Dossiers,  Le rétro de Jensen

Dans le rétro de Jensen : La Mercedes 190

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MERCEDES 190 : Docteur Diesel et Mister Cosworth

Au tout début des années 80, un bruit court avec insistance : La firme de Stuttgart préparerait la commercialisation d’une « petite » Mercedes

Mais en 1980, c’est quoi au juste Mercedes-Benz ?

Tout d’abord c’est une marque de voitures de luxe.

Certes la firme a un passé sportif conséquent, mais la légende des flèches d’argent s’est arrêtée après le drame des 24 heures du Mans, un certain 11 juin 1955, où la 300 SLR pilotée par Pierre Levegh s’est désintégrée dans les tribunes, causant la mort de 82 personnes. Tout cela est bien loin désormais, et la marque est considérée sur toute la planète comme le constructeur « des autos de ceux qui ont réussi », avec également la certitude d’une qualité de construction sans reproche, et d’une fiabilité de locomotive !

La gamme ?

La W123, sur le marché depuis 1976.

Pas glamour pour deux sous, mais disponible dans de multiples motorisations, tant essence que Diesel, et proposée en finition basique, mais avec une liste d’options qui donne le vertige… Elle représente l’entrée de gamme du constructeur, mais elle est déjà considérée par tous comme une grosse voiture.

La W126 vient d’apparaître, aussi nommée S-Klasse, une abréviation de l’allemand « Sonderklasse », autrement dit « haut de gamme » dans la langue de Molière : Tout est dit !

Le Classe G est un tout-terrain conçu à la demande de l’armée du Shah d’Iranqui sera renversé avant d’en avoir perçu le moindre exemplaire. Bref le constructeur l’intègre au catalogue juste dans l’espoir de rentabiliser l’affaire, il y arrivera au-delà de toute espérance.

On peut compter aussi sur les coupés et cabriolets Type 107, au catalogue depuis déjà presque dix ans et… C’est tout !

Quand on pense au foisonnement de la gamme actuelle (où d’ailleurs une chatte aurait du mal à y retrouver ses petits), cela laisse songeur…

Il y a donc bel et bien une place à prendre sous la W123, le marché est particulièrement attirant, et cela permettra aussi à Mercedes de se poser en concurrent direct face au Bavarois BMW qui fait alors un véritable carton avec sa Série 3, et surtout de rajeunir considérablement l’âge moyen d’une clientèle alors plus proche de la retraite que de l’université.

Une petite Mercedes était prévue de longue date, la preuve avec cette étude de 1977, par chance nous y avons échappé !

Les photos volées des prototypes en essais routiers qui apparaissent dans la presse spécialisée nous montrent une sorte de W126 à l’échelle 2/3, que les journalistes surnomment alors Baby-Benz.

Chaque constructeur a l’habitude d’expédier ses prototypes sur les routes les plus extrêmes de la planète que les pistes d’essais ne peuvent pas toujours reproduire.

Ici nous sommes près du cercle polaire.

La présentation de celle qui devient officiellement la nouvelle Mercedes 190 Type W201 intervient en novembre 1982.

Il n’y aura pas de mystère, nous sommes devant une Mercedes 100% pur sucre : Moteur longitudinal et propulsion.

La carrosserie a été étudiée par l’équipe de Bruno Sacco, responsable emblématique du Design de la marque entre 1975 et 1999.

Bruno Sacco devant son œuvre. Il regrettera par contre toujours le dessin de la pachydermique W140 de 1991…

La longueur de cette 190 est de 4,42 m, la largeur de 1,68 m, et la hauteur de 1,37 m. Le Cx a été bien travaillé, avec un excellent chiffre de 0,33.

La sécurité passive est particulièrement étudiée, des dizaines de voitures seront sacrifiées lors de nombreuses séances de Crash-tests.

La marque à l’étoile a toujours eu la réputation d’offrir des autos pensées pour protéger leurs occupants en cas de choc.

Pour l’instant, le client à le choix entre un moteur quatre cylindres à arbre à cames en tête de 1997cm3 et carburateur, développant 90 ch à 5000 tours et autorisant une vitesse de 175 km/h, ainsi que d’une autre version, dotée d’une injection électronique Bosch pour 122 ch à 5100 tours, qui propulse cette berline à près de 200 km/h, l’auto prenant alors la dénomination de 190 E.

