Jaguar Type Féline…
Jaguar : l’Apparition
Grondement… Silence. Ronronnement…. Calme. Bourdonnement… Plus aucun bruit. Et subitement, la bête laisse entendre le rugissement de son V8. Debout sur le trottoir, on entend la bête accourir à des centaines de mètres à la ronde. Un frisson monte, parcourt notre échine. Dans la nuit noire, la tête est complètement remplie par la course effrénée du félin. Le son se rapproche. Le passage des vitesses semble brutal, instantané, quasiment imperceptible. Le régime monte, monte, monte. On en perd ses repères. Le corps vacille, commence à perdre l’équilibre jusqu’au moment de retrouver la vue. Réveillée au loin par une lueur. Une sorte de lumière perçante. Ça se rapproche toujours plus vite. La lueur devient alors un éclair qui déchire la pénombre. Un éclair mécanique qui vient transpercer la paisible forêt endormie dans un fracas assourdissant !
Un souffle puis c’est déjà fini. Un coup de vent à l’odeur enivrante de carburant brûlé. Le Jaguar s’éloigne déjà, l’effet Doppler laissant flotter dans l’air le son lancinant de la course sans fin des 8 cylindres. S’asseoir, il faut s’asseoir, récupérer de l’émotion qui vient de traverser nos entrailles. Respirer… Retrouver ses esprits… Et elle est déjà là, elle commence déjà à vous ronger l’esprit, cette obsédante question, cette irrépressible envie… « Mais qu’est-ce que c’était, je dois la chercher, je dois la revoir, je veux la revoir ». Et vous, qu’en dites-vous ?
Intemporalité : l’héritage
Plus de 50 ans après la commercialisation d’une des plus belles voitures de l’histoire de l’automobile, Jaguar nous livre la F-Type en 2012. La ligne ainsi que la continuité alphabétique nous permet aisément de rapprocher ce modèle contemporain de l’éternelle Jaguar Type E. Et si l’on peut se permettre un abus historique, on pourrait qualifier la Jaguar F-Type de concaténation de deux de ses aïeules : elle allie la sportivité de la Jaguar Type-D à l’élégance de la Jaguar Type-E.
Ce porte-à-faux avant interminable, ces flancs incurvés, cette poupe racée, cette ligne générale dessinée par le vent. L’esprit Jaguar est là, c’est indéniable. La robe vert anglais a été remplacée par un magnifique Gris Lunaire nous laissant apprécier les lignes sensuelles de cette œuvre d’art qu’est la Jaguar F-Type.
A l’époque où la Type-E est allée jusqu’à y accueillir un fier 12 cylindres en V de 5,3 litres de cylindrée, le museau de notre F-Type R Coupé reste plus modeste mais néanmoins rageur avec son délicat V8. Ce bloc moteur de 5L suralimenté atteint élégamment une puissance de 550 ch et un couple faramineux de 680 Nm. Autant dire que cette automobile est à l’aise dans n’importe quelle situation. Conduite souple et balade discrète sauront désormais rimer avec montées en régime dantesques et excursions que l’on pourrait qualifier … d’agressivement mélodieuses !
