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Retour sur l’incroyable histoire du Fantôme de Belgrade


Une histoire méconnue

« L’incroyable histoire du Fantôme de Belgrade ». Non, Blog-Moteur n’est pas devenu un média consacré aux phénomènes paranormaux ou à l’occultisme. Derrière ce titre intriguant se cache en effet l’une des histoires automobiles les plus mystérieuses et passionnantes qu’il m’ait été donné de découvrir ces dernières années.

Image tirée du film/documentaire ‘The Belgrade Phantom »

Au programme : une Porsche 911 SC Targa qui apparait la nuit, un homme énigmatique à son volant, et une Police locale dépassée par les évènements et qui va toute faire pour l’arrêter. L’histoire est digne d’une légende urbaine. Elle est pourtant vraie.

Belgrade, Yougoslavie, septembre 1979

C’est par un beau matin de septembre 1979 que notre histoire commence. Le tennisman Ivko Plecevic se réveille avec une mauvaise surprise : sa Porsche 911 SC Targa s’est volatilisée. De couleur blanche, sa 911 est en plaques Allemandes : il l’a gagné peu de temps auparavant à un tournoi de tennis, à Berlin. Une plainte est rapidement déposée.

Plutôt que de jouer profil bas, le voleur du bolide Allemand préfère parader le soir-même dans les rues de Belgrade. Décidément culotté, il cherche rapidement à en découdre avec la Police locale, déclenchant logiquement plusieurs courses-poursuites. Et le match est gagné d’avance : les frêles Zastava qui équipent la Police de Belgrade n’ont aucune chance face au flat-six de la Porsche, fort de presque 190 ch (contre environ 50 ch pour une Zastava 101…). Mais ce n’est pas qu’une histoire de puissance : le voleur a aussi un sacré coup de volant.

Image tirée du film/documentaire ‘The Belgrade Phantom »

Le Fantôme de Belgrade est né…

Rapidement, celui qu’on commence à surnommer le « Fantôme de Belgrade » se forge une solide réputation dans l’esprit de la population locale. Il faut dire que cette dernière est peu habituée à ce qu’on défie l’autorité de la Police (et donc de l’Etat par extension). Et pour cause : la Yougoslavie est alors dirigée d’une main de fer par le Maréchal Tito, et ce dernier n’est pas vraiment réputé pour faire dans la dentelle…

Une foule sans cesse croissante va venir assister aux exploits du Fantôme, les badauds se massant aux abords du grand rond-point de la place Slavija, passage obligé pour lui. Le lieu est stratégique pour ce dernier : les nombreuses sorties du rond-point desservent toute la ville, et il peut donc rapidement prendre la poudre d’escampette en cas de problème.

Une Police locale qui fait tout arrêter le Fantôme

Très embarrassée par ce robin des bois mécanique, la Police de Belgrade doit agir, et vite : Tito est parti quelques jours à Cuba, afin d’assister à un sommet international. Ça ferait désordre s’il était accueilli à son retour par une Porsche blanche qui défie l’autorité publique…

Un Policier aguerri est donc lancé à la poursuite du Fantôme de Belgrade : Dusan Zivkovic, alias « Fangio » (le surnom que ses collègues lui ont donné). Ce dernier dispose d’une botte secrète : il est équipé d’une voiture occidentale, en l’occurence une puissante Ford Granada. Las : Dusan « Fangio » n’arrive pas à inquiéter ce dernier, qui se permet même de le narguer en dévoilant à l’avance son itinéraire à la radio !

Image tirée du film/documentaire ‘The Belgrade Phantom »

Cela fait désormais plusieurs nuits que le Fantôme se livre à son jeu du chat et de la souris. Pour la Police, la mascarade a assez duré : il faut faire cesser les agissements du Fantôme vite, et peu importe s’il n’en ressort pas vivant. Un plan est alors établi : la place Slavija va être copieusement arrosée, et toutes ses sorties seront bloquées, sauf une. Evidemment, c’est ici que se situera le piège. Deux bus attendront en effet le Fantôme, avec des policiers aux commandes (dont le fameux « Fangio »).

Le piège se referme..

Ce soir là, le Fantôme de Belgrade est de nouveau au rendez-vous. Il est attendu de pied ferme par une immense foule place Slavija (on dit que près de 10.000 personnes ont fait le déplacement !), mais aussi par la Police. Dès son arrivée, et alors qu’il est poursuivi par des Zastava de Police sirènes hurlantes, le piège se referme sur lui : les bus lui barrent sa seule issue. Il arrive à sauter de la Porsche juste avant qu’elle s’encastre sous un bus. Par chance, il n’est pas blessé, et parvient à rejoindre les badauds venus l’acclamer. Ainsi noyé dans la foule, il arrive à s’échapper une nouvelle fois.

La Porsche 911 du Fantôme encastrée sous un bus. Photos d’époque.

Mais le répit est de courte durée pour le Fantôme de Belgrade : son nom est finalement balancé par une petite frappe, et il est rapidement appréhendé. On découvre alors sa vraie identité : il s’appelle Vlada Vasiljevic, il n’en est pas à son coup d’essai en vol de voitures, et il n’a que 29 ans.

Un dénouement tragique

Surnommé « Vasa Opel » (sa marque de prédilection pour le vol de voitures) ou encore « Vasa Kljuc » (clé dans sa langue, pas besoin de vous expliquer d’où vient ce surnom), Vlada est rapidement incarcéré : il passera environ 2 ans et demi derrière les barreaux. Finalement relâché, il ne profitera malheureusement pas longtemps de sa liberté : il est victime d’un accident de la route au volant d’une Lada volée, dans des circonstances qui restent encore aujourd’hui obscures. Beaucoup pensent qu’il a été victime d’un piège, et les regards pointent logiquement vers les autorités Yougoslaves, qui auraient pu vouloir lui faire payer ses provocations.

En tout et pour tout, ses exploits auront duré 10 nuits. On ne connaitra jamais les motivations du Fantôme de Belgrade (goût du risque, message politique contre le pouvoir en place ?), et seules quelques images d’époque subsistent aujourd’hui. De quoi encore renforcer la légende du Fantôme de Belgrade.

Sources : article Hajde.fr, article automotivedelight.com. Un docu-film de 2009 a par ailleurs été réalisé sur l’histoire du Fantôme de Belgrade : il mêle témoignages, images d’époque, et reconstitution moderne des évènements.