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Visite : Au coeur de l’usine de verre Volkswagen, à Dresde

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L’usine de Dresde, dans l’oeil d’un ingénieur

Nous allons ici revenir sur notre visite d’une usine plutôt hors du commun. Quand la qualité et l’image de marque règnent en maîtres, nous ne pouvons qu’admirer. Laissez-moi vous raconter ce petit tour du propriétaire, à travers mon regard d’ingénieur en production industrielle.

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Usine de Verre : Transparence, les Origines.

Avant d’entrer au sein de cette Ôde à la pureté, plantons le contexte qui entoure le bouleversement dont cette usine est le fer de lance. Volkswagen a incontestablement de grandes ambitions, surtout après les cafouillages médiatiques et scientifiques de ces derniers mois. Elle est aujourd’hui à un carrefour des plus stratégiques : la transition du thermique vers l’électrique.

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3 années après l’essai transformé de la Golf GTE, et 2 années après le lancement de son e-Golf, unique modèle full-électrique, Volkswagen a décidé de faire un choix radical.

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La marque allemande ne jure désormais que par ce qui définit et se rattache au concept de la couleur blanche. En effet, Volkswagen orchestre depuis une poignée de mois le tracé d’une nouvelle stratégie innovante pour suivre le changement de philosophie que subit le domaine de l’automobile

Et quoi de mieux qu’anticiper l’avenir dans l’usine la plus attirante ? C’est donc au sein de l’usine de Dresde que le premier constructeur automobile mondial pose les pierres de sa politique de demain. Revenons sur l’histoire de cette usine quelque peu particulière. Inaugurée en 2002, cette usine transparente a vu naître de son antre deux modèles : la VW Phaeton, anonyme dans notre pays, et la Bentley Continental Flying Spur.

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Volkswagen joue donc la coupe franche. Stop à la production de la Bentley, qui permettait d’accroître la réponse de l’usine britannique de Crewe. Exit l’immense berline au succès plus que minime, et aux ventes anonymes (84.000 unités pour 14 années de production). Bonjour à la nouvelle ère. Et quand VW a une idée en tête, la marque ne fait pas semblant. Tel le chevalier blanc de la fabrication automobile, Volkswagen passe – selon leurs propres termes – à l’offensive de l’électrification !

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L’e-Golf devient par conséquent le figure de proue de la marque. Mais sa production reste compliquée. Elle vient s’insérer au sein des Golf thermiques produites sur le site principal de Wolfsbourg. Or, le procédé d’intégration d’un véhicule électrique est complètement différent de celui d’un modèle à combustion. Et tout bon acteur en production le sait, pour structurer un flux, la variabilité n’a rien d’agréable. Même si cette adaptabilité est l’idéal en matière de réactivité pour le client. Seule solution, avoir une ressource dédiée à l’intégration des Golf à électrons. C’est par une rénovation et un investissement de 20 millions d’euros que l’usine de Dresde va devenir le nouveau centre névralgique de la stratégie bleue et blanche.

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L’Usine Transparente, ou la Cage de Verre de la Fée Electricité

Nous avons eu le privilège de pouvoir visiter cette usine moderne durant toute une journée, entourés par le directeur de la communication, et un expert des sujets techniques touchant à l’e-Golf.

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C’est au cœur du parc arboricole du Grand Jardin de Dresde qu’est nichée cette cathédrale de verre. Design futuriste pour une usine qui ne l’est pas moins, ses 25.000 m² de surfaces vitrées en imposent. Nous traversons la nacelle qui nous conduit à l’entrée de l’usine, qui semble bien gardée.

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Comme un préliminaire à la visite des locaux de production, l’accueil est un large espace ouvert sur une esplanade rappelant l’histoire du véhicule électrique au sein du Groupe. En effet, Volkswagen n’en est pas à son coup d’essai. Dès 1976, le manufacturier de Saxe avait mis au point son premier concept électrique viable, sur base de Golf 1.

