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Essai Alpine A110 : retour au sommet !


Cocorico !

Assister à la renaissance d’un constructeur automobile est un moment privilégié et rare, surtout quand ce constructeur s’appelle Alpine, et qu’il possède une aura encore très forte, même 22 ans après avoir produit son dernier modèle. Fondée en 1955 par le génial Jean Rédélé, la marque au A fléché revient en effet aujourd’hui sur le devant de la scène, avec une réinterprétation moderne de sa mythique Alpine A110. Mon essai sur route et piste d’une auto que tout le monde attendait, et dont je suis littéralement tombé amoureux.

Préambule : Un retour (trop…) attendu

Annoncé en 2012, le retour du constructeur Dieppois nous aura tenu en haleine pendant 5 longues années, entre espoirs, promesses, et déceptions parfois. Alliance puis rapide divorce avec le constructeur Anglais Caterham, reports successifs de la date de sortie de l’auto, nombre important de prototypes sans voir arriver la version définitive : les raisons de s’inquiéter étaient nombreuses. Les choses se sont toutefois précisées dans un sens positif ces deux dernières années, avec le reveal en février 2016 du show-car Vision (vous pouvez redécouvrir ici ma présentation de ce dernier), suivi un an plus tard de la version définitive de l’auto, au Salon de Genève. C’est à ce moment que son nom A110 a été officialisé, après bien des spéculations. Un nom formidablement évocateur (surtout pour une marque qui se relance…), mais aussi lourd de sens, vu le palmarès et la cote d’amour de la Berlinette A110, dont le cours sur le marché des autos de collection crève depuis quelques années le plafond.

Chapitre I : Une ligne mythique, revisitée avec talent

Autant être franc avec vous : pour moi, l’Alpine A110 première du nom est l’une des plus belles autos jamais dessinées. Avec ses lignes très pures et sa compacité, l’auto possédait un aspect délibérément sportif, mais sans pour autant verser dans l’agressivité. Une caractéristique déjà rare pour l’époque, et qui l’est encore plus aujourd’hui, à l’heure des kits carrosserie ostentatoires, des ailerons façon pelle à tarte, ou des jantes XXL. Pourtant, il suffit de placer la nouvelle A110 à côté de sa devancière pour se rendre compte que l’héritage du modèle a été respecté.


Antony Villain, directeur du design Alpine, a en effet su reprendre les grands traits de la Berlinette, tout en inscrivant la nouvelle auto dans le XXIème siècle. Ainsi, la nouvelle A110 évoque immédiatement les performances et la sportivité, tout en se gardant d’user d’artifices stylistiques.

On retrouve les fameux gimmicks stylistiques de la Berlinette de 1962 : flancs creusés, capot nervuré, lunette arrière galbée, ou encore les deux phares additionnels à l’avant, pour ne citer que les éléments les plus marquants.

Certains hommages sont plus discrets, comme par exemple les écopes d’air de la Berlinette originelle, ici suggérées par un embossage spécifique.

Comme sa devancière, la nouvelle A110 est un coupé 2 places aux dimensions compactes : 4,18 m de long, et 1,25 m de haut. En revanche, elle reste bien campée sur la route, avec sa largeur de 1,79 m, et ses larges pneus (de 205/40 R18 à l’avant, et 235/40 R18 à l’arrière). Les jantes forgées, signées Otto Fuchs, sont superbes.

A l’arrière, la ligne n’est pas dénaturée pas un aileron, la marque lui préférant un diffuseur fonctionnel, tout aussi efficace. On apprécie également l’unique sortie d’échappement centrale, surtout à l’heure où certains constructeurs se livrent à une surenchère dans ce domaine.

Comme je le disais un peu plus haut, et même si elle est inspirée par le passé, la sportive au A fléché est résolument moderne. Elle dispose donc de la sacro-sainte signature lumineuse à LED, de forme ovale à l’avant, et en X à l’arrière. Les optiques arrières disposent même de clignotants dynamiques !

