Essais,  Road-Trip

Carnet de Routes : La Côte d’Albâtre en Lexus LC500 Regatta

Quoi de plus naturel qu’une cure d’air iodé en bord de mer avec une voiture nommée « Regatta » ? Nous avons pris le volant de l’unique exemplaire français de la très exclusive Lexus LC500 Regatta le long de la cote Normande, à l’occasion d’une parenthèse de luxe et de volupté.

« En mai fais ce qu’il te plait », nous dit-t-on…

Road-Trip | La Côte d’Albâtre, entre Dieppe et Le Havre

  • Longueur : 100 km
  • Durée (avec arrêts) : 8 heures
  • Rythme : grand-tourisme
  • Tracé : cliquer ici

Pour laisser comme il se doit un hiver gris et confiné dans le rétroviseur, nous, chez Blog-Moteur, on a besoin d’une dose de sans-plomb 98 et de grands espaces. Cela tombe bien, après avoir découvert le best-seller de Lexus, le rationnel petit SUV hybride UX, nous avons fait le grand écart en choisissant la voiture la plus rare du constructeur pour se promener le long de la côte d’Albâtre.

Dieppe, où une autre voiture bleue mythique est assemblée…

Dieppe, 10h00, le temps est pour le moins menaçant. Les abords de la ville ne sont pas des plus accueillants, mais la présence de l’usine historique d’Alpine apparait comme un passage obligé pour quiconque aimant un tantinet l’automobile. La Manche et le ciel se confondent dans un gris déprimant à souhait… Heureusement, nous avons avec nous l’une des voitures les plus affolantes du paysage automobile.

Lancée en 2017, la LC500 ne souffre d’aucune ride et jouit toujours de sa plastique de prototype homologué. Pour 2020, Lexus lui a même dédié une nouvelle déclinaison cabriolet hautement désirable, dont nous avons ici la chance d’avoir l’édition très limitée de lancement : la Regatta. Vingt en Europe, une en France, autant vous dire qu’il faudra avoir un peu de chance pour espérer en revoir une sur nos routes.

La pluie a cessé, mais le ciel est toujours aussi menaçant. Qu’à cela ne tienne… c’est sans compter sur notre optimisme à toute épreuve que nous décapotons sur la très belle D75, en direction du Sud, vers Varengeville. Le regard des quelques badauds osant braver le froid est insistant, mais on ne leur en veut pas… La LC est une claque stylistique avec ses lignes toutes droit venues d’une planche de designer, soulignées par sa teinte Structural Blue d’une profondeur assez incroyable, exclusive à cette série spéciale de lancement.

Peu importe où l’on pose l’œil, la LC est une véritable œuvre d’art automobile, qui aura sa place dans les musées du monde et qu’on regardera encore avec admiration dans plusieurs dizaines d’années. Elle pourrait tenir l’affiche dans « Blade Runner » tant sa plastique est avant-gardiste, faite de flancs tirés et d’arrêtes tendues, le tout perché sur des jantes forgées de 21 pouces de toute beauté.

Qu’on en soit complètement fou ou qu’on accroche moins, elle ne laisse insensible personne et fait tourner les têtes sur son passage. Ce concept-car roulant est le porte-étendard de Lexus, il incarne fièrement l’identité stylistique du constructeur et ce parti-pris très clivant.

Surtout qu’au-delà de son plumage, son ramage n’est pas en reste… Le grommellement du V8 vient troubler la quiétude de la petite station balnéaire paisible de Sainte-Marguerite sur Mer avec ses cabanons et sa belle plage de galets. On découvre alors toute l’onctuosité de cette mécanique on ne peut plus noble qui nous chatouille les tympans à chaque pression sur l’accélérateur. Tel un yacht quittant sa marina, la LC500 détale avec noblesse et charisme.

Le ciel s’éclaircit au fil de notre progression vers le sud. Nous arrivons sur les hauteurs de la station de Veules-les-Roses, point de départ des hautes-falaises, mais aussi charmante bourgade au cœur de laquelle on peut se vanter de pouvoir remonter un fleuve, La Veules, de son embouchure à sa source (2 km). Les 4,77m de long et 1,92 m de large de la LC500 en imposent dans les ruelles étroites, et l’on navigue à vue jusqu’à la plage.