Jaguar F-Type : la Découverte
Après la proue mais avant la poupe de notre bolide, se situe le poste de commande, les entrailles de la bête. Véritable cockpit, une fois la position prise derrière le volant, « Tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté ». Clé dans son logement, allumage du tableau de bord futuriste, déploiement des grilles de ventilation, elle n’attend que vous désormais, vous obéissant au doigt et à l’œil. Fébrile, impatient de savoir ce qui nous attend, on en vient à hésiter. START Engine. Ce bouton doré, seule touche de couleur dans cet intérieur à l’anglaise, ce bouton vous nargue. Doit-on oser ? On tutoie l’irrésistible tentation… A peine a-t-on le temps de se poser la question, que l’instant d’après, dans un geste d’élan irraisonné, notre index se jette sur sa proie. Une pression, un simple contact et le monde entier n’existe plus. Ce grondement, on le retrouve, on le reconnait. C’est cela que nous voulions entendre de nouveau. Plus rien n’a d’importance, l’espace entier est rempli par les sourdes vibrations de l’âme mécanique : un monstre qui dort…
Nous voilà bien installés dans l’un des deux sièges baquets. Un maintien franc qui combine deux concepts. Ils seront à la fois votre sécurité afin de bien vous maintenir dans l’habitacle lors de tracés sinueux. Mais ils seront également votre arrêt en translation lors des accélérations suffocantes de la F-Type. Le 0 à 100 km/h étant abattu en tout juste 4 secondes, les mots ne viennent pas lors de tels essais. On est littéralement atomisé dans le dossier du siège. Sentiment qui, pour le coup, accentue le corps avec corps avec votre monture. Alors que le pied droit s’allonge, c’est bien votre cage thoracique que vous sentez se réduire, se vider, s’écraser sous le poids des G, douloureux sentiment de plénitude.
V8 : l’Emotion
Une fois l’émotion passée au cœur du démon mécanique. Une fois les secousses, les trépignements, la rage du moteur subis. Une fois la surdité provoquée par tant de détonations, crépitements et retours de flamme. L’esprit est rassasié, il jouit de tout ce plaisir fugitivement engrangé. Encore la tête dans les étoiles, les yeux envahis d’étincelles, il est temps de quitter notre rêve éveillé. Le claquement de la ceinture synonyme de liberté. L’ouverture de la portière. Sensation de fraîcheur dans la forêt endormie, odeur d’humidité mêlée à celle de gaz récemment brûlés. Comme toute voiture sportive qui se respecte, la F-Type n’y déroge pas. La sortie de l’habitacle se rend difficile. Elle vous fait regretter cette obligation de quitter le vaisseau nocturne. Les deux pieds bien posés au sol, l’extraction du véhicule immobile réussit à se faire dans un mouvement de corps. Quelques pas… Les mains retiennent la tête lourde. On se passe les mains dans les cheveux. Prendre l’air… Redescendre… Revenir à la réalité. On prend conscience de ce que l’on vient de vivre. Le regard se lève. Rien… Que du noir. Le corps se retourne…
Vous faites désormais pas du passé. Vous faites partie de l’histoire de cette automobile, tout comme elle fait désormais partie de la vôtre. Elle vous abandonne là, sur le bord de ce chemin de traverse. Elle vous laisse derrière elle. Vous restez là, le cœur orphelin de ce souffle de vie.
Vous n’avez désormais que la possibilité d’admirer sa magnifique chute de reins. Cette sensuelle agressivité dégagée par ce regard étiré. L’exaltation appartient désormais à un présent antérieur. La nostalgie des sens s’éveille. Le moteur tourne encore. Se dégage une impression : jamais un son n’a jamais autant collé à une image. Le ronronnement du félin se marie à merveille avec cet arrière racé, évoquant sportivité, vitesse et fluidité aérodynamique.
L’histoire sans Fin
La Jaguar s’éloigne de nouveau. Une nouvelle fois, le grondement balaie chaque grain de bitume, chaque particule d’asphalte. La lueur s’efface au loin, la forêt retourne dans son silence habituel. « Voilà, c’est fait ». Ce tête à tête avec l’élégance à l’anglaise est désormais terminé. L’émotion laisse place à votre boîte noire. La mémoire commence à faire son travail. « Se souvenir. Ne pas oublier ». Mais comment l’oublier ! Ce feulement dans les oreilles. Ce visuel sensuel. Cette rigidité dans l’assise. Ce défilement du décor. Le tunnel qui vous aspire derrière le volant. L’oubli de soi, la conscience de la mécanique. Le plaisir… Le plaisir… Jaguar F-Type R : le Plaisir…
Un grand merci aux ptits gars d’abcmoteur pour cette rencontre mystique avec le plus beau Jaguar des temps modernes!
Texte et photos : Quentin Boullier
