Rétrospective Genève 2018, un salon en demi teinte ?
Genève 2018 : une édition à oublier ?
C’est en vieil habitué que je me rends chaque année au Salon Helvétique, 2018 étant ma 31ème participation à un événement qui, malgré la taille modeste du pays qui l’accueille, reste un jalon majeur de l’année automobile. Et s’il m’est arrivé d’en sortir enchanté voire époustouflé par la qualité du plateau certaines années, je suis au regret de dire que Genève 2018 ne restera pas dans les annales…
La faute à qui ? Aux absents ?
Effectivement il ne fallait pas compter sur Mini cette année, puisque la marque a décidé depuis 2017 de « communiquer autrement », ni sur DS, une marque « inventée » récemment, et qui peine de plus en plus à convaincre des clients qui ne voient pas le rapport entre les Citroën rebadgées du catalogue et l’iconique Déesse de 1955… Infiniti n’avait rien de neuf à présenter et s’est donc abstenu, heureusement que Renault, Rolls-Royce, Fiat ou encore Alfa-Roméo qui étaient dans la même situation cette année ont tout de même fait un effort… Mais le plus remarquable (et remarqué) sera l’absence d’Opel, qui fut des décennies durant le deuxième importateur de Suisse, et qui est passé récemment sous le giron du Lion. Visiblement les Salons ne sont plus vus par nos « technocrates-comptables en chef » comme de grandes fêtes dédiées à l’automobile, mais plutôt comme une dépense de plus en plus inutile à laquelle il faut mettre rapidement un terme, c’est déplorable, mais l’absence de réaction plus ferme de la part des médias ou, tout simplement, des visiteurs me laisse à penser que ce phénomène risque de s’amplifier à l’avenir…
Place à la visite !
Genève c’est surtout, depuis la disparition en 1982 du Salon de Turin LE Salon des belles voitures, où les préparateurs ont la part belle. Mansory par exemple, un préparateur Germano-Suisse qui se distingue trop souvent par des réalisations au goût douteux semble s’être assagi cette année.
Le Bavarois RUF qui améliore depuis des lustres toutes les Porsche qui lui passe sous la main s’octroie cette année un fort joli stand où il étale tout son savoir-faire.
Alpina, le préparateur-constructeur affilié à BMW fait toujours le déplacement, Buchloe n’est pas si loin, et le marché Suisse sans doute plus porteur que celui de l’Hexagone.
Au chapitre des constructeurs officiels première mondiale chez Peugeot pour la 508, une fort jolie voiture, en toute objectivité !
BMW nous dévoile un superbe Concept M8 Gran Coupé au fond d’une grotte éclairée par la pénombre…
Bon, c’est suffisant pour piaffer d’impatience en attendant un éventuel essai ! OVNI du Salon cette MAT (Manifattura Automobili Torino) qui fait un peu plus que s’inspirer de la Lancia Stratos, dommage que FCA n’ait pas jugé utile d’autoriser la société à reprendre le logo de la marque… La base mécanique provient d’une Ferrari F430 qu’il faudra donc sacrifier… Ce qui explique le tarif de… 630 000€ l’unité !
Et puisque nous en sommes au chapitre des monstres sacrés, allons donc faire un tour du côté de Jaguar, qui fait hélas le forcing cette année sur sa gamme de SUV, avec quelques nouveautés « électrico-hybrido-machin », sans doute histoire de faire comme tout le monde…
C’est bien joli tout ça, mais le stand de la marque de Coventry était pratiquement désert lors de ma visite, preuve s’il en est que des 4×4 améliorés peuvent être intéressants, mais à la seule condition de ne pas « prendre tout le lit », et ce d’autant que la marque faisait quasiment stand commun avec Land-Rover… Bref les quelques berlines et coupés présents faisaient un peu perdus sur le show-room. C’est normal de suivre la mode (ou plutôt les désirs de la clientèle), mais encore faudrait-il songer à conserver un peu de son âme !
Du coté de la Corée, tout va bien. L’avantage des Coréens c’est qu’eux jouent encore le jeu du grand rendez-vous de l’automobile : Nouveautés en première mondiales, murs de lumière, autos ouvertes à tous, musique, etc etc…
On n’a pas tous les moyens de rouler en GT Premium après tout, même sur Blog-Moteur, et l’offre actuelle du groupe Hyundai-Kia est loin d’être mauvaise! La nouvelle Kia Ceed en est l’exemple.
Volvo nous réserve toujours à Genève quelques petites surprises (il faut dire qu’il ne risque pas de le faire à Paris puisqu’il y est absent). Cette année la nouvelle Série 60 est inaugurée par le break V60.
Belle ligne, intérieur et équipements de sécurité sans le moindre reproche.
Première présentation aussi de la désormais nouvelle marque POLESTAR, qui désignera désormais les Volvo Hybrido électriques et les modèles à très hautes performances.
Pour l’instant nous sommes sûrs de l’hybride rechargeable, mais des modèles 100% électriques devraient vite voir le jour.
Ford muscle le jeu avec la Bullit
Pas question de Fée électricité au centre de stand de la firme de Dearborn, place plutôt à des gros moteurs en V, et de bons souvenirs de cinéphiles !