Chapitre II : Un intérieur sportif, et (globalement) réussi

Si la nouvelle Alpine A110 s’inspire très nettement de la Berlinette originelle pour sa robe extérieure, son habitacle diffère largement de celui de sa devancière. Et c’est tant mieux : spartiate et résolument artisanale dans son exécution (comprenez : mal finie), l’A110 première du nom n’a jamais été réputée pour son habitacle (et ce n’était pas sa vocation à vrai dire). La nouvelle venue fait donc table rase du passé, et se contente de petits hommages à son ancêtre ici ou là, comme par exemple avec les médaillons de porte, ou la sellerie en cuir matelassé.

Le reste est inédit, et disons-le franchement, plutôt réussi. Console centrale flottante, tablette tactile centrale regroupant les fonctions de divertissement et de navigation, instrumentation numérique variant d’un mode de conduite à un autre, supports de sièges apparents, repose-pieds pour le passager : l’habitacle de cette Alpine A110 2017 est moderne, et résolument sportif !

Même sur notre exemplaire de pré-série, la qualité de finition est honorable, avec des matériaux globalement flatteurs (coiffe de planche de bord en cuir avec surpiqures bleues, touches d’aluminium ou de carbone…), et des assemblages sans fausse note. Les superbes sièges baquets cuir et alcantara signés Sabelt rehaussent encore l’expérience, et se montrent aussi beaux à regarder que confortables à l’usage. On apprécie également le système Alpine Telemetrics, qui s’apparente au système R.S. Monitor des Renault Sport, qui permet d’accéder à de nombreuses infos sur les performances de l’auto (et accessoirement de celles de son pilote).

En revanche, on peste contre certains éléments issus de la grande série, à l’image des commandes de climatisation ou des commodos de Clio (passe encore), ou de l’antidéluvien satellite de radio, qui lui fait franchement tâche, surtout derrière ce superbe volant à méplat. De la même façon, le bandeau supérieur de la planche de bord, en plastique noir brillant, se reflète dans le pare-brise lorsqu’on roule face au soleil. Pénible.

Les aspects pratiques sont réduits à portion congrue. Ainsi, ne cherchez pas de bacs de portières, ni même de boîte à gants : il n’y en a pas. La documentation de bord est accrochée derrière le siège passager, et le rangement central (où sont par ailleurs disposés les ports de connectivité) se montre difficile d’accès. Par ailleurs, le système multimédia ne m’aura pas laissé un souvenir impérissable : le système « plante » parfois, la connectivité Apple CarPlay ou Android Auto est absente, le GPS se montre brouillon de temps à autre, et surtout il est dépourvu de bouton de volume (ennuyant si votre passager n’apprécie par votre musique !). Pourquoi diable ne pas avoir repris le système R-Link des Renault ? L’autre chose qui m’aura chagrinée avec mon ami Jean-Charles d’Autocult.fr, c’est l’absence de caméra de recul, ce qui complique sérieusement les manoeuvres, la visibilité arrière de l’auto se montrant très réduite.

Pour en finir avec ce chapitre intérieur, notez que l’auto offre deux coffres : le premier, disposé à l’arrière, offre un volume de 96 litres, tandis que le second, disposé sous le capot avant, cube à 100 litres. De quoi partir pour un week-end sportif à deux. Ca tombe bien, il va justement être question de sport dans le prochain chapitre…

Chapitre III : L’Alpine A110 à l’épreuve de la route, et de la piste

Tout cela est bien joli me direz-vous, mais reste bien anecdotique au vu du but principal d’une Alpine : donner du plaisir de conduite, notamment sur routes sinueuses, et si possible de Montagnes, histoire de faire honneur à son blason.