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Capitalisant au fil des années de recherche, le groupe atteint son objectif en 1994, et propose sur le marché une Golf 3 entièrement électrique. Ce CityStromer était mu par des batteries au plomb qui ne permettaient d’atteindre que de piètres performances, à savoir 97km/h en pointe, et une autonomie d’à peine 80 kilomètres, malgré ses systèmes innovants de récupération d’énergie cinétique.

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Mais ce n’est qu’après vingt boucles autour du Soleil que Volkswagen sort son modèle full-électrique le plus abouti. Désormais, l’e-Golf offre une autonomie de 300 km en conditions optimales, grâce à ses batteries nouvelles générations au Lithium-Ion. A noter l’absence de quelque système en lien avec l’énergie cinétique. En effet, l’expert nous confirme que les études ont démontré que la perte d’énergie due à la tentative de récupération n’était guère compensée. En comparaison, la « roue libre » est un phénomène plus simple à gérer, et sans dépense énergétique (à part les frottements à l’air et aux bitume).

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Le Lean Manufacturing suivi à la Ligne

Passons-en au fait, allons voir comment le premier constructeur mondial a décidé d’organiser la fabrication de sa vitrine technologique au cœur de sa vitrine productique. Nous pénétrons au 2ème étage de l’usine. Et là, c’est le choc pour un ingénieur comme moi, bien rompu à l’ambiance des ateliers de production. Silence, propreté, maîtrise de la qualité, suivi des cadences, outils performants : tout y est. Vous allez voir que tout au long du process d’intégration de cette e-Golf, tout ce que l’on peut enseigner aujourd’hui en terme d’Ingénierie des Systèmes de Production est concentré dans cet atelier. Laissez-moi vous guider dans ce que l’on pourrait appeler un laboratoire, autant sur la technologie du produit fabriqué que sur la technique autour de l’organisation de sa production.

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Tout d’abord la première pièce du puzzle de notre e-Golf est la carrosserie. Comme insinué plus haut, celle-ci est produite à l’usine de Wolfsbourg, puis est rapatriée sur Dresde pour la production de l’e-Golf. Un stock en amont des lignes de l’atelier de production permet d’assurer une alimentation continue en respectant les couleurs commandées par les clients. De cette prison de verre, les carrosseries sont extraites par l’intermédiaire d’un manipulateur supérieur.

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Ce dernier achemine cet élément de départ sur une plateforme qui s’élève du parquet. En effet, l’ensemble du site de production de Dresde est recouvert par un parquet en bois du plus bel effet. Ajouté au cachet visuel, le parquet permet une meilleure résistance à la fatigue des opérateurs du au piétinement – problème bien connu des ergonomes en milieu industriel – par absorption des chocs et efforts.

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Cette étape est accompagnée par un élément innovant. A chaque dépose de carrosserie, un chariot autonome sort d’un élévateur pour apporter en automatique à l’arrière de chaque châssis les éléments à monter au cours des différentes étapes sur la ligne. Etonnant ce ballet de convoyeur autonome le long des allées de circulation, ce progrès s’inscrivant dans ce qu’on appelle le SMED (Single Minute Exchange to Die). Le but est de rentabiliser au maximum le temps opérateur. Les temps alloués aux déplacements et à la recherche de pièces détachées ne créant pas de valeur ajoutée, ils sont alors à supprimer par ce genre de solutions. Un opérateur peut donc effectuer les opérations affectées à son poste plus rapidement, vu qu’il a tous les éléments sous la main de manière automatique.

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A noter que l’ensemble des éléments montés sur notre e-Golf provient de la centrale logistique, située à 5,6 km de l’usine de verre. Dans la philosophie du tout électrique, ces pièces sont transportées à travers la ville de Dresde par l’intermédiaire d’un tramway électrique, qui empreinte le réseau civil du tram.

