Essai : Nouvelle Seat Ibiza : L’âge de la maturité
L’Ibiza se réinvente
On se réveille Jensen ! Nous sommes en 2017…
C’est l’apanage des anciens comme votre serviteur : « C’était mieux avant », « Les jeunes ne respectent plus rien de nos jours » et tout et tout…
Et pour les voitures c’est un peu la même chose : En prenant de l’âge on reste fixé sur ses positions, et on n’en bouge plus (Puisque de toute façon J’AI RAISON GAMIN ! )
SEAT et moi, c’était un peu ça.
Je me souviens de l’Ibiza première du nom, présentée en 1984, avec sa carrosserie By Giugiaro et ses moteurs System Porsche. Pour tout vous dire c’était bien là ses seuls arguments de vente, en plus d’un prix rikiki qui la mettait au niveau des caisses à savon des pays de l’Est, et de celles fabriquées de l’autre côté des Alpes.
La mère d’un de mes potes de bahut avait eu l’inconscience de me laisser un jour de l’automne 1986 le volant de la sienne pour partir en ballade « pas longtemps-promis » avec son fils : Une Junior toute neuve sans le « System Porsche », mais avec le 903cm3 de la Fiat 127 et ses fringants 44 pur sang.
Sur les petites routes du massif de la Chartreuse la malheureuse auto va peaufiner son rodage (1100km au compteur) dans les mains « expertes » du Super-pilote que je suis du haut de mes vingt ans, de ma grande gueule et de mon inestimable expérience de conducteur occasionnel de Renault 6TL en milieu urbain…
Bref il ne faudra pas longtemps pour s’apercevoir à la fois des lacunes du Gugusse installé au volant, mais aussi de celles d’une auto aux liaisons au sol pour le moins étranges (le ressort à lames transversal arrière issu de la Fiat Ritmo n’y étant pas étranger) ainsi que de la légèreté de sa construction qui me faisait penser à celle de l’Austin Metro, autre « référence absolue de l’époque » en la matière.
Bref, je laisserai la voiture en un seul morceau (ce n’était pourtant pas faute d’avoir essayé, bien involontairement, de la planter…) et mon copain d’ailleurs plus mort que vif devant sa villa avec le sentiment que décidément les Seat c’est de la M…élasse !
Trente et un ans ont passé, mes tempes sont devenus grises, mon bide a adopté la taille XL au fil des saisons, et des centaines de milliers de kilomètres ont défilé devant le pare-brise de toutes mes voitures, bref le bonhomme est toujours aux commandes, expérience en plus, et avec juste occasionnellement quelques points en moins sur son carton rose.
Alors lorsqu’un jour pluvieux mon téléphone sonne avec le Chef au bout du fil (enfin non, c’est un sans fil…. Âgé mais pas trop ringard le père Jensen quand même !) pour me proposer un déplacement rapide sur Barcelone, afin d’essayer la toute nouvelle Seat Ibiza, mes souvenirs remontent en flèche.
Vais-je revenir avec le même sentiment qu’il y a trois décennies ?
Seat a pourtant bien changé depuis, et je le sais comme tout passionné sérieux de la chose automobile. L’Ibiza en particulier a connu quatre générations en 33 ans, et sera même exportée dans 75 pays à près de 6 millions d’unités.
Une enseigne qui a connu des hauts et des bas mais qui, en quatre ans, a affiché une progression de 30% !
Après le SUV Ateca et la Leon en 2016 c’est désormais au tour de la petite de la firme de se refaire une beauté, en attendant l’arrivée de l’Arona en fin d’année (le Captur espagnol si vous préférez…)
Une heure de vol suffira pour que le soleil de Catalogne m’accueille en même temps qu’une hôtesse au charmant sourire. Un Pass autour du cou et deux signatures plus tard on me dirige vers une rangée d’Ibiza rutilantes alignées comme à la parade devant le Terminal. La mienne sera, jusqu’au repas de midi, une très sympathique 1.5 TSI FR EVO de 150cv à boite 6 manuelle.
Le trajet d’essais est déjà inséré dans le GPS, c’est parti pour 110km composés de tout ce que l’on peut trouver sur un parcours type : Autoroutes urbaines, embouteillages (ceux de Barcelone sont strictement identiques aux Parisiens, Marseillais ou Grenoblois), Nationales et petites départementales sympathiques avec leur cortège de virolos à répétition.
Après une dizaine de kilomètres le nez plus souvent sur l’écran tactile 8″ que face à la route (la presbytie est un naufrage…), je me sens plus en confiance dans cette nouvelle-venue.
Elle mérite le détour, car elle est la première du groupe VAG à bénéficier de la toute nouvelle plateforme MQB A0 (qui fera bientôt les beaux jours de la VW Polo), composée de cinq aciers à résistance variée, que l’on dit 33% plus rigide que les précédentes.
Un coin tranquille loin du tumulte de l’aéroport et des faubourgs Barcelonais va me permettre de faire mieux connaissance avec la bestiole.