Parking du Canon, sur les hauteurs de Veules-les-Roses
La cressonnière de Veules-les-Roses, source du fleuve

La mer, des galets, l’air iodé ; il ne manque qu’une rampe d’accès et de quoi la faire flotter pour que la Regatta assume cette image de yacht. Car à bord, tout n’est que luxe et exception. Chaque élément a été pensé et réfléchi pour être beau à regarder et agréable à toucher, le tout affichant des prestations dignes du rang prestigieux de la LC500.

Profusion de cuir tendus et d’acier, moquette blanche épaisse, poignées flottantes stylisées au possible : difficile de faire la fine-bouche et de se remettre d’une telle claque. Le combo blanc et bleu est absolument délicieux : de la planche de bord digne d’un cockpit aux sublimes fauteuils, la langue française manque de superlatifs pour qualifier ce que l’on ressent en découvrant cet exercice de style qu’on aurait jamais cru possible sur une voiture de série. Les équipes du design Lexus ont eu carte blanche pour créer ce cocon de luxe et d’avant-gardisme qui inscrit la LC Regatta dans l’histoire du constructeur, mais aussi de l’automobile.

Tout n’est que confort de très haute-volée et prestations luxueuses pour les deux occupants. Les deux places arrière étant plus là pour les bagages et les clubs de golf que des passagers tant l’espace aux jambes est limité et la raideur de l’assise… contraignante. Le sytème Hi-Fi Mark Levinson offre une spatialisation parfaite du son pour remplir l’habitacle, et une pléthore de modes de chauffage ou de ventilation veillent au grain pour s’assurer que l’on ne prenne pas un léger coup de froid (ou de chaud) à bord. Il faut ainsi pas moins de 5 clics et « slides » sur le pad de commande pour arriver à se faire chauffer les fesses ou avoir un filet d’air dans la nuque.

Il faut farfouiller dans les menus contre-ergonomique du système multimédia pour tout régler, alors qu’un raccourci pour les sièges chauffants aurait été bienvenu. Une MX-5 à 25 000 € le propose, car c’est la base dans un cab’. Dans le luxe, on peut se permettre d’être exigeants, alors il faut le dire, c’est chiant… Et concernant l’aspect facilité et sécurité d’utilisation des nombreuses fonctions de la voiture via le pad tactile, c’est pas folichon.

Avec la capote retirée (jusqu’à 50 km/h) et un léger courant d’air chaud chatouillant la nuque, on retrouve toute l’onctuosité de la mécanique et la douceur de fonctionnement que l’on savoure depuis notre départ de Dieppe à allure de sénateur. En direction de Fécamp, sur la D79, la route commence à serpenter gentiment entre les platanes. Dans les sous-bois, difficile d’imaginer que la mer est à quelques centaines de mètres. Je bascule alors sans trop de conviction sur le mode « Sport ». 

« Oh m*rde, ça marche fooooort ! »

L’instrumentation change, la suspension se raffermit, la pédale est plus sensible, le paquebot se transforme en hors-bord : le V8 de la LC500 se met à hurler et a se révéler. Le 0-100 en 5 secondes et les 540 Nm de couple nous collent au siège, dans un râle mécanique grisant… La prise de vitesse est affolante, on prend le contrôle avec les palettes sur la très longue boite automatique (à 10 rapports !) : ce moteur semble ne jamais s’arrêter d’offrir de la poussée… 5000, 6000, 7000 tr., le couple est impressionnant, le V8 passe du grommellement pépère ascendant américain aux envolées aiguës à consonances italiennes. B*rdel, ça ne donne pas envie de s’arrêter tant ce bloc est généreux et onctueux.

À à la descente, la boite de vitesse est un peu plus paresseuse et fera pouffer de rire une PDK, mais elle nous gratifie de rétrogradages bien marqués qui collent le crâne au fauteuil et d’une sonorité toujours aussi exceptionnelle… Mécaniquement, ce V8 est un peu le « dernier des Mohicans ». J’en ai profité comme si c’était le dernier d’une espèce en voie de disparition, tant cette mécanique vous prend au tripe et vous implique dans cette alchimie que l’on a avec la voiture.