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Dans la grande philosophie du One Piece Flow, chaque modèle avance à une vitesse donnée – cadencé par la vitesse du parquet – pour passer par chaque poste de montage de manière individuelle. Le but de cette méthode étant de limiter les stocks d’en-cours, et ainsi de cadencer les lignes sur les opérations intrinsèques les plus longues (voir de les diviser, pour limiter les goulets d’étranglements générateurs de stocks résiduels en amont de ces opérations). Le maître mot est au final le flux tiré, schéma industriel idéal en terme de contenance des dépenses et de la non-valeur ajoutée.

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Cette première ligne est dédiée au montage des éléments inférieurs. Ceux-ci comprennent les optiques, faisceaux, équipements accessoires comme le freinage, tableau de bord, pédalier et autres éléments esthétiques.

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Impressionnant est le système de validation des opérations, qui permet un suivi exemplaire de la qualité. Chaque opération est ainsi décrite sur un poste informatique. Chaque opération à réaliser dispose de ses outils spécifiques disposés sur le poste qualité qui suit chaque modèle. Chaque opération doit et est validée par l’opérateur à l’issue de la réalisation des instructions de montage. Autant dire que le verrouillage du système de fabrication est accru, et limite l’erreur humaine. Une illustration robuste d’un système 5S consolidé, système japonais qui permet l’organisation du travail par le rangement, la propreté, l’adéquation des outils de travail, et la standardisation des opérations de fabrication.

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D’autres détails sont intéressants à relever. Comme l’outil de placement des feux arrières, qui permet le positionnement du bloc extérieur dans un premier temps, puis du montage du bloc intérieur, en veillant à respecter les ajustements carrosserie par des systèmes de cales et de détrompeurs. Voilà encore des méthodes évoquant un système qualité étudié, ici référant à une Analyse des Modes de Défaillances de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC) des différentes étapes du process de Montage. Les outils – appelés dans le jargon détrompeur ou Poka-Yoke – sont pensés afin de supprimer les erreurs qui pourraient être commises par un mauvais placement des éléments ou l’utilisation du mauvais outil.

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Les e-Golf continuent leur bonhomme de chemin jusqu’à l’intégration du tableau bord, pièce qui semble particulière à monter par son caractère imposant, compliqué à ajuster, et multiple dans ses interfaces avec le reste des organes de l’automobile.

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C’est une nouvelle fois par un déploiement de moyens impressionnants que la planche de bord est disposée dans la carrosserie. Aidé par un bras de manutention vertical assisté, l’opérateur vient en approche de la carrosserie pour passer la pièce par la portière.

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Aucun souci ergonomique pour les opérateurs qui semblent travailler sans effort démesuré. Et d’ailleurs, on le voit au large sourire qu’ils affichent lors de notre passage : chez Volkswagen, on est fier de faire partie de l’équipe.

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Le Mariage : des Noces Electriques

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Désormais parées de ses éléments inférieurs principaux, l’e-Golf se dirige vers l’opération qui fait que sa production a été délocalisée sur Dresde : le Mariage. De quoi s’agit-t-il ? C’est simple, ce terme qualifie l’union entre le châssis et le cœur de la bête. Or ici, nous parlons bien de l’ensemble moteur électrique – batteries.

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Cet ensemble est la pièce pivot de cette nouvelle technologie qu’incarne l’e-Golf. Développées en partenariat avec Samsung SDI, les batteries ne sont pas du genre poids plume. En effet, l’ensemble moto-propulseur représente à lui seul la moitié du poids d’une e-Golf, soit 750 kg. Et ce n’est pas le minuscule moteur électrique qui doit jouer dans la balance. Positionnée au plus bas, ces batteries permettront de maintenir un centre de gravité assez bas, et par conséquent affirmer une assise de l’auto impressionnante dans les courbes rapides.

A l’instar des éléments de caisse, ce groupe moto-propulseur est convoyé du stock logistique jusqu’au deuxième étage par l’intermédiaire de convoyeur autonome.

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On peut d’ailleurs remarquer que les caisses habillées ont repris leur voyage aérien.

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Tout est une nouvelle fois automatique. Le convoyeur se place sous l’auto. Il s’élève, la caisse est descendue afin de joindre les deux éléments. Un opérateur est donc destiné à assurer la fixation de la caisse au groupe moto-propulseur. Le tout bien évidemment supervisé par des contrôles assistés ordinateur.