L’Ibiza 5 est à mes yeux une jolie voiture, avec ses flancs sculptés, pas plus longue que la génération précédente, mais plus large de près de 9 centimètres, et avec un empattement allongé de 9,5 centimètres, c’est tout bénef’ pour l’habitabilité. D’ailleurs, que l’on soit installé devant ou derrière, on ne peut plus affirmer être dans une « petite voiture », l’accès à bord étant sans réel problème grâce aux cinq portes (la configuration à trois portes et le break sont définitivement abandonnés, le volume des ventes étant trop faible).
L’intérieur de cette FR sent bon la sportivité : Sièges avant au maintient parfait, beau volant cuir surpiqué de rouge comme le reste de l’habitacle, équipement pléthorique (climatisation bi-zone, système audio Beats 300 Watts avec six haut-parleurs, huit ampli-canaux et un subwoofer, rétro intérieur photochromique, détecteur de fatigue, système d’alerte anti-rapprochement, éclairage full led, régulateur de vitesse adaptatif et j’en passe…
L’extérieur, avec cette superbe couleur Desire Red, ne vous fera pas passer inaperçu, mais sans sombrer dans l’excès.
La ligne générale de l’auto est très équilibrée, les nervures latérales et surtout celles de capot faisant passer un réel message de dynamisme pour tous ceux qui ont posé le regard sur elle. Un petit bémol quand même pour l’arrière, vraiment trop « typé Volkswagen » à mon avis. Mais bon, tous les goûts étant dans la nature on ne va pas s’appesantir sur des critères strictement personnels.
L’auto est chaussée en 215/40R18, une monte pneumatique assez exotique, qui ne se retrouve à ma connaissance que sur l’ancienne DS3 Sport, l’asymétrique Hyundai Veloster Turbo et l’Opel Corsa OPC, avec un choix de manufacturiers assez restreint proposant cette dimension, c’est toujours bon à savoir…
Il est désormais temps de reprendre le volant et de continuer, le peu de trafic sur cette route va me permettre d’augmenter la cadence sans jouer aux inconscients. Les virages s’enchaînent, la confiance se renforce : OUI ! Cette nouvelle plateforme est une véritable réussite, c’est indiscutable.
Pour être clair, cette Ibiza est littéralement collée au bitume, avec un confort d’amortissement franchement bluffant : C’est ferme, certes, mais jamais tape-cul.
Il faudra que je la brutalise littéralement pour que l’ESP entre en action pour remettre avec tact la voiture dans le droit-chemin, et je dois bien reconnaître ne jamais avoir pu réellement cerner le point de rupture de l’auto, celui où tout bascule et où l’arsouille tourne à la mise en vrac (une circulation sur route ouverte incitant, qu’on le veuille ou non, à la plus élémentaire des prudences).
Le 1495cm3 à 16 soupapes monte bien dans les tours, mais de manière très (trop ?) linéaire, le tout dans un silence qui pourra aux yeux de beaucoup passer pour un défaut.
De manière évidente, Seat a traité son Ibiza FR comme une routière au long cours, capable d’amuser son propriétaire (7,7 secondes de 0 à 100 et 215 km/h en pointe quand même) une fois que celui-ci se sera débarrassé de Bobonne et de la marmaille, mais en aucun cas elle ne devra être considérée comme une Sportive « pure et dure », son intérêt est ailleurs.
Et si le confort est au rendez-vous, on s’étonne d’une ergonomie pour le moins bizarre : Il n’y a aucune poignée de maintien à bord, et les accoudoirs sont inutilisables, car beaucoup trop bas. Je serais aussi déçu par le débattement trop grand du levier de vitesses, pour moi le plus gros défaut de l’auto.
Et pour continuer dans mon rituel « vieux Schnock », si l’on n’arrête pas le progrès il serait peut-être nécessaire de mettre un frein à de nombreuses fonctions pas franchement utiles à bord, a t-on besoin d’un éclairage d’ambiance qui change de couleur ? D’un écran tactile « archi-multi-fonctions » où les anciens qui ne sont pas venus au monde avec un logiciel dans le crâne et une souris dans la main vont mettre des jours à se familiariser ? Une roue de secours proposée de série (ce qui ne semble pas être le cas, du moins pour l’Espagne) ne serait-elle pas en fin de compte plus utile à son conducteur ?
Mais faisons fi de cet accès de mauvaise humeur (du à l’âge sans aucun doute) pour nous retrouver aux commandes d’une seconde Ibiza, plus modeste celle-là, car dotée d’un 1.0 TSI trois cylindres de 999cm3 à 12 soupapes qui parvient quand même à développer la bagatelle de 115cv, soit la puissance de la défunte et inoubliable 205 GTI de ma jeunesse qui, pour y arriver, faisait appel à un 1600…
Cela s’appelle le Dowsizing (on sort un max de puissance avec la plus petite cylindrée possible, c’est bon pour la planète il paraît), on va voir sur la route ce que cela peut bien donner.
