Dossiers,  Le rétro de Jensen

Dans le rétro de Jensen : la Mitsubishi Lancer 2000 EX Turbo


Mitsubishi Lancer 2000 EX Turbo : Espèce disparue…

Mitsubishi n’est pas nécessairement le premier constructeur automobile Japonais auquel on pense, et s’il nous vient à l’esprit c’est plutôt pour les 4×4 Pajero plusieurs fois illustrés dans les Rallyes-Raids.

Pourtant la gamme de ce constructeur il y a presque quatre décennies recelait quelques morceaux de choix.

Il apparaît dans l’Hexagone en 1978, importé par les établissements Sonauto, déjà en charge de la distribution des Porsche et des motos Yamaha.

D’emblée une petite auto est remarquée par les spécialistes : La Colt (aussi dénommée Mirage ailleurs, mais chez nous un certain Marcel Dassault avait déjà fait une fort belle utilisation du patronyme et ne souhaitait pas le voir traîner au ras du sol…)

La petite Colt, qui obtiendra en France un bon succès d’estime.


Sa particularité est de posséder une boite de vitesses à doubleur de gamme, comme sur les poids-lourds ! Le levier de vitesses se trouvait secondé par un autre à ses côtés comprenant deux positions : Power et Economy. Autrement dit rapports courts ou longs…

Le levier doubleur de gamme a beaucoup fait parler au Café du coin, les professionnels de la route l’ont par contre très apprécié le dimanche en famille…


Pour celui qui savait s’en servir ce système était souverain, par exemple en montagne, car il était en effet impossible d’avoir un « trou » entre les rapports, et l’auto était toujours sur la meilleure plage d’exploitation de son moteur.

Elle sera d’ailleurs le cheval de bataille de l’importateur lors de la présentation officielle de la marque au Salon de Paris 1978, le Coupé Sapporo et la grosse berline Galant en étant réduites à faire de la figuration et ce en attendant mieux.

« Mieux », cela commence en mars 1979, avec la présentation d’une nouvelle génération de Lancer.

Cette petite berline pour le moins classique existe dans la gamme du constructeur depuis 1973, mais n’a jamais été diffusée chez nous.

La première génération de Lancer est restée hors de nos frontières.


Classique, avec sa transmission aux roues arrières, elle s’était déjà faite une excellente réputation en triomphant lors du Safari Rallye Kenyan de 1976, où les Lancer vont s’octroyer tout simplement les trois premières places au général !

Victoire éclatante de la marque au Safari 1976, l’Afrique sera la terre d’élection des robustes berlines Nippones en compétition.


Une deuxième génération est donc présentée, et si la disposition mécanique est inchangée la carrosserie et l’intérieur sont entièrement revus.



L’importation en France de cet opus commence à la fin du premier semestre 1980 avec une motorisation unique : 1597cm3, 82ch, arbre à cames en tête, et boite à cinq rapports (ou automatique sur demande), le tout pour 38 000 Francs.

Clairement la Lancer est déjà une auto intéressante si on la compare à la concurrence française de même catégorie : La Peugeot 305 SR n’a que 74ch sous son capot assistés d’une boite à quatre rapports en l’échange d’un chèque de 42 000 Francs, et la Renault 18 GTS, si elle possède effectivement cinq vitesses, doit se contenter des 79ch de son 1600cm3, et elle dépasse déjà allègrement les 45 000 Frs.

Pourtant il lui manque deux choses : Une image de marque, et un réseau plus dense (pour l’image le Pajero en 1982 « fera le nécessaire » mais le réseau restera toujours assez modeste en France). Les choses commencent à bouger au Japon à l’été 1981, avec la présentation d’une évolution sportive de la Lancer dotée d’un turbo… Mitsubishi !

Il faut savoir que ce constructeur ne fabrique pas que des autos, il est aussi en pointe concernant la sidérurgie, la finance, l’aéronautique voire le spatial. A noter que les appareils-photos Nikon font aussi partie du même conglomérat.

Cette version sportive, que l’on imagine marcher dans les pas de la génération précédente sur les Rallyes Africains, développe 135ch, mais très vite le constructeur lui greffe un échangeur, qui porte sa puissance à 170ch !


Mais comme « tout vient à point pour qui sait attendre », la vieille Europe devra patienter un peu pour pouvoir profiter d’une version encore améliorée qui nous parviendra au printemps 1982 : Toujours nantie de 170ch Din à 5500Trs, la cylindrée passe à deux litres (1997cm3 très exactement). C’est plus que suffisant pour franchir la barre mythique des 200 km/h, avec même 202 km/h en pointe !