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Désormais équipée de ce qui fait de cette e-golf une e-Golf, elle poursuit son chemin vers l’étage inférieur.

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A premier étage, elle se pare de tous ses éléments extérieurs. Jantes, portières, boucliers, pare-brise, sellerie : l’auto finit sa naissance. Il est toujours intéressant de voir les moyens développés par Volkswagen concernant l’automatisation des chaînes. On peut par exemple apercevoir le montage et le serrage des jantes sur les e-Golf, par l’intermédiaire de robots Kuka. Sachant que les jantes sont ce qui relie l’auto au sol, l’automatisation est un réel gage de sécurité ce sur point.

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Notre e-Golf désormais complète et pleine de sa naissance, il lui reste encore en quelque sorte son baptême à passer entre les mains des techniciens qui font de la Qualité leur religion. Suivons-la à l’étage inférieur.

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Volkswagen E-Golf : que le Silence soit, et le Silence fut

Le premier des contrôles Qualité est aussi beau techniquement que visuellement. Elégamment appelé « The Light Tunnel », cet outil permet de détecter visuellement tout défaut de peinture ou de carrosserie.

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Chaque lumière affichant une luminosité différente ainsi qu’une teinte propre, les e-Golf au cours de leur trajet dans ce tube lumineux sont passées au crible : quand on veut plaire, il faut se faire belle.

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Quelle satisfaction de voir travailler ses magiciens de la carrosserie. Un d’eux relève les défauts avec son marqueur, un autre corrige les défauts d’aspect à la main ou au maillet de carrossier. Habitudes dans les coutumes du métier, mais on oublie tout ça quand on reçoit les clés à la concession : chaque voiture est réellement unique !

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Désormais conformes aux exigences esthétiques, le chemin n’est pas encore terminé : il faut passer au banc. Non pas des accusés, mais des tests techniques. Contrôles du réglage des éléments de visibilité, de la suspension, des performances du véhicule, c’est un check-up complet que subit l’e-Golf pour obtenir son permis de rouler.

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Fin de la Visite : l’E-Golf sort de son Ecrin

Nous voilà au terme de notre visite. En effet, les e-Golf partent désormais attendre leurs futurs clients dans la plateforme de stockage de l’usine de verre.

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Ce que nous pouvons retenir de cette visite, c’est cette impression de robustesse dans la verrouillage du process, et les potentialités énormes de cette usine.

Nous parlons de potentialités, car cet atelier est encore en phase de ramp-up. Pour vous donner quelques chiffres, entre la production, la logistique et la direction, cette usine est animée par 300 âmes mécaniques. Aujourd’hui l’usine de verre est toujours en période d’apprentissage de l’assemblage de l’e-Golf. Il faut une quinzaine d’heures à l’équipe pour sortir un modèle complet de l’atelier, soit une demie heure de plus que sur les lignes de Wolfsbourg, les perturbations du modèle thermique en moins. En terme de cadence, lors de notre visite, 17 véhicules par jour étaient produits, après seulement 4 jours depuis la reprise d’activité, et avec une seule équipe de production 8 heures par jour. L’objectif pour cette usine est de réussir à tenir un rythme de 35 unités par jour, afin de compléter les 80 unités toujours produites sur le site de Wolfsbourg.

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Nous ressortons donc de cet Ôde à l’Innovation pleins de promesses. Nous suivrons avec beaucoup d’intérêts les paris pris par la marque concernant l’évolution de sa philosophie sur la mobilité du futur. Seul l’avenir nous dira s’ils ont misé sur le bon cheval. Reste à savoir aussi si le dimensionnement de ce nouvel outil de production sera suffisant pour coller aux nouvelles ambitions de Volkswagen, qui se réclame de produire 25 % de ses ventes en électrique d’ici à 2025, au travers d’une vingtaine de modèles différents. A suivre donc.

Ecrit et illustré par Quentin Boullier