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Peugeot 508 PSE, le plumage sans le ramage ?

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Essai : Peugeot 508 PSE, le plumage sans le ramage

Comment arriver à concevoir une sportive en 2021 ? Telle est la question, devenue véritable défi, qui hante le quotidien des constructeurs aujourd’hui. Il y a encore quelques années, les ingénieurs et metteurs aux point avaient pour seul ennemi le poids. Aujourd’hui, leur obsession, bien malgré eux, est de faire en sorte que chaque voiture ne dépasse pas le seuil de CO2 maximum et éviter ainsi des malus dissuasifs.

Une préoccupation devenue le fil rouge de la conception d’un modèle, qui a rebattu les cartes et la recette de la voiture sportive. Le célèbre adage « light is right » n’est ainsi plus qu’un fantasme réservé à quelques exotiques comme les Caterham, l’Alpine A110 (avant qu’elle ne devienne une grosse pile) ou encore la Mazda MX-5.

« Light is right » : mais ça, c’était avant.

Pour exister et espérer se vendre aujourd’hui, une sportive ne peut plus être animée par un moteur essence seul. L’hybridation est devenue incontournable et apparait comme la seule solution pour que performance rime avec faible émission de CO2. Est-ce une fatalité ?

Acteur historique du monde des sportives avec de célèbres patronymes (GTI, T16, MI16 ou encore Peugeot Sport récemment), la firme de Sochaux a été confrontée à ce défi de la transition écologique au moment de réfléchir à son avenir dans l’automobile de performance. Mêler écologie et performance dans la même phrase, qui l’eût crû ?

Adieu GTI, donc, avec la Peugeot 308 qui a tiré sa révérence il y a quelques mois. Place à PSE, la nouvelle griffe sportive du Lion. PSE comme Peugeot Sport Engineered, ou Peugeot Sport Electrified, puisque le constructeur l’a annoncé : le cœur de ses productions sportives battra désormais en partie avec des watts, jusqu’à sa prochaine voiture engagée en Endurance annoncée en 2022. Point de virage 100 % électrique comme Alpine pour le moment, mais une hybridation au service de la performance et de cette chasse aux émissions de CO2.

Gâtée par la nature

Le porte-étendard de cette nouvelle griffe branchée est incarné par la 508, métamorphosée pour afficher ses nouvelles ambitions. Déjà bien gâtée par sa plastique, la 508 gagne encore plus en prestance et en méchanceté avec son nouveau blason Kryptonite (vert fluo) et noir. 

Ailes élargies, caisse abaissée, entrées d’air imposantes, calandre noire, grosses jantes dignes d’un concept-car derrière lesquelles ne se cachent pas de jolis étriers verts et ajouts de petits inserts aérodynamiques : le cocktail est original mais ne tombe pas dans le trop exubérant. C’est agressif mais pas « too much », la mayonnaise prend et la voiture interloque à en juger par le nombre de badauds impressionnés par le modèle sur son passage.

À bord, même topo : on reprend la présentation originale et moderne de la berline et on l’adapte avec des des petites touches de vert, de jolis sièges semi-baquets spécifiques et des logos PSE. L’ambiance générale reste cossue et bien fichue, mais j’aurais aimé un peu plus d’exclusivité et de standing dans une voiture censée affronter des BMW M, des Audi S et des Mercedes-AMG.

Un poil de carbone et d’Alcantara sur le tableau de bord et le volant, pour le côté sportif ou une instrumentation à l’interface modernisée pour l’occasion n’auraient pas été de trop pour correspondre au nouveau positionnement de la berline.

Polyvalence incarnée

Là où le Lion avance en tâtonnant, c’est sur le tableau mécanique. Sans bloc plus performant que le 1.6 L PureTech dans leur banque de moteurs, le recours à l’hybridation offre à la 508 le bonheur de recevoir deux moteurs électriques. Ces derniers ajoutent ainsi de la puissance à un quatre cylindres ne pouvant passer la barre des 300 chevaux seul. Avec respectivement 110 et 113 ch, combinés aux 200 ch du moteur thermique, la PSE annonce alors 360 ch et… 1850 kg sur la balance.

Hybride oblige, notre berline énervée peut bien entendu rouler en 100 % électrique pendant une bonne trentaine de kilomètres (homologuée à 42 km) jusqu’à 140 km/h, avec tout l’agrément qu’on connait de la conduite « watée » : douceur, silence et surtout… sobriété. En basculant sur le mode Hybride, le plus intelligent, le moteur thermique prend le relais sans faire d’esbroufe dès 60 km/h afin de préserver la batterie et ne solliciter le moteur électrique qu’en ville. 

