clients, même s’il ne fait pas grand chose comme les autres…

bZ4X : un nom aussi complexe que son look

À commencer par sa plastique… atypique. Plus long de 9 cm qu’un RAV-4, dont la cible est globalement la même, il s’en distingue par une identité qui lui est propre. Les signatures lumineuses sont nouvelles chez Toyota, avec une lignée stylistique difficile à identifier. Si on enlevait le logo et qu’on demandait de quel constructeur il s’agit, difficile de faire le lien avec le reste de la gamme. Les imposants feux arrière dépassant sur les ailes et rejoints par un bandeau central entretiennent eux la filiation avec Lexus.

Campé sur des jantes de 20 pouces, le bZ4X est relativement massif. Un sentiment renforcé par la présence d’imposants inserts en plastique noir au-dessus des passages de roue (impossibles à retirer, même en option), dont cette partie sur chaque aile avant trop imposante à mon goût. Ce parti-pris stylistique se remarque d’autant plus avec le contraste créé par notre teinte grise claire, qui rend le profil assez lourd et déséquilibré. Les porte-à-faux sont relativement importants, pour une voiture électrique, tout comme la taille du capot. Cela donne cette sensation que bZ4X aurait très bien pu être une voiture thermique.

Les imposants passages de roue en plastique caractérisent le design de bZ4X

Le minimalisme n’est pas à l’ordre du jour dans les bureaux de style de Toyota : bZ4X est truffé de petites appendices et d’éléments qui dépassent de la carrosserie, à l’image des béquets sur le hayon arrière ou des ouïes sur les ailes avant. Les poignées ne se dissimulent pas dans la carrosserie une fois la voiture en marche, et les rétro’ imposants sont les mêmes que le frère thermique RAV 4.

La plastique de ce SUV clive. Des passants Danois m’ont dit adorer, d’autres dont moi sommes plus dubitatifs sur le résultat final et le cocktail général. Entre éléments détonnants (comme ces imposantes arches de roues en plastique) et éléments traditionnels, voire presque dépassés, le bZ4X souffle le chaud et le froid. Il n’est ni élégant, ni novateur ; il incarne une vision du design complexe que Toyota semble apprécier donner aux véhicules qui ont marqué son histoire (la Prius en tête).

À bord : le futur et le passé conjugués = bZ4X

Ce sentiment de « chaud et de froid » se retrouve également à bord. La première impression ?  « Woh ! », puis Mmmmh… ».  La présentation est résolument futuriste avec cet imposant écran tactile trônant au sommet de la planche de bord, et surtout ce poste de conduite tiré d’un film de science-fiction. Là encore, oublions cette tendance aux habitacles épurés et zen…

Toyota a toujours mis un point d’orgue à ne faire comme personne, preuve en est encore aujourd’hui avec la planche de bord de bZ4X. La console centrale flottante imposante sépare le cockpit du pilote et son copilote. Une console centrale recouverte de plastique laqué noir embêtante tant au niveau des traces de doigts que des reflets qu’elle peut renvoyer avec le soleil. Elle intègre un chargeur sans-fil pour smartphone et de grands espace de rangement, en l’absence de boite à gants devant le passager.

La planche de bord mèle boutons tactiles pour la climatisation (sur lesquels il faut appuyer fort) et boutons physiques pour les commandes de conduite. Une ergonomie plutôt soignée que l’on ne retrouve malheureusement pas sur le volant, qui souffre d’une poussée d’acné sévère… Doté d’une jante imposante et d’une pléthore de boutons et de gâchettes, il en devient compliqué à utiliser en conduisant.

Le nouvel écran central de 12 pouces rassemble lui la navigation et les données de divertissement. Toyota a soigné le traitement de celui-ci, avec une bonne définition d’affichage et une excellente fluidité. Le bZ4X inaugure un nouveau système multimédia à l’interface simple mais souffrant de trop nombreuses lacunes : le guidage intégré est minimaliste, voire incomplet, tout comme les apps intégrées ou la gestion de la partie électrique, vide d’informations autres que l’historique des consommations. Heureusement, il intègre Apple CarPlay sans-fil et Android Auto pour s’en passer.

