Ford de retour aux 24 Heures du Mans avec sa GT, 50 années après son triplé historique!
Une dispute légendaire
Retour en 1963 : Henry Ford II, PDG de la marque du même nom, et petit-fils d’Henri Ford, apprend que Ferrari, qui rencontre alors des difficultés financières, serait à vendre. Ford souhaitant développer ses positions en Europe (et accessoirement gagner les 24 H du Mans…), il lance alors un coûteux audit financier de la marque italienne, afin de s’en porter acquéreur.
La transaction est en passe d’être conclue, mais c’est alors que le facétieux Enzo Ferrari, propriétaire et dirigeant de la firme italienne, se retire de la table des négocations. La raison de cette volte-face? Ferrari voulait conserver la main-mise sur le département Compétition de la marque. La légende voudrait que furieux, Henry Ford II décide de lancer la création d’une auto capable d’humilier les productions au cheval cabré sur les circuits. L’objectif de la marque est clair : il faut battre Ferrari aux 24 Heures du Mans!
Une naissance difficile
La genèse de l’auto est particulièrement compliquée. Il faut en effet rappeler que les ingénieurs doivent accomplir un véritable tour de force : concevoir une auto capable de rouler pendant 24 H à plus de 200 km/h de moyenne, et capable d’atteindre plus de 300 km/h en vitesse pointe. Ford décide de faire construire la voiture en Angleterre, par une équipe composée d’ex employés Aston-Martin (Eric Broadley, John Wyer, Phil Remington). Elle offre des dimensions réduites : 156” en longueur, et 40” en hauteur (d’où son nom GT40). Le premier prototype, révélé le 3 avril 1964, est réalisé en seulement 11 mois. Il motorisé par un V8 256 de 350 ch. Son leitmotiv? Atteindre le cap fatidique des 210 mph (338 km/h)!
Les premiers essais sont catastrophiques : Jo Schlesser, pilote de développement, sort de la piste au second tour, et le second modèle est détruit lendemain. Pourtant, la marque américaine ne se décourage pas, et aligne quand même sa GT 40 au départ de l’édition 1964 des 24 Heures du Mans. Malheureusement, la série noire continue : Hill cale au départ! Si le départ est laborieux, la suite n’est guère plus encourageante : 5 heures après le départ de la course, la marque compte ainsi 2 abandons. A 5 heures du matin, les choses s’empirent, puisqu’un 3ème abandon est à déplorer. Les Ferrari sont loin…
Malgré ce mauvais résultat, Ford décide de persévérer, et tire les conséquences de cet échec. Carroll Shelby, qui remplace John Wier, décide d’équiper l’auto vu plus gros moteur de la gamme : le mythique 427 (V8 7,0 L de 400 ch), qui remplace le 289 (V8 4,2 L de 300 ch). De nouvelles études aérodynamiques permettent de détecter que les entrées d’air surdimensionnées freinent l’auto : on retouche son dessin. En 1965, Ford s’engage sur la ligne de départ de la course mancelle avec des 427 et des 289. Si la voiture est rapide, elle est aussi instable. Décision est donc prise de lui rajouter des ailerons dorsaux.
Si tous les efforts consentis sont récompensés par une pôle position et un record du tour bien mérités, le gros moteur 427 fait des siennes : sa consommation est gargantuesque (environ 40 L/100 km), il surchauffe, et sa puissance met à mal la transmission. Le sort s’acharne : toutes les autos doivent abandonner.
Henry Ford II ne cache pas sa déception. A la fin de l’été, il adresse une carte aux membres de l’équipe sur laquelle est dessinée le tracé des 24 Heures du Mans, accompagnée d’une phrase laconique : “Vous feriez mieux de gagner”. Une cellule de crise est constituée, et toutes les requêtes de l’équipe sont acceptées.
Le Mans 1966 : l’année du couronnement
Dès le début de la saison 1966, la compétition fait rage entre Ferrari et Ford. Le constructeur américain s’impose aux 2.000 km de Daytona, et en mai, Enzo Ferrari déclare à qui veut l’entendre que la bataille est perdue, car il ne peut rien face au « rouleau compresseur Ford », qui dispose de moyens financiers conséquents. Les équipes de Ford ne se reposent pas pour autant sur leurs lauriers, et arrivent encore à extirper 35 ch de plus du V8, qui développe dorénavant 486 ch. Sa rivale, la Ferrari P3, est distancée, puisqu’elle n’a « que » 450 ch.