Il n’était pas certain que la nouvelle Mustang en définition « Bullitt Edition » soit commercialisée en Europe, c’est désormais officiel ! Un petit rappel sur place ne peut pas faire de mal sur l’auto vedette d’un film policier qui fête désormais ses 50 ans…
Nous n’oublierons pas non plus que l’acteur principal et coproducteur de ce film nous a quittés il y a 38 ans…
Porsche full électrique
Pendant ce temps du côté de Stuttgart on nous « surprend » avec la Mission E : C’est électrique, ça roule 600 km au moins, sans le moindre bruit bien entendu.
Commercialisée à partir de 2019 avec plusieurs motorisations comprises entre 450 et… 930ch ! Ca va faire des étincelles, surtout chez Tesla ! Il y aurait même du court-circuit dans l’air…
Vous m’excuserez de préférer les vieilles recettes, avec la sublime 911 GT3RS.
En vrac
Alpine continue son développement avec cette version GT4, je leur souhaite la meilleure réussite possible !
Je vais être objectif : j’ai vu des visiteurs s’extasier devant ce taxi sans conducteur.
Personnellement j’ai appuyé sur le déclencheur et j’ai continué mon chemin… A proximité il y avait une vraie voiture, qui roule et qui a encore besoin d’un occupant pour avancer et tourner, c’est incroyable ! Vous allez voir que les gens comme nous vont bientôt passer pour des fossiles…
Tiens puisque l’on parle d’ancêtre… AC Cobra 427 : V8 de 7 litres, 415 ch et 270 km/h en pointe !
Une histoire a toujours couru sur cette fameuse 427 : Lors d’un essai le conducteur collait un billet de 100$ sur le couvercle de la boite à gants. Si le passager arrivait à le prendre lors de l’accélération du monstre, il pouvait le garder, il paraît que personne n’y est jamais parvenu…
Nous devons être dans le même cas de figure avec cette Königsegg de 1 500ch !
Ou cette Pagani 100% carbone.
Genève ne serait plus Genève si les grands noms de l’auto italienne n’étaient pas présents. Pininfarina reprend un peu de couleurs cette année après une édition 2017 sans intérêt.
Comme Opel a laissé plusieurs dizaines de m2 disponibles, les organisateurs ont décidé de faire une rétrospective des « célébrités » qui ont marqué le rendez-vous Suisse.
Cette Bizzarini Manta de 1968 fut la première création d’un certain Giugiaro. De toute façon des vieilleries comme cette extraordinaire Lamborghini Marzal de 1967 je suis preneur, pas à la place d’Opel certes, mais pas loin !
Et cette Alfa-Roméo 6C carrossée par le Suisse Worblaufen spécialement pour le Salon 1938, magnifique non ?
Mais revenons un peu à nos moutons millésimés 2018, d’ailleurs le terme n’est pas exagéré lorsque l’on voit certaines réalisations dont on peine à imaginer la marque si elle n’était pas mise en évidence sur ce qu’il reste de calandre… Voici un concept-car Mitsubishi : électrique, hyperconnecté, etc etc…
Et voilà un concept-car VW : électrique, hyperconnecté, etc etc…
Là une Lexus…OK ça ne ressemble à rien d’autre. Mais l’effet de cette calandre cintrée n’est-il pas en train de dégénérer ?
Je vous l’accorde la Lamborghini Urus n’est plus une étude. Mais elle n’est en fin de compte pas aussi vilaine que ça en vrai, surtout par rapport aux premières photos officielles qui en firent hurler plus d’un.
Au chapitre des « bizarreries » on peut mettre sur le podium SEAT qui nous dévoile une nouvelle marque : CUPRA ! En fait il s’agit de la même démarche que pour Volvo/Polestar… Mais est-ce que des autos surpuissantes, rabaissées et dotées d’un logo « Goldorak » vont faire chavirer les foules ? Personnellement j’en doute un peu, et j’ai bien peur que la firme de Martorell ne se fourvoie. Dans un concept qui ne rassemblera pas grand’monde et qui, surtout, n’évoquera pas grand’chose au public…
Beaucoup avaient fait le déplacement pour voir la nouvelle Toyota Supra, il faudra se contenter de cet exemplaire déguisé en voiture de course.
Toyota a déjà fort à faire avec le lancement de sa nouvelle gamme Auris, le genre de truc à ne pas rater !
Comme vous avez pu le voir, Genève reste en fin de compte une belle usine à rêves pour ceux qui veulent sortir des sentiers battus des médias de grande diffusion, qui n’ont bien souvent en tête que le dernier modèle de la marque dans le vent du moment. Bien que l’alchimie fonctionne encore, cette édition comme quelques autres précédemment me laisse un goût amer, celui où il faudra désormais accepter que les plus grandes marques ne soient plus dirigées par des passionnés, mais par de sombres comptables chiches de leurs deniers qu’ils préfèrent accorder à leurs actionnaires et autres fonds de pension. Les Salons dans tout ça ? Juste une variable d’ajustement : « Si on a quelque chose à présenter on y va, sinon on reste à la maison… ». Le problème étant que des milliers de visiteurs ne feront plus le déplacement pour ne voir que la moitié des marques du marché présentes, et nos cravatés auront alors beau jeu de dénoncer une présence dans des événements qui n’attirent plus les foules… Cela s’appelle un cercle vicieux, et tout le monde commence à tourner ! Y aura-t-il encore des Salons internationaux dignes de ce nom en 2030 ?
Pas certain…
Jensen.