Côté matériaux, Toyota semble coincé dans le passé, ou de l’autre côté de L’Atlantique. Entre les plastiques durs, plastiques laqués et tissus sur la planche nord, le cocon de bZ4X est aussi triste à regarder qu’à toucher. Les assemblage sont sérieux, mais les matériaux ne sont pas qualitatifs et l’ambiance générale est bien sombre, même avec les toits vitrés. Une présentation si novatrice et une ergonomie renouvelée auraient mérité un soin supplémentaire apporté aux matériaux et textures. La voiture électrique se doit de proposer une expérience nouvelle pour son client, chose que le bZ4x peine à offrir.

À vivre : le bZ4X, l’ami des familles ?

Compte tenu de son gabarit (4,69 m de long), le premier bébé électrique de Toyota a pour objectif de draguer les familles. Avec son empattement important (16 cm de plus qu’un RAV 4) et son plancher quasi-plat, il offre 1 mètre d’espace entre le conducteur et ses passagers arrière, soit un espace aux jambes à l’arrière excellent. Il n’en est pas de même pour la garde au toit, qui deviendra problématique pour les plus d’1,85 m.

Les passagers arrière sont bien accueillis, mais la garde au toit est limitée

Côté habitabilité, si l’espace aux places arrière est la plus importante dans la gamme de Toyota, il n’en est pas de même pour le coffre. Avec 452 L de chargement, il souffre de la comparaison avec ses concurrents directs qui en proposent quasiment 100 L de plus. Pas de coffre sous le capot, mais un accès aisé à la malle arrière via un grand hayon électrique ; c’est déjà ça. Notons aussi pour lui la possibilité de pouvoir tracter jusqu’à 750 kg, chose devenue rare sur les voitures électriques.

Le coffre offre 100 L de moins de stockage par rapport au VW ID.4

À l’avant, le conducteur se retrouve engoncé dans son cockpit de navette spatiale entre la porte et la console centrale. L’imposant volant face à lui vient masquer l’instrumentation numérique placé en position haute. Difficile de trouver une position de conduite idéale, puisque le réglage en hauteur du siège est relativement limité et vient à condamner une partie de l’affichage du compteur numérique. Ce dernier reprend l’interface et l’affichage désuets des productions du groupe depuis plusieurs années. Dans un monde où les constructeurs sont devenus de véritables rois de la technologie, cela fait un peu pâle figure…

Une position de conduite particulière, qui masque les compteurs numériques

Le bZ4X, pionnier de l’électrique sauce Toyota

Électrique oblige, le bZ4X inaugure une nouvelle plate-forme pour le groupe, qui servira de base à la gamme watée de Toyota et de Lexus. En France, il sera proposé en deux roues motrices (204 ch) ou quatre roues motrices (218 ch) et alimenté par une batterie de 71,4 kWh (capacité brute). Dans cette dernière configuration, il se voit alors doté d’un moteur de 80 kW sur chaque essieu.

À l’occasion d’un court galop d’essai de découverte, nous avons pu essayer la déclinaison quatre roues motrices. Avec son 0-100 kmh en 6,9 secondes et 337 Nm de couple, le petit pachyderme de 2 tonnes a ce qu’il faut sous le capot pour offrir de belles reprises et accélérations plus que correctes. Des performances amplement suffisantes compte tenu de l’usage très tranquille pour lequel il se destine. Sec en suspension et ne gommant pas correctement les aspérités de la route, le bZ4X n’est pourtant pas des plus rigoureux concernant le comportement dynamique. Il n’est alors ni très confortable pour ses occupants (plutôt raide en version jantes 20 pouces), ni un tantinet efficace.

Lorsque la route devient sinueuse, les transferts de charge se font sentir et la direction, trop lourde, gomme toute sensation dans le train-avant. Le centre de gravité a beau être bas avec les batteries dans le plancher, le roulis est présent et le maintien relativement mauvais des sièges n’incite pas à utiliser les bonnes performances de l’auto. Toyota étant lucide, ils ont eu le bon goût de ne pas céder à l’ajout d’un mode Sport inutile. Merci !