Une attention particulière a été portée à la fiabilité de l’auto : la transmission a été renforcée, et un simulateur a même été crée afin de tester le moteur et la boite pendant des séances de 24 h! C’est Henry Ford II lui même qui donne le départ de l’édition 1966 des 24 Heures du Mans. Sa persévérance est enfin récompensée, puisque sa marque place trois voitures aux 3 premières places. La suite, on la connait, avec une série de 4 victoires consécutives au Mans, et l’entrée quasi-immédiate de la GT 40 dans la légende du Mans.
5 juin 2016 : Un retour historique
En 2016, 50 ans après ce triplé historique, Ford revient aux affaires, en alignant sa nouvelle supercar GT en course, avec non pas deux, mais quatre voitures : deux qui prennent part au Championnat du Monde d’Endurance FIA (autrement appelé WEC), et deux qui courent en Championnat IMSA SportsCar WeatherTech 2016. Les deux équipes sous placées sous la bannière de la team Ford Chip Ganassi Racing.
La marque nous a donné rendez-vous le dimanche 5 juin sur le circuit de la Sarthe, afin d’assister à la journée « test » des 24 Heures du Mans. Une excellente occasion de découvrir la Ford GT de course avant le début de l’épreuve mancelle le 18 juin prochain.
Pour l’occasion, nous avons pu nous glisser à l’intérieur du stand de la team Ford-Ganassi, afin de vous présenter la bête!
Immersion dans le stand de la team Ford Chip Ganassi Racing
La Ford GT qui s’élancera à l’assaut des 24 Heures du Mans dans la catégorie LM GTE Pro dérive de la version de route. Elle hérite donc de son V6 3,5 L bi-turbo. Secret de la course oblige, la marque américaine n’a pas dévoilé sa puissance exacte. On sait tout au plus qu’elle développe « plus de 500 ch, et plus de 500 Nm ». La vitesse de pointe, elle, est connue : 330 km/h. La boîte de vitesse séquentielle compte 6 rapports, et la cavalerie est transmise au sol via un différentiel à glissement limité.
L’auto affiche des proportions athlétiques, impressionnantes « en vrai » : seulement 1.030 mm de haut, 2.045 mm de large, et 4.763 mm de long. Un recours extensif à la fibre de carbone pour la carrosserie et le châssis permet de limiter le poids de l’auto : il est inférieur à 1.310 kg à sec.
Conçu pour endurer les pires tortures, le système de freinage est généreusement dimensionné : étriers à six pistons à l’avant (4 à l’arrière), et disques ventilés, le tout fourni par Brembo.
Cela ne vous aura sans doute pas échappé, mais les quatre autos engagées portent les numéros 66, 67, 68 et 69. Une belle façon pour Ford de rappeler l’illustre palmarès de la marque! Dave Pericak, directeur de Ford Performance, nous laisse planer aucun doute : « Nous courons pour gagner ».
Du côté des pilotes, la team Ford Ganassi pour le Championnat WEC compte 4 pilotes : Marino Franchitti, Stefan Micke, Andy Priaulx, et le petit franchie de la bande (qui a donc forcément nos faveurs…) : Olivier Pla. Ce dernier a débuté sa carrière en 1999, en remportant le Volant ELF. Il a ensuite couru en GP2, puis s’est tourné vers le monde de l’Endurance.
Du côté des rangs de la team Ford Ganassi qui court dans le Championnat IMSA SportsCar WeatherTech, on recense également 4 pilotes : Richard Westbrook, Dirk Muller, Joey Hand et Ryan Briscoe. Le bien-connu Sébastien Bourdais rejoindra également l’équipe pour l’épreuve Mancelle.
Ces derniers seront soumis à une véritable séance de torture lors des 24 Heures du Mans : jusqu’à 12 heures de pilotage (2.705 km à parcourir au total), une vitesse moyenne de 247 km/h, jusqu’à 4 g de force gravitationnelle, et une perte de poids allant jusqu’à 3 kg. Le temps de sommeil est réduit à portion congrue : environ 4 heures. N’en déplaise aux esprits chagrins, une telle course représente un véritable exploit sportif, que seuls de véritables athlètes sont capables d’accomplir!
Au final, les premiers retours de cette journée tests sont encourageants pour la marque. Si le meilleur temps de la catégorie a été décroché par Antonio Garcia sur Corvette (en 3’55″122), les Ford figuraient en embuscade juste derrière, avec un temps de 3’56″039 pour l’équipage Ryan Briscoe et Richard Westbrook. Surtout, la bataille s’annonce d’ores-et-déjà dantesque, puisque les temps des 13 concurrentes de la catégorie tiennent dans un mouchoir de poche : seulement deux secondes. Rendez-vous au départ de l’épreuve, le samedi 18 juin, à 15H00. Nous serons présents, afin de vous faire vivre l’évènement de l’intérieur! #StayTuned