On peut également lui demander de recharger la batterie si elle est vide en roulant, en sur-consommant légèrement. Paradoxal mais pratique pour terminer un trajet en tout-électrique en ville, par exemple.

Les transitions sont imperceptibles et le tout est très bien optimisé pour une conduite de tous les jours. Bien entendu, il sera conseillé de la recharger sur une borne pour en profiter comme il se doit et ne pas utiliser un litre d’essence au cours des trajets quotidiens. Petite pingrerie, il faudra se contenter de série d’une recharge plafonnée à 3,7 kW (7,4 kW contre 300 €).

On peut toujours compter sur le mode B qui offre le plaisir de conduire à une pédale en ville, le freinage étant assuré par la roue libre qui génère en parallèle de l’énergie pour les batteries. On est alors à bord d’une berline somme toute traditionnelle et étonnamment très confortable malgré ses jantes de 20 pouces et ses pneus taille-basse. Le secret de cette polyvalence réside en la présence d’une vraie suspension pilotée avec trois modes : normal, confort et sport.

La douceur de fonctionnement de la 508 PSE en conduite sage assoie encore un peu plus son positionnement de berline taillée pour les longs trajets. La technologie à bord est de premier ordre, et les prestations (HiFi Focal ou encore sièges massants) assurent le côté haut-de-gamme.

Jusque là, rien de nouveau, me direz-vous…

Sportive ? Dynamique…

« Avec un tel plumage, le ramage se doit d’être à la hauteur », se dit-on en la voyant. En basculant en mode Sport, la voiture se mue alors en une berline dynamique et performante, mais résolument trop sage et trop aseptisée à mon goût.

Les moteurs électriques et le moteur thermique ne font alors qu’un au service de la performance. 360 ch, 520 Nm de couple, 0-100 en 5,2 secondes, 80-120 en 3 secondes : sur le papier, les chiffres sont de premier ordre. Dans les faits, la mécanique semble batailler pour délivrer toute sa puissance, pas vraiment aidée par une boite automatique EAT à la traine en montée dans les accélérations musclées, et à l’ouest dans les freinages appuyés avec des descentes de rapport que l’on aurait aimé bien plus rapides. Les palettes permettent de palier à ce comportement hasardeux, mais il est impossible d’avoir un vrai mode « manuel ». Décevant.

Les moteurs électriques offrent un surcroit de couple bienvenu pour donner du rythme en relance à la berline et des reprises énergiques, mais le tout se fait sans émotion. La poussée est linéaire, brève et loin de donner un effet « coup de pied au cul ». Autre grief, l’absence de bruit : le son du 4 cylindres n’a pas été embelli à l’échappement et l’on semble faire mal à la voiture tant le faux-bruit à bord est artificiel et désagréable.

Si d’aventure les batteries venaient à être vides, le moteur thermique de 200 ch devrait à lui seul mouvoir les 1850 kg de la bête, pas rassurant… Heureusement, le système est intelligemment pensé puisqu’il garde et régénère à chaque décélération/freinage quelques watts utiles au fonctionnement des moteurs électriques. De quoi permettre à la 508 de proposer de façon quasiment continue suffisamment de performance pour assumer son nouveau monogramme.

Côté mécanique, vous l’aurez compris, il ne se passe pas grand chose de palpitant. Peugeot souffre encore de ne pas avoir plus intéressant à proposer que son 4 cylindres PureTech sur une voiture à vocation sportive. L’ajout de moteurs électriques agit comme une assistance respiratoire, mais ne fait malheureusement pas de magie. Le cœur de la 508 PSE m’a assez peu enthousiasmé, et encore moins pendant notre bref passage sur le mythique circuit du Mans.

Cette pénurie de caractère mécanique est d’autant plus regrettable que le comportement de la voiture est de haute-volée. Fidèle à sa renommée et à son savoir-faire, Peugeot Sport a mis un point d’orgue à faire des trains-roulants de la 508 PSE une référence.

Bien calés dans les superbes sièges baquets, petit volant en main (oui, je suis l’un de ceux qui aiment ce petit volant de l’iCockpit), la position de conduite assez basse est très appréciable et me rappelle celle de l’Alfa Romeo Giulia. Dès les premiers virages, la voiture met en confiance : l’amortissement en mode Sport est idéalement calibré pour maintenir la caisse et la clouer au sol. Les batteries dans le plancher et la baisse de la garde au sol renforcent ce sentiment d’une voiture rivée au bitume que l’on aime retrouver.