Le constructeur laisse à ses trublions d’excellence de la gamme GR le soin de nous divertir derrière un volant. Des pépites de compacte sportive de rallye et de propulsions puissantes qui n’ont pas grand chose en commun avec, de l’autre côté du spectre, la gamme bZ. En même temps, un SUV électrique se veut être de bonne compagnie pour une conduite coulée et fluide comme la Prius le fut en son heure de gloire.

bZ4X : la force tranquille… des villes

Son truc à lui, c’est en toute logique les trajets quotidiens et quelques escapades en-dehors des villes. En zone urbaine, son rayon de braquage réduit, ses caméras partout et son stationnement automatisé lui permettent de se garer aisément. Il prodigue alors cette douceur de fonctionnement et cette sérénité propres à l’électrique que l’on se plait à retrouver à chaque fois. Surtout dans les rues de Copenhague, où le vélo est légion et la voiture électrique en plein boum !

Je regrette l’absence d’un vraie mode de conduite à une pédale et de palettes pour choisir la puissance du freinage au lever de pédale. Seul un bouton permet de renforcer la régénération d’énergie, mais cela manque d’efficacité pour récupérer réellement des watts en anticipant ou même se passer de la pédale de frein. En option via le Pack Autonomie (incluant aussi les jantes 18 pouces), on peut se passer de la lumière bienvenue du toit vitré et bénéficier avoir un toit solaire pour grappiller des watts. Le bZ4X ne permet toutefois pas de donner son énergie et de charger des appareils en 220V comme IONIQ ou MG le font.

Niveau recharge, le bZ4X est actuellement disponible avec un chargeur embarqué de 6,6 kW. Il sera remplacé à l’automne 2022 par un chargeur de 11 kW, plus adapté à un usage quotidien pour réduire les temps à la bornes. Toyota fournit avec son SUV les câbles utiles : le câble T2 afin de le connecter à des bornes de charge, et le câble permettant de le charger sur une prise domestique. Pour les trajets plus longs, il accepte des charges allant jusqu’à 150 kW. Nous n’avons pu vérifier lors de ce premier essai si cette puissance était stable, ou si cela pouvait s’effondrer au fil des % récupérés comme sur la Mégane E-Tech.

Toyota fournit avec la voiture une traditionnelle carte de charge permettant de se connecter à la plupart des bornes publiques, de la simple 7 kW à la Ionity de 350 kW. N’étant pas partenaire du consortium de ce dernier, les clients du bZ4X ne bénéficieront ainsi pas d’avantage tarifaire et chargeront à 0,79 € la minute. Attention à l’addition !

L’allié des longs trajets ?

Sur voie rapide, toutes les aides à la conduite imaginables sont de la partie et permettent de laisser faire la voiture. Le porte-étendard électrique de Toy’ brille toutefois moins que sur départementale et en ville quand il s’agit de voyager avec. Notre version à transmission intégrale souffre d’une insonorisation plutôt médiocre : les bruits de roulement sont très présents dans l’habitacle, et les bruits d’air aussi. Les rétroviseurs imposants et l’absence de vitrage isolant ne doivent pas y être étrangers.

Côté conso’, au cours d’un trajet très plat et à rythme de sénateur de 150 km avec de la ville, de la départementales à 60/70 km/h et quelques km d’autoroute à 130 km/h, nous n’avons pu descendre sous les 18 kWh / 100 km. Sur autoroute, la voiture s’est alors stabilisée autour des 28 kWh / 100 km.

Un score dans la moyenne du marché, mais un peu loin de ce qu’il est possible de réaliser avec la Renault Mégane E-Tech ou la Hyundai IONIQ 5. Toyota annonce sur notre version quatre roues motrices et jantes 20 pouces une consommation mixte d’environ 420 km. Sur route, les 380 km semblent facilement franchissables. Sur autoroute, ne pensez pas pouvoir parcourir plus de 200 km avant de devoir remettre des watts. Afin de maximiser l’autonomie (autour de 500 km en usage mixte), il sera judicieux de choisir une version deux roues motrices et jantes de 18 pouces.