Afin de mettre toutes les chances de son côté, les concepteurs de la nouvelle A110 lui ont offert une structure dédiée, et inédite : il s’agit en effet d’une propulsion, avec moteur en position centrale arrière, et suspensions à double triangulation, à l’avant comme à l’arrière. Autant de raffinements rarissimes dans la production automobile Française, car oui, l’Alpine A110 est Française : elle est produite dans l’usine historique de la marque, à Dieppe.

L’un des objectifs qui figurait en tête du cahier des charges était le poids : Light is right, comme chacun sait. L’auto a donc eu recours à l’aluminium pour son châssis, mais aussi pour sa carrosserie. Le résultat est au rendez-vous : l’auto ne pèse que 1.108 kg en version Première Edition, et même 1.080 kg en version standard. Pour ne citer que cet exemple, les sièges baquets ne pèsent que 13,1 kg pièce, ce qui est un joli tour de force à l’heure actuelle.

S’agissant de la motorisation, le choix a été plus raisonnable : tout comme son ancêtre, la Berlinette du XXIème siècle s’en remet à un classique 4 cylindres, et plus précisément à un 1.8 L turbo à injection directe, inauguré sous le capot de l’Espace, et retravaillé par Alpine, avec une admission, un échappement et un turbo spécifiques. Il développe 252 ch, et 320 Nm de couple. Modernité et chasse au poids obligent, ce moteur est associé à une boîte à double embrayage comptant 7 rapports, signée Getrag. Des palettes en aluminium fixes derrière le volant permettent de la commander manuellement, si l’envie s’en fait ressentir.

Dès que je prend place à bord de l’A110, le ton est donné : jambes allongées, position de conduite au ras du sol, corps maintenu par d’excellents sièges baquets :  il va y avoir du sport ! Les premiers kilomètres se font très naturellement, l’auto se montrant facile à manier, pour ne pas dire docile. Mais dès que j’augmente la cadence, l’une des qualités principales de l’auto me saute à la figure : la direction, qui est d’une précision diabolique. Elle réagit de manière instantanée à la moindre sollicitation, et m’informe de façon très précise sur le travail des roues avant. Pour un peu, j’aurai presque l’impression de passer ma main sur la route !

Bien aidée par sa répartition des masses (44/56), l’auto enroule les virages avec talent, se campant très naturellement sur ses appuis, et ressortant avec efficacité des virages, grâce à son excellente motricité. Même si je dois bien admettre que j’ai plus l’habitude des tractions, je me suis très rapidement senti en confiance au volant de l’A110, avec son comportement routier vivant mais sain, et très lisible dans ses réactions. Le confort est également à mettre à son crédit : même sur les routes abimées des environs d’Aix-en-Provence, son amortissement s’est montré prévenant. Comme quoi, suspensions souples et tenue de route ne sont pas des notions antinomiques, si tenté qu’on sache accorder les deux. L’insonorisation permet également d’envisager de longs trajets sans ressentir trop de fatigue (coucou la 4C), puisque le niveau sonore reste très correct sur autoroute. En revanche, la tenue de cap de l’auto laisse un peu à désirer en cas de fort vent latéral, comme le jour de notre essai. La rançon de la légèreté, sans doute.

Le moteur m’a également séduit : bien que turbocompressé, il ne rechigne pas à grimper à près de 7.000 tr/min, et offre surtout une belle poigne. En fonction du mode de conduite, sa sonorité change diamétralement : relativement discrète en mode Normal, elle se fait beaucoup plus expressive en mode Sport et Track, laissant échapper une sonorité rauque à l’accélération, assortie d’enthousiasmantes détonations et autres « plop plop » au lever de pied. Merci l’échappement sport actif !

Les performances sont sérieuses : le 0 à 100 km/h est abattu en 4.5 secondes, et l’auto croise à 250 km/h en vitesse de pointe. Même si elle manque encore d’un peu de réactivité, la boite à double embrayage s’est montré globalement convaincante : douce en conduite « cool », elle devient plus véloce en conduite sportive, et notamment lorsqu’on utilise les palettes, par exemple sur circuit. Il est justement temps de vous parler de mon expérience sur la piste du Grand-Sambuc au volant de cette Alpine A110.