De série est proposée une boite mécanique à quatre vitesses seulement (cinq manuelle ou automatique à quatre rapports uniquement disponibles contre supplément), les freins sont à quatre disques assistés,

La suspension étonne par sa sophistication : Quatre roues indépendantes bien entendu, mais essieu arrière « multi-link » à cinq bras, gage d’une excellente tenue de route.

Les premiers essais font état d’un comportement routier nettement supérieur à la moyenne, mais l’auto est dans la veine Mercedes, avec son volant XXL sans doute emprunté à un semi-remorque de la firme, et son niveau d’équipement est minimal. De série, il faudra ainsi se contenter des antibrouillard avant et arrière, des sièges garnis d’appuis-tête uniquement à l’avant et… C’est tout !

Le reste ? En option… La peinture métallisée, la direction assistée, l’ABS, la radio, les vitres teintées ou électriques, le rétro à droite, le toit ouvrant, la climatisation… Pour tout cela il faudra remettre la main à la poche !

La 190 E s’en sort un peu mieux, en proposant de série les vitres avant électriques teintées et la condamnation centralisée des portières, pour un tarif dépassant alors très largement les 100 000 Francs c’est le minimum !

La planche de bord nous la joue « service minimum ». C’est clair, net et bien construit mais pour la fantaisie on pourra repasser !

Et d’ailleurs, puisque nous en sommes au minimum, on peut en dire tout autant des places arrières, et si la 190 est considérée officiellement comme une « cinq places » trois passagers tiendront à peine sur la banquette arrière, car entre le tunnel de transmission et la garde au toit limitée le confort n’y sera pas la première des qualités.

Pourtant hormis ces réserves justifiées (sans parler d’un essuie-glace mono-balai qui n’a pas convaincu grand monde) l’auto est une bonne surprise, ses qualités routières dominant largement tout le reste.

Mercedes a été très clair lors de la présentation de la 190 : C’est toute une gamme qui va se développer.

Et effectivement 1983 va voir l’arrivée d’une version Diesel au demeurant très attendue, la firme étant à l’époque considérée à l’égal de Peugeot comme LA spécialiste de cette motorisation.

Las, la 190 D présentée va en faire déchanter plus d’un !

Si le moteur, et c’est une première, est littéralement encapsulé dans un matériau isolant afin d’en limiter les bruits de fonctionnement au maximum, sa cylindrée de deux litres ne développe que 72 malheureux percherons au régime de 4600 tours, l’auto devant se contenter d’une vitesse « de pointe » de 160 km/h (une fois bien lancée et avec le vent dans le dos) et d’accélérations de fourgonnette.

Les essais de la presse spécialisée sont d’ailleurs très critiques concernant une voiture au comportement lymphatique, et dont tous déconseillent fortement l’option boite automatique, qui la rend encore plus placide sur la route.

Bref il y a un certain goût d’inachevé dans cette 190, beaucoup imaginaient alors une Mercedes « abordable », or non seulement les tarifs restent tout de même assez élitistes mais si l’auto est d’une qualité de construction incontestable et dotée d’un comportement routier largement au-dessus du lot la politique du constructeur proposant un modèle de base au prix fort secondé d’un catalogue d’options pour le moins onéreuses ne passe pas chez la clientèle potentielle issue de la concurrence…

Le tir va être sérieusement corrigé pour le Salon de Francfort de septembre 1983, avec la présentation de la sportive 190 E 2.3-16.

– Moteur quatre cylindres à 16 soupapes de 2299cm3 revu et corrigé par le spécialiste anglais Cosworth

– Double arbre à cames en tête

– 185ch à 6200 tours

– Kit carrosserie et abaissement du Cx à 0,32

– Voie élargie

– Freins à disque Brembo, avec étriers à quatre pistons

– Suspension arrière à correcteur d’assiette

– Différentiel autobloquant

L’intérieur est nettement plus sportif, et la banquette arrière n’est plus capable officiellement de n’accueillir que deux passagers, ces derniers ayant littéralement droits à un siège individuel chacun.

Prévue pour l’homologation de la 190 en Championnat Allemand DTM, cette 190 2.3-16 va faire littéralement le buzz : Mercedes disposant d’une arme « anti-BMW » à une époque d’ailleurs où la Série 3 s’est alors franchement embourgeoisée avec la nouvelle E30.

C’est désormais une auto véloce, capable de 230km/h, et dotée d’un comportement routier de premier ordre, l’essieu arrière multibras révélant ici toutes ses qualités.