Je me méfiais un peu de mon éventuelle mauvaise impression, venant juste de quitter une auto de 150cv, mais non, la 1.0 TSI est une voiture qui n’est pas sous-motorisée. Sur bonnes routes on oublie la faible cylindrée pour circuler tout à fait normalement, profitant d’un intérieur certes moins spectaculaire, mais confortable et bien équipé lui-aussi. Je dirais même que le bruit du petit trois cylindres de cette Ibiza est beaucoup plus sympathique (plus présent aussi) que celui de sa grande sœur 1.5 TSI.
Je fais aussi la connaissance de la finition « Xcellence« , aussi bien fournie que la FR, mais dans un registre plus bourgeois : Chromes sur la calandre, inserts couleur carrosserie sur le tableau de bord et le volant, belles jantes alu en 17″ cette fois-ci et bien entendu la possibilité de recharger son Smartphone par induction devant le levier de vitesses.
Au fil des kilomètres mon impression sur cette mécanique sera plus mitigée, en effet le moteur « n’a rien en bas », c’est la rançon de sa faible cylindrée et il nécessite de trop fréquents rétrogradages afin de conserver un semblant de vélocité, un phénomène évident sur les routes de montagne où il n’est pas envisageable de sortir d’un virage en troisième à bas régime sans que la voiture ne s’effondre.
On ne s’étonnera pas de voir des chiffres de performances inférieurs au modèle précédent, avec 193 km/h en pointe et 9,4 secondes pour le 0 à 100, ce qui reste encore correct, à fortiori pour un moteur de moins d’un litre de cylindrée ne l’oublions pas !
L’option boite DSG robotisée pourrait être, associée à cette mécanique, une bonne solution pour l’agrément de conduite, mais ne l’ayant pas essayée je resterais prudent et donc soumis au conditionnel.
Il est désormais temps de rentrer pour la conférence de presse, juste pour le fun je profite d’une belle descente en lacets avec Barcelone en arrière-plan pour mettre la FM locale : Alan Walker à fond sur un équipement de qualité, une route quasi-déserte, un temps splendide, la vitre baissée et le coude à la portière dans un tel cadre vous fait prendre conscience que ceux qui ne jurent que par les dixièmes de secondes gagnés sur circuit n’ont décidément pas tout compris à la totalité des plaisirs procurés par l’automobile.
Je serais magnanime et vais leur pardonner, à ce moment-là en Catalogne au volant de la nouvelle Ibiza j’étais juste devenu le Roi du Pétrole, rien d’autre…
Notre rencontre avec le Staff de la firme nous apprendra pas mal de choses, à commencer par une commercialisation qui débutera en France vers la fin du mois de juin 2017.
Les tarifs sont franchement raisonnables, puisque la gamme débutera avec une Ibiza 1.0 MPI de 75cv proposée à 13 860€ en finition Référence. La version Xcellence 115cv 1.0 TSI est affichée à 19 300€. Quant à l’Ibiza 1.5 TSI 150cv FR, elle n’arrivera qu’en fin d’année, pour un tarif pas encore fixé, mais qui devrait tourner aux alentours des 23 000€. On constatera qu’il n’y a donc pas Hold-Up, loin de là !
Les écolos en herbe (bio) seront ravis d’apprendre qu’une déclinaison électrique devrait apparaître en 2019, un an après que Seat ait fait plaisir aux Geeks en leur offrant, sur demande, un cockpit 100% digital.
Par contre les sportifs seront floués, il n’y a à l’heure actuelle aucune déclinaison Cupra de prévue !
C’est étonnant, et pourtant hélas vrai.
Après si nous sommes quelques milliers à le demander gentiment « j’ai vaguement compris entre les lignes » que la marque pourrait revoir sa position, mais le précédent Opus Bodybuildé de l’Ibiza n’ayant pas été le succès escompté…
Ne nous lamentons pas trop, ainsi présentée l’Ibiza reste une auto de fort belle facture qui mérite largement d’aller faire un tour chez son concessionnaire si elle correspond à vos besoins.
IBIZA 1.5 TSI FR
J’ai aimé :
–Le comportement routier bluffant !
-La présentation intérieure
-Le niveau d’équipement
-Le confort général
J’ai regretté :
–La course trop longue du levier de vitesses
-Le moteur peut-être trop discret
-Des soucis d’ergonomie à bord
IBIZA 1.0 TSI Xcellence
J’ai aimé :
-Le confort global de l’auto
-Le bruit sympathique du trois cylindres
-Le niveau d’équipement plus que généreux
J’ai regretté :
-Le moteur trop creux à bas régime
-La climatisation bruyante qui dénote avec la discrétion de l’auto
Il est désormais l’heure de rendre les voitures et d’envisager le voyage de retour…
Ce déplacement aura été pour moi plus que bénéfique, le progrès n’attend pas ceux qui restent au bord du chemin , et qu’il est long celui parcouru par Seat depuis 30 ans !
Réveillé Jensen ? Affirmatif, et de fort belle manière !
Vivement le prochain essai…
A+ !
Jensen.