Les accélérations ?

7,9 secondes pour le 0 à 100, et le 1000m départ arrêté en moins de 29 secondes, pour un prix de vente de 85 000 Francs : l’affaire est excellente pour qui ose sauter le pas…

Mais pourquoi « qui ose » ? Disons que la Lancer 2000 EX Turbo est une sportive… Vieille école !

Déjà c’est une propulsion, et les 170 ch qui vont littéralement débouler sur le train arrière ne sont pas spécialement dociles (nous sommes encore loin des turbo « basse pression », et le coup de pied au c.l passé un certain régime est encore très présent). De plus l’essieu arrière est rigide et, pour tout dire, pas franchement étudié pour recevoir une telle puissance

A noter qu’il est possible moyennant un supplément de 1750 Francs de disposer d’un pont autobloquant qui, s’il ne règle pas à lui seul tous les problèmes, améliore tout de même grandement la maîtrise de l’auto à grande vitesse. Bref la Lancer Turbo est de la race des voitures qui se domptent bien plus qu’elles ne se conduisent !

D’une conduite pour le moins virile, son volant n’était pas à mettre entre des mains inexpérimentées.


La décoration extérieure de la voiture annonce d’ailleurs clairement la couleur : Spoiler généreux, becquet sur le coffre, bandes latérales orange et jantes en aluminium vernies pour le moins imposantes avec des enveloppes en 185/65 HR 14, une « grosse monte » à une époque où le standard était le 155 SR 13…


Mais le plus notable est la reprise d’un classique qui défraya la chronique en 1973 lors de son introduction sur la BMW 2002 Turbo : L’autocollant facial « 2000 Turbo » collé à l’envers pour être lu dans le rétroviseur des automobilistes qui précèdent, en clair : « Casse-toi de mon chemin ! »

« Bon, tu as compris ce qui est marqué ? Tu dégages avec ta bouse ! »


BMW sera sensible aux remarques de certaines bonnes âmes et retirera son autocollant au bout de quelques mois, mais à priori Mitsubishi passera au travers des gouttes, et parviendra à le laisser sur toutes les autos vendues en Europe.

Engagé par Ralliart en Groupe 4 avec l’accord de Mitsubishi, la Lancer Turbo dotée d’un moteur poussé à 280ch participera à plusieurs épreuves du championnat du monde, avec pour meilleur classement une troisième place au Rallye des 1000 Lacs 1982. La concurrence pour le moins affûtée de l’époque et l’avènement rapide des monstrueuses Groupe B feront que la carrière sportive de la Lancer sera de courte durée…


La carrière de la Lancer en compétition sera courte et peu généreuse en trophées.


La version civile n’ira au demeurant guère plus loin, puisque la commercialisation de la 2000 Turbo cesse dès 1984, avec la présentation d’une nouvelle génération de Lancer, beaucoup plus sage.

On ne pense pas que plus de 5000 exemplaires soient sortis des chaînes de montage (toutes versions confondues), et seules 150 voitures auraient trouvées preneurs chez nous (grosso-modo une par concession).

La Lancer EX 2000 turbo est l’archétype de « la voiture d’homme », celle où il suffisait encore de mettre un turbo sous le capot et une décoration extérieure agressive pour entrer dans le club fermé des voitures de sport, et tant pis si beaucoup ont compris à leurs dépends (et souvent trop tard…) que l’on ne s’improvise pas pilote du jour au lendemain, même avec un chéquier bien garni.

Vous souhaitez en acquérir une de nos jours ?

Entre les exemplaires qui ont courus, les « retapés » et ceux qui ont tout simplement finis enroulés autour d’un arbre après que l’arrière ai trop longtemps cherché « à passer devant », les chances de dénicher un exemplaire en bon état sont très aléatoires, d’autant que la rouille a fait de gros ravages dans les rangs, et que beaucoup ont fini par laisser tomber leur monture faute de pièces détachées, le réseau officiel n’ayant jamais eu très bonne réputation concernant leur fourniture à long terme.

Comptez donc 9000€ pour un bel exemplaire, et c’est un minimum

Et allez prendre des cours de pilotage si ce n’est pas déjà fait. C’était le conseil du jour d’un ancien de la grande époque…

Jensen.