Étonnamment, son poids relativement important ne nuit pas au comportement général et on l’oublie rapidement. Le train avant est suffisamment incisif à l’inscription et l’arrière enroule naturellement si on ne provoque pas la dérive. L’ESP n’est lui pas déconnectable, hérésie pour les puristes, mais logique quand on pense au positionnement final de l’auto’…

Peugeot arrive à donner une certaine agilité à une berline de plus d’1,8 tonne, un sentiment renforcé par une direction précise et un excellent grip des pneus Michelin PS4S. Les freins, servis par d’imposants disques avant de 380 mm et des étriers quatre pistons, proposent un mordant suffisant pour arrêter sans peine la bête. Quid de leur endurance ? Nous n’avons malheureusement pas assez roulé avec pour en tirer une conclusion, mais les premiers retours de sessions de roulage plus longues ne sont pas rassurants…

Dans les longs virages du circuit Bugatti, les transferts de charge se font eux sans encombre et, malgré des pluies torrentielles, elle reste saine en toute circonstance. Avec l’un de ses moteurs électriques placé sur l’essieu arrière, la 508 PSE peut d’ailleurs se targuer de proposer une vraie transmission intégrale. Un élément important que l’on peut forcer via le mode 4RM en cas de conduite sur neige par exemple.

En me remémorant sa découverte à Genève en 2019, je pense m’être un peu trop emballé sur une idée de voiture qui ne correspond pas à la vision que voulait Peugeot de sa 508 PSE. Quelques années auparavant, le Lion avait surpris tout le monde avec l’explosive 308 R-Hybrid, un concept pour la postérité. Un excès d’optimisme relégué au stade de fantasme, sûrement.

Juste une (dés)illusion ?

Avec un tel look et une belle fiche technique, je dois dire que je m’attendais à être enthousiasmé par la 508 PSE. Déçu par le cocktail dynamique final, il faut toutefois nuancer cette relative désillusion par le positionnement de la voiture que l’on a en face de soi et le contexte dans lequel nous sommes.

Ce modèle est une première pour Peugeot sur bien des aspects, à commencer par sa grille tarifaire. À 67 100 € en berline et 68 400 € en break, jamais une voiture du constructeur n’a encore atteint ces sphères élitistes qui la mettent en concurrence directe avec des premiums historiques.

PSE est un nouveau label à vocation sportive, mais la 508 qui en est le porte-étendard ne l’est pas vraiment. N’est-elle pour autant qu’une vitrine marketing ?

Peugeot l’a volontairement axé comme étant quelque chose de dynamiquement intéressant et de terriblement attirant, mais pas un modèle sportif au sens fun ou radical du terme. C’est une voiture très rapide et sécuritaire, mais ça n’est pas une voiture vivante, amusante et pour laquelle on débordera d’enthousiasme. Son traitement de carrosserie est exclusif, mais son habitacle est trop proche d’une 508 « normale ». Enfin, sa sonorité mécanique est bien trop quelconque pour se sentir dans quelque chose de vraiment inédit une fois à son volant.

Elle apparait comme un haut-de-gamme technologique et une vitrine pour un label sportif en construction, mais ne ravira pas les amateurs de berlines sportives (340i, C43 AMG ou même Alfa Giulia Veloce). Son truc à elle, c’est la polyvalence hybridée plus qu’autre chose, en étant directement confrontée à une Volvo S60 T8 Polestar. Résumons-les comme de fausses forces tranquilles qui savent se retrousser les manches et rouler fort de temps à autre, sans forcément vous gratifier de les malmener. Elles n’ont pas été conçues pour impliquer leur pilote plus que ça et ont une approche assez « froide » de la conduite, finalement.

Avec ses faibles émissions de CO2 (46g/km), elle échappe à tout malus (et bonus également) ; une petite prouesse pour une voiture de 360 ch aujourd’hui, et le résultat d’une conception centrée autour de l’hybridation. J’ai ainsi pu obtenir des consommations de moins de 6,5 L / 100 km sur un parcours mixte de 60 km. Cela donne la puce à l’oreille sur sa cible : des chefs d’entreprise et des familles aimant se faire plaisir avec une berline exclusive et statutaire, une berline qui ne verra que très rarement les routes de cols ou l’asphalte d’un circuit, en somme. Ce que fait déjà avec brio la 508 Hybride 225 ch…

508 PSE est une voiture pleine de compromis, capable d’aller partout et qui plaira au plus grand nombre. Une première de la classe pas vraiment enthousiasmante et enivrante comme le concept me le faisait espérer, mais je pense tout simple que j’en attendais trop. Elle est à l’image de notre époque et de ce vers quoi l’on tend : des sportives aseptisées, prises dans l’étau des normes environnementales et de taxes de plus en plus agressives.

PSE n’en est qu’à son lancement, et la 508 en est son vaisseau amiral. À eux d’écrire l’histoire et de nous surprendre avec la suite de la famille…

Photos : Victor Desmet et Jalil C.