Cerise sur le gâteau son constructeur envoie un exemplaire préparé sur le circuit de Nardo en Italie, qui va alors s’adjuger plusieurs records du Monde, dont celui des 50 000km parcourus en 201 heures à 247 km/h de moyenne !

La 190 sort désormais de son image de petite Mercedes pour entrer dans le cercle fermé des berlines vitaminées.

La gamme s’étend alors désormais vers le haut, avec la présentation en 1985 d’une 190 D 2.5 dotée d’un moteur atmosphérique à cinq cylindres de 2497cm3, pour une puissance 90 ch à 4600 tours, c’est toujours assez faible (bien que la concurrence ne propose alors guère mieux en terme de puissance à cette époque) mais infiniment mieux que la 190 D de base qui reste au catalogue, prix d’appel oblige… Disposant d’une boite à cinq rapports de série (automatique en option) la 2.5 est capable d’un bon 175 km/h, sur Autobahn bien entendu !

En 1986 une 190 E 2.3 avec un quatre cylindres de 2399cm3 pour 136 ch fait son apparition, suivie l’année suivante par une 190 E 2.6 dotée cette fois-ci d’un six cylindres en ligne de 2599cm3, cette fois la 190 entre bel et bien dans le domaine des grandes routières avec ce moteur débordant de couple,  proposant 166 ch à 5800 tours.

Capable de 218 km/h cette mouture n’est hélas pas donnée, son prix de 212 000 Francs la rend plus chère qu’une Ford Sierra Cosworth contemporaine, et en limitera considérablement la diffusion.

Au fil des années et des évolutions mécaniques le niveau d’équipement s’améliore, il est tout à fait possible de faire d’une 190 une voiture de luxe, à condition d’en avoir les moyens !

En 1988 la gamme est remaniée, avec l’introduction de la Phase 2, on les reconnaît avec leurs boucliers revus et leur protections latérales plus généreuses. L’intérieur est lui aussi légèrement modifié, mais globalement Mercedes ne souhaite pas dérouter sa clientèle, et même si l’équipement de base s’améliore légèrement la boite à quatre vitesses reste proposée de série sur les 190 et 190 D…

La même année la 2.3-16 est remplacée par la 190 2.5-16 : Extérieurement peu de changements, mais la mécanique est sérieusement retouchée :

– Course augmentée

– Nouveaux vilebrequin et volant-moteur

– Arbres à cames modifiés

– Bielles et pistons renforcés

– Refonte des circuits d’admission et d’échappement.

Désormais la puissance passe de 185 à 204 ch, et la vitesse maximale dépasse 235 km/h.

Nouveauté aussi que ce rouge métallisé, uniquement disponible sur la 2.5-16.

Il faut attendre le millésime 1989 pour que la boite à cinq rapports soit proposée de série sur tous les modèles de la gamme.

Au salon de Genève en mars de la même année est présentée une version Evolution de la 190 2.5-16, limitée à 502 exemplaires, un chiffre exigé pour avoir le droit de s’aligner en Championnat DTM.

Les modifications apportées au moteur se limitent à des pistons et un volant-moteur allégés, un joint de culasse revu et une optimisation de l’équipage mobile.

Sur banc de puissance la voiture ne développe d’ailleurs plus que 195 ch (échappement catalytique oblige…), mais l’aérodynamique est amélioré, et le freinage considérablement renforcé pour une utilisation optimisée sur circuit. Le 0 à 100 est couvert en 7,7 secondes.

Concernant les versions dites « civilisées », le Diesel 2.5 litres a enfin droit à un turbo, avec 122ch et 190 km/h plus personne ne lui reproche son manque de tonus…

La phase 2 et ses nouveaux boucliers. La petite grille d’aération sur l’aile avant nous indique qu’il s’agit d’une version 2,5 litres Turbo-Diesel.

La gamme commence à accuser sérieusement son âge, et Mercedes décide en 1990 de surclasser les clients qui signeraient un bon de commande pour une 190 avec la présentation de la 190 E 1.8 aussi appelée « Contact », elle symbolise d’ailleurs ce que fut la 190 depuis le début de sa carrière, à savoir un engin de conquête permettant l’accès à la gamme du constructeur à l’étoile, charge à ce dernier de fidéliser ses nouveaux acheteurs en général trentenaires en les accompagnant au fil de leur évolution personnelle vers des modèles plus importants (et donc plus chers…).