Après un briefing et une session d’entrainement sous Safety-Car, il est temps de m’élancer pour deux sessions de 4-5 tours, en solo. Sinueux et vallonné, le circuit du Grand-Sambuc est le terrain de jeu idéal pour l’A110. Comme sur la route, son mode d’emploi est enfantin, et il n’est ainsi pas nécessaire d’être un grand pilote pour être efficace et ressentir du plaisir à son volant. Agile, l’auto se jette d’un virage à un autre avec brio, sans jamais devenir scabreuse. N’allez pas pour autant croire qu’elle est soudée à la chaussée. Avec un peu de persuasion, elle est en effet capable de se livrer à quelques facéties, même si je dois avouer que je n’ai pas été aussi loin que sur les photos du dossier de presse… Notez à ce sujet que l’ESP est entièrement déconnectable, ce qui est une excellente chose pour les plus doués d’entre nous.

L’épreuve de la piste permet également d’apprécier la qualité du système de freinage, assuré par des disques Brembo, et des étriers avant à 4 pistons. Puissants et endurants, les freins se relèvent faciles à doser, ce qui permet de mettre facilement en application les préceptes du freinage dégressif.

La vidéo de cette session sur le circuit du Grand-Sambuc, au volant de l’A110 :

Tarif, concurrence, et gamme future.

La Première Edition est le modèle inaugural de la gamme A110. Affichée 58.500 Euros, elle dispose de tous les équipements en série : sièges baquets Sabelt, pédalier en aluminium brossé, système Audio Focal, échappement sport actif, jantes Otto Fuchs de 18 pouces. Elle est disponible en 3 couleurs : Bleu Alpine, Noir Profond, et Blanc Solaire nacré. 5 petits jours auront suffit pour que les 1955 exemplaires prévus soient vendus.

S’agissant de la concurrence (Alfa 4C, Porsche Cayman…), j’ai déjà eu l’occasion d’aborder cette question dans un comparatif statique (caractéristiques techniques, performances, prix), auquel je vous renvoie.

Par la suite, la gamme A110 comptera deux finitions : Pure, la plus proche de l’esprit Berlinette originel, et donc plus spartiate ; Légende, résolument luxueuse, dans le plus pur esprit GT. Les premières livraisons de la Première Edition interviendront en mars 2018. La vente de l’A110 est confiée à un réseau dédié de concessionnaires dans toute l’Europe, qui compte notamment 20 « Centres Alpine » en France.

Points positifs :

+ Look très réussi / Ambiance intérieure

+ Direction géniale

+ Compromis confort/tenue de route : suspensions souples, mais tenue de route de haut vol

+ Vivante, mais saine

+ Moteur performant

Points négatifs :

– Sensibilité au vent latéral

– Aspects pratiques réduits

– Quelques éléments intérieurs cheap

– Système multimédia déjà dépassé

– Absence de caméra de recul

Conclusion : Jean Rédélé aurait été fier de cette Alpine A110

L’Alpine A110 est peut-être la meilleure chose qui soit arrivée à l’industrie automobile Française depuis longtemps. Elle tord en effet le cou à une rumeur persistante, qui veut que les constructeurs Français seraient incapables de concevoir une VRAIE voiture de sport, avec une architecture dédiée (comprenez : pas une traction « simplement » préparée). Belle à regarder, réjouissante à conduire et à piloter, tout en restant confortable et exploitable par le plus grand nombre, la Berlinette du XXIème siècle marque avec succès le retour aux affaires d’une des plus belles marques qui soient : Alpine. C’est donc avec beaucoup d’impatience (encore elle !) que j’attend de voir ses évolutions dans les années à venir, en espérant que sa pérennité puisse être assurée pour les décennies à venir.