Avec plus de deux tonnes sur la balance, 465 chevaux sur les roues arrières et des Bridgestone Potenza pas forcément très rassurants sur une route encore un brin humide, l’humilité est de rigueur quand il s’agit de chatouiller le mode Sport d’une telle auto… On avance ainsi à tâtons quand il s’agit d’hausser le rythme, mais on le fait avec une bride qui nous rappelle que l’on est au volant du seul exemplaire de cette très spécifique édition Regatta. On ira de toute façon pas enchainer les spéciales d’Ardèche à son volant, mais elle peut sans sourciller donner une banane incroyable sur des belles routes côtières ou sur nos plus beaux cols alpins… 

Car au-delà de sa fiche technique et de ses proportions… imposantes, une fois derrière le volant avec quelques virolos, son comportement n’est pas si pataud qu’on l’aurait imaginé. La direction est un peu lourde et pas vraiment communicative, mais on oublie vite son gabarit et on se prend au jeu. N’allant pas jusqu’à dire qu’elle soit agile ou que les transferts de charge soient complètement maitrisés, elle offre le luxe de pouvoir enchainer avec entrain de jolis tracés comme dans ces enchainements au niveau du paisible hameau des Grandes Dalles.

Attention aux excès d’optimisme, car elle vous rappellera que sa poupe a une relative tendance à se dérober si l’on met pied dedans en sortie de courbe. Je n’ai eu ni le talent, ni le courage, mais elle doit être une formidable machine à drift… Mention spéciale aux énormes freins et leurs disques flottants, correctement dimensionnés et endurants pour ralentir ce joli bébé lancé à haute-vitesse.

Mais ne nous voilons pas la face, malmener quelque peu la LC500 est assez éprouvant et pas ce qu’il y a de plus plaisant. On savoure à enrouler les grandes courbes puis relancer sur les hauteurs du Cap Fagnet, à Fécamp. On y trouve d’ailleurs les plus beaux panoramas sur la Côte d’Albâtre, où les falaises blanches contrastent avec le bleu émeraude de l’eau. Un incontournable.

Le grand-tourisme (ou « cruising » pour les clients américains), c’est vraiment sa raison d’être. Musique lounge, 10e rapport enclenché, on savoure ce pourquoi la LC500 est conçue avant tout. 8,5 L / 100 km sur autoroute, 11,5 L / 100 km de moyenne avec des petites phases d’attaque, le V8 n’est pas non plus ce moteur délirant venu d’un autre siècle qu’on tend à adorer. Il propose quelque chose de lissé, de souple et d’agréable quand on vient à enchainer les kilomètres à bord.

Capotée, l’insonorisation est remarquable : pas un bruit d’air, pas une imperfection, tout n’est que douceur et volupté. Le pedigree zen de Lexus ressort alors dans ces instants et l’on se dit qu’on pourrait difficilement plus agréable pour faire des bornes avec classe et panache.

Le cocktail stylistique et mécanique hautement exclusif de la Regatta est le fruit d’un penchant passionnel que l’on tend à oublier chez Lexus. La marque a déjà su prouver par le passé qu’elle savait mettre au point et rendre hautement désirable une supercar avec la mythique LFA, tout en continuant à se démocratiser avec ce qui la fait vivre : les voitures plus… rationnelles comme le petit UX hybride.

La LC500 illustre à merveille ce côté « touche à tout » du constructeur : la version coupé propose une hybridation aboutie, alors que notre version cabriolet n’est vendue qu’avec son V8. Lexus sait mêler raison et passion au cœur de sa gamme, et s’adapter à son marché. Les États-Unis ont ainsi droit à une gamme « F » et de plusieurs versions sportives, où le V8 est encore légion…

Ce V8, vous l’aurez compris, c’est le cœur de cette voiture et ce qui a fait battre le mien pendant cette balade bucolique en Normandie. Agréable à tous les rythmes, polyvalente et terriblement attachante, la LC500 est une voiture de connaisseurs et de passionnés. Cette édition très limitée, unique en France, était vendue 139 990 € (hors malus de… 30 0000 €). Mise dans son contexte de future pièce de musée et véritable œuvre d’art roulante, la LC 500 Regatta était à vrai dire presque une… bonne affaire dans son segment. Car à ce prix, une Porsche 911 992 Cabriolet pas très optionnée n’aura rien de si exclusif à proposer.

Nous terminons notre journée au Cap d’Antifer, dernier spot avant de quitter le littoral. La « Golden Hour » n’est pas encore là, mais le bleu de la LC500 et le blanc immaculé de ce salon roulant nous régalent plus que jamais la rétine. Après une journée au grand air derrière le cerceau d’une voiture aussi extraordinaire rythmée par une mécanique d’un temps quasiment révolu, on ne peut que ressentir une pointe de nostalgie. On la regarde avec des étoiles dans les yeux, en espérant au plus profond de nous qu’elle ne sera pas l’une des dernières vraies représentantes du rêve automobile.

Le Cap d’Antifer, fin de notre road-trip le long la Côte d’Albâtre

Photos : Mickaël Roux et Victor Desmet