La seule différence entre 1982 et 1990 étant que désormais on l’affiche de manière tout à fait officielle.

Cette 1.8 est donc mieux équipée que les opus précédents, la clientèle des années 90 devenant de plus en plus exigeante à ce niveau. On y trouve de série le freinage ABS, la direction assistée, les vitres et rétroviseurs électriques entre autres.

Baroud d’honneur à Genève en mars 1990, avec la présentation de la 190 E 2.5-16 Evo II, elle aussi contingentée à 502 exemplaires.

Cette fois-ci Mercedes nous sort le grand jeu, et étonne le monde entier avec un kit carrosserie démoniaque :

– Abaissement de 45mm de la caisse

– Élargisseurs d’ailes avant et arrière

– Spoiler avec lame aérodynamique

– Déflecteur de lunette arrière

– Aileron au format XXL

– Jantes de 17 pouces

– Soubassement caréné : Cx de 0,30

Un look d’enfer, en l’échange d’un chèque de… 460 000 Francs ! A l’époque c’est le prix moyen d’un 80m2 au centre d’une grande ville.

L’équipement de série fait un bond avec la sellerie cuir, les vitres teintées, la climatisation et des appuis-tête à l’arrière.

La mécanique est encore affûtée, et annonce désormais 235 ch à 7200 tours, la vitesse de pointe est limitée électroniquement à 250 km/h. 0 à 100 en 7,1 secondes.

Grosse déception au volant pour tous ceux qui s’imaginent acheter une voiture de Grand Tourisme, en fait l’auto est conçue pour un usage « circuit », et le moteur non suralimenté n’a rien dans le ventre sous 4500 tours, un problème déjà repéré avec les versions précédentes de la gamme 16 soupapes, mais ici il devient franchement criant. Par contre la mécanique s’en donne à cœur joie entre 4600 tours et l’entrée en action du rupteur, soit… 7700 tours !

Bref, tout comme les fameuses Groupe B fabriquées à 200 exemplaires à des fins d’homologation les 502 exemplaires de l’Evo II n’ont pas vocation à être des engins réellement polyvalents…

La carrière de la série s’achève en avril 1993, après la présentation de la toute nouvelle Classe C, dont on peut affirmer d’ailleurs aujourd’hui que la 190 en fut le premier chapitre.

Production totale : 1 874 668 exemplaires.

Des projets de coupé, cabriolet et même break furent étudiés par la firme ou proposés par des carrossiers indépendants, mais jamais la décision d’une production en série ne fut actée.

Après des années à naviguer entre deux eaux, oscillant entre la simple Bagnole d’occasion, puis la voiture de papy pour finir comme celle des Gens du voyage la série 190 semble désormais trouver sa place dans le milieu de l’automobile de collection, et si une 190 E est encore abordable (un bel exemplaire peu kilométré se trouve pour environ 5000 € si garni de quelques options, un peu moins pour une version à carburateur) la côte commence à atteindre des sommets concernant les déclinaisons 2.3 et 2.5-16 : 30 000 € pour une auto en parfaite condition, jamais moins.

Par contre oubliez les EVO désormais inabordables : 80 000 € la première mouture et… Plus de 170 000 € l’Evo II et sa carrosserie Tuning-Goldorak.

On passera aussi un voile pudique sur tous les Diesel, soit trop amorphes soit de nos jours complètement rincés…

Le monde de la collection lui appartient désormais.

En conclusion, que dire de la série W201 ?

Sans doute qu’elle fut la seule automobile au monde à proposer sous une seule et même carrosserie à quatre portes des motorisations tant essence que Diesel, avec ou sans turbo à quatre, cinq ou six cylindres dans une fourchette de puissance allant de 72 à 235 ch.

« Une voiture neuve ne le restera pas longtemps mais une Mercedes restera toujours une Mercedes »ce slogan repris en cœur par les commerciaux de la firme à l’étoile à cette époque est-il toujours d’actualité en 2018 ?

Les déboires vécus par la marque au milieu des années 90 avec une Classe E technologiquement peu au point, une Classe A qui eut à souffrir d’une histoire de Cervidé, et la fabrication des plus gros SUV de la gamme aux Etats-Unis ont un peu écornés une image qui de nos jours à d’ailleurs tendance à se noyer dans une pléthore de modèles dont la pertinence m’échappe parfois.

Puisse ce constructeur de légende ne jamais y laisser son âme !

Jensen.