Enfin, dernière ombre au tableau quand il s’agit de s’évader loin à ses côtés, le système multimédia, pourtant tout neuf, n’intègre pas de planificateur de voyage avec les arrêts recharge. Il faudra alors se creuser les méninges et faire appel à des services tiers pour être certain de pouvoir arriver à bon port. Même si le constructeur prévoit tout un panel de services, comme un stage pour apprendre à conduire écolo’ ou l’aide à l’installation d’une borne à la maison, cela manque d’un éco-système complet.

Toyota, novice en électrique ?

Ce dernier point illustre un peu toute la complexité de cette voiture. Reposant sur une gamme hybride historique dont le succès n’est plus à prouver, le constructeur n’a à vrai dire pas eu la même pression que d’autres constructeurs pour abaisser sa moyenne CO2. Toyota a ainsi pris du retard à développer une proposition électrique aboutie, et cela se ressent lorsqu’on découvre bZ4X. Il manque d’homogénéité dans sa proposition, face à des concurrents aux dents longues et aiguisées…

Niveau tarifs, les prix français à l’achat seront communiqués au cours de l’été. Toyota a lancé les pré-commandes de son premier électrique il y a quelques semaines sous une formule uniquement articulée autour d’une location longue durée. Pour 37 mois et 30 000 km avec l’entretien inclus, la gamme s’étend alors de 399 € par mois (en 2WD entrée de gamme) à 579 € par mois (en 4WD haut-de-gamme). La dotation étant excellente dès le premier niveau de finition, nul besoin d’aller jusqu’au sommet de la gamme pour avoir une voiture bien dans son temps.

Autonomie moyenne, puissance de charge dans la norme, comportement routier moyen, confort perfectible, matériaux à bord passables, coffre réduit, technologie embarquée peu avancée et tarifs dans la moyenne : le bZ4X ne nous a guère conquis de prime abord. Il manque d’un petit quelque chose qui lui permettrait de se démarquer sur le marché du SUV familial électrique qui commence à pulluler de nouveautés.

Il a pour lui un look atypique, des rangements importants, une bonne habitabilité aux places arrières et… l’image de marque de Toyota avec une fiabilité de référence jusqu’ici. Cela joue un rôle important auprès d’une clientèle fidèle au constructeur, qui aura alors toute confiance à renouveler son RAV-4 par bZ4X. Après 10 ans d’utilisation ou un million de kilomètres parcourus, la batterie du SUV est ainsi garantie pour conserver jusqu’à 70 % de sa capacité d’origine.

BZ : les prémices de quelque chose à venir ?

Arrivant un peu tard dans la jungle de l’électrique et ne se démarquant finalement que très peu de ce qui existe déjà, Toyota donne cette impression de ne toujours pas mettre le paquet pour passer du rang de pionnier de l’hybride à celui d’acteur majeur de l’électrique. Avec un objectif à venir sur le marché français de 3000 bZ4X sur 105 000 véhicules vendus au total, le constructeur est lucide et se laisse du temps avant l’avènement de la fée électricité au sein de sa lignée (horizon 2035).

BZ n’en est qu’à ses touts débuts, et ce bZ4X semble n’être que l’ébauche d’une gamme complète à venir. Espérons que Toyota ait dans ces cartons des produits plus excitants et plus aboutis aux côtés du SUV, car pour l’heure le constructeur n’a à mon sens pas réussi à prendre correctement le virage de l’électrique pour se démarquer.

Réconfortons-nous un peu et soyons pragmatiques, passionnés que nous sommes : si les hybrides et électriques Toyota permettent encore à des pépites comme la GR Yaris, la GR Supra ou la précieuse GR86 d’exister, on regardera d’être un autre œil bZ4X et on viendra presque à l’apprécier pour ça.

Galerie photo | Toyota bZ4X

Photos : Victor Desmet