CarStalker Stories, Ep. 1 : Le désastre de la Coda EV, la Tesla avant-l’heure
CarStalker Stories, c'est votre nouvelle rubrique hebdomadaire (du dimanche, en l'occurence), qui s'intéresse à des histoires automobiles (réellement) méconnues. Pour ce premier épisode, on s'intéresse à la Coda EV, la voiture électrique Californienne qui voulait révolutionner l'industrie automobile, à l'époque où Tesla n'en était qu'à ses balbutiements. Récit d'un désastre industriel totalement oublié aujourd'hui.
Coda : Une firme Californienne, tout comme… Tesla
Fin de années 2000. Le cours du pétrole est à son plus haut niveau aux Etats-Unis, et les véhicules électriques commencent à faire parler d’eux, avec en fer de lance la Nissan Leaf, ou la Ford Focus électrique. Dans un registre beaucoup plus glamour, Tesla a commencé la commercialisation de son premier modèle : la Roadster (sur base de Lotus Elise). Une auto très novatrice pour l’époque (et aux performances alors jamais vues pour un véhicule électrique), mais aussi hors de portée pour le commun des mortels (car vendue près de 100.000 dollars)
C’est à cette époque que Coda Automotive débarque sur le marché Américain. Basée en Californie, la firme souhaite proposer au grand public une berline électrique pragmatique, et résolument abordable. Tout l’opposé de sa voisine Tesla donc, qui avait (à l’époque en tout cas) une vision beaucoup plus haut de gamme. Coda dévoile sa vision de la voiture électrique au Salon de Los Angeles de 2011. Sobrement baptisée Coda EV, l’auto est présentée à grand renforts d’arguments chocs. La firme se targue en effet d’offrir une plus grosse batterie et une meilleure autonomie que ses concurrentes directes, le tout pour un tarif annoncé comme contenu (on y reviendra). Confiant, Coda estime à 14.000 le nombre d’unités vendues par an.
Un look d’une banalité affligeante pour la Coda EV
Mais la réalité est un peu moins sexy. Beaucoup moins même. Déjà, le look est d’une banalité affligeante. Pire, la Coda EV est déjà datée à sa présentation. Et pour cause : cette sage berline à coffre était basée sur une auto Chinoise, la Hafei Saibao, elle-même étroitement dérivée d’une Mitsubishi Gallant/Lancer de la fin des années 90. Certes, son design était signé par le studio Pininfarina, mais ce dernier avait été beaucoup plus inspiré par le passé.
Coda avait tout de même doté son auto de quelques éléments spécifiques par rapport à sa base Chinoise. On peut notamment citer des jantes spécifiques (avec caches centraux siglés Coda, s’il-vous-plait !), la calandre pleine, la barre de LED en partie basse du bouclier avant (un gimmick également repris à l’arrière), et une inédite malle arrière, en aluminium. Pas de quoi affoler les mirettes pour autant, et encore moins faire tourner des têtes.
Coda EV : Une idée déjà ancienne
En grattant le vernis, on apprend que la Coda EV n’est en réalité qu’une version modernisée de la Miles XS 200, elle aussi électrique, et dont les prémices remontaient à 2007. Une voiture de la « Miles Electric Vehicules », une firme spécialisée dans l’importation de voiturettes électriques (en provenance de Chine) pour le gouvernement Américain. Je vous passe les détails : retenez simplement que Miles Electric Vehicules et Coda Automotive appartenaient à la même entité.
Une production sino-américaine
Revenons-en à la Coda EV. Sa production débutait en Chine s’agissant de la caisse seule, dépourvue de son groupe moto-propulseur. Expédiées aux Etats-Unis, les caisses étaient ensuite affublées de leurs moteurs électriques et de leurs batterie, et l’assemblage final était confié l’usine Coda de Benicia, en Californie. S’agissant de la vente de l’auto, Coda prévoyait de réserver dans un premier temps la commercialisation de sa berline électrique à l’Etat de Californie (un Etat par essence favorable aux véhicules électriques). Par la suite, la marque prévoyait de la lancer dans l’Oregon et en Floride, à l’horizon 2013.
Batterie LFP et autonomie intéressante (pour l’époque en tout cas) pour la Coda EV
Traction avant, la Coda EV était équipée d’une transmission BorgWarner, et d’une batterie de 31 kWh (de type LFP), implantée sous le plancher de l’auto. Histoire de rassurer la clientèle, les batteries de l’auto étaient garanties 10 ans / 160.000 km (3 ans de garantie pour l’auto elle-même).
Coda estimait l’autonomie de son modèle à environ 125 miles, soit pile 200 km. Si la valeur fait sourire aujourd’hui, c’était mieux que ses concurrentes directes de l’époque, et notamment de la Nissan Leaf, dont la première version peinait à dépasser les 120 km. Cette autonomie affichée a vite été tempérée par l’EPA (l’agence Américaine de protection de l’environnement), cette dernière estimant que la Coda EV avait plutôt 88 miles d’autonomie (environ 140 km).
Mais des performances moyennes…
Sous le capot de la Coda EV, un moteur électrique de 100 kW (136 ch) produit par UQM. Il propulsait l’auto de 0 à 100 km/h en un peu moins de 10 secondes (l’auto étant assez lourde : 1.665 kg), et la vitesse maxi était limitée à 85 mph (136 km/h).
La Coda EV se rechargeait lentement, encaissant seulement 6,6 kWh, soit environ 6 heures pour la recharger complètement. Je sais que ça prête à sourire aujourd’hui, mais là encore, c’était mieux qu’une Nissan Leaf de première génération. Ce qui était plus fâcheux en revanche, c’est l’absence regrettable d’une charge rapide DC. Par ailleurs, les crash-tests réalisés par l’Administration Fédérale Américaine (NHTSA) se sont révélés peu flatteurs pour la Coda EV, avec seulement 2 étoiles au crash-test frontal. Aie.
Un tarif plutôt salé
Côté prix, la Coda n’était clairement pas donnée pour l’époque, avec un prix de base de 38.145 dollars, et une liste d’options très limitée (jantes noires, sellerie cuir, et grand écran). A titre de comparaison, une Nissan Leaf était affichée un peu moins de 33.000 dollars à la même époque. Même avec les aides du gouvernement et de l’Etat de Californie pour un total de 10.000 dollars (7.500 + 2.500 dollars), l’addition restait salée pour ce qui était à la base une auto Chinoise dépassée… Autre comparaison peu à l’avantage de la Coda : l’autrement plus flatteuse Tesla Model S, qui débutait à 50.000 Dollars dans sa version équipée d’une petite batterie 40 kWh (oui oui, elle a existé !).
Un habitacle peu inspiré
L’habitacle était tout aussi basique que l’extérieur, avec une profusion de plastiques cheap, et un dessin aussi inspiré que celui d’une Dacia Logan de première génération. Seul originalité d’un habitacle pour le reste totalement générique, la commande de vitesse rotative, très inspirée de ce qui se faisait à l’époque chez Jaguar. En option, un poste radio Alpine avec un grand écran (tactile s’il-vous-plaît !) était disponible. Ce dernier était capable de lire des DVD (ne rigolez pas !), et même d’afficher des informatives rudimentaires sur la chaîne de traction électrique (autonomie restante, température du pack batterie…). En revanche, point de régulateur de vitesse, ni de caméra de recul.
Par ailleurs, la Coda EV « pompait » régulièrement l’air conditionné de l’habitacle pour le redistribuer à la batterie, laissant « cuire » ses occupants sans clim. Coda avait en effet exlu l’idée d’un refroidissement liquide comme chez Tesla, au profit d’un refroidissement passif. Sympa pour une voiture pensée pour la Californie !
Un départ retardé, et une affaire qui tourne vite au vinaigre…
Initialement programmées pour fin 2010, les premières livraisons de la Coda EV prennent du retard, pour ne finalement arriver qu’en… mars 2012, à cause de soucis de production. Des soucis qui préfigurent la suite. Car oui, la clientèle n’est pas au rendez-vous. Après avoir taillé dans les effectifs, la firme se déclare en faillite le 1er mai 2013. La Coda EV n’aura donc été vendue qu’un an : cruelle désillusion, surtout qu’à la même époque la Tesla Model S commençait à arriver sur les routes, auréolée de son convoité titre de « Car Of The Year », décerné par Motor Trend.
Au total, 117 Coda EV ont été vendues avant que la marque ne mette la clé sous la porte. Coda n’aura même pas produit tous les exemplaires de l’édition de lancement de sa berline électrique. Limitée à 500 exemplaires (en tout cas c’est ce qui était prévu), cette édition était (s’il-vous-plait !) agrémentée d’une plaque métallique au niveau du sélecteur de vitesses.
Par la suite, la firme Mullen Motor Company rachète une partie de l’inventaire restant, pour les vendre sous la forme de la Mullen 700e, une version légèrement revue de la Coda EV. Une auto présentée au salon de Los Angeles de 2014, et qui inspirera la même tiédeur que la Coda EV à la presse spécialisée, malgré une autonomie revue à la hausse (180 miles, soit près de 290 km).
Epilogue : L’histoire de la Coda EV neuve et abandonnée pendant 10 ans, qui revient à la vie
Fun fact : le YouTubeur Américain de la chaine « Out of Spec Reviews » a trouvé en 2023 une Coda neuve, et abandonnée derrière un grand concessionnaire, à San José en Californie. La petite histoire indique qu’un concessionnaire Coda était implanté au même endroit à l’époque (« Coda Silicon Valley »), et que suite à la faillite de la marque l’auto a pourri sur le parking de la concession pendant 10 ans. Un SDF aurait même vécu à l’intérieur un temps !
Quelques mois après, et après avoir réussi à l’immatriculer, le concessionnaire lui offre l’auto, contre un dollar symbolique. Certes, la peinture est défraichie, les pneus sont morts, mais l’auto est vivante, et sa batterie indique même encore 30 % de charge ! Un petit tour du pâté de maison après, le verdict s’impose : l’auto n’attendait que ça ! En effectuant mes recherches pour cet article, j’ai d’ailleurs découvert que Out Of Spec Review n’est pas le seul YouTubeur à posséder une Coda EV. Une petite communauté s’est même fédérée autour du modèle ! Maigre consolation pour ce qui reste 10 ans après un échec cuisant. Surtout quand on compare Coda à l’autre firme Californienne de voitures électriques…