Dossiers,  Le rétro de Jensen

Dans le rétro de Jensen : la Simca 1100 TI


SIMCA 1100 TI : Des vitamines pour une gentille berline !

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Difficile pour les plus jeunes d’entre-vous d’imaginer que Simca (Société Industrielle de Mécanique et Carrosserie Automobile) fut au début des années 70 l’un des plus grands constructeur Français, avant d’être racheté en 1978 par Peugeot, qui « suicidera » purement et simplement la marque sous le logo Talbot dès l’année suivante…

D’ailleurs l’histoire de Simca mérite que l’on s’y attarde quelques instants :

Elle est crée en novembre 1934 par Fiat qui, via cette filiale, peut construire sous licence ses voitures dans notre pays (les droits de douane à l’import étant alors purement et simplement exorbitants). C’est très vite un gros succès, que ce soit avant ou même après-guerre, les Français n’ayant pas été trop rancuniers vis à vis des Italiens quand à leur mauvais choix de 1940.

En 1951 cette entité décide de se démarquer un peu du géant de Turin en présentant l’Aronde, une très jolie voiture vendue comme « inédite », alors que sa base restait celle d’une Fiat 1400

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Absent du segment du haut de gamme, Simca fait une excellente opération en 1954, avec le rachat de Ford France, que la maison-mère ne souhaite pas conserver faute de rentabilité. C’est alors l’aubaine d’une vaste usine à Poissy, et d’une gamme toute nouvelle de Vedette, qui vient juste d’être présentée, et que Simca s’empressera de rebaptiser Versailles, Trianon, Chambord, Beaulieu

Pourtant en 1958 un autre Américain, Chrysler, rachète les 15% d’actions encore détenues par Ford et se permet même d’un acquérir 10% de plus… C’est un nouveau coup de chance pour Simca (du moins le croit-on…), dont la gestion n’est pas toujours très rigoureuse, et cela permet de pouvoir lancer sereinement une petite berline à moteur arrière : La 1000.

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Fin 1962 Fiat, qui disposait encore de 28% du capital de Simca, cède le tout à Chrysler qui, avec 63% du capital, devient l’actionnaire majoritaire de la marque Française. L’époque est aux « restructurations » et au grand ménage. L’emblématique PDG de la firme, Henri Théodore Pigozzi, est congédié comme un malpropre, et remplacé par un ancien dirigeant de Sud-Aviation : Georges Héreil.

Le but initial de Chrysler est de se servir de Simca comme d’une sorte de Cheval de Troie, qui produirait des modèles issus de la gamme US pour les diffuser dans le tout récent « Marché Commun ».

Il faudra une force de persuasion incroyable à Mr Héreil pour faire comprendre aux Américains qu’il serait bien plus judicieux de continuer la mise au point du nouveau projet de Simca déjà bien avancé, à savoir une petite berline à moteur transversal, traction avant et hayon arrière : La 1100. Bien que ne croyant absolument pas à ce projet l’état-major US se laisse convaincre, et laisse carte blanche aux ingénieurs Français, ils n’auront pas à le regretter !

Présentée en février 1967 cette 1100 est une belle petite voiture moderne et confortable, à la tenue de route exemplaire avec ses quatre roues indépendantes et sa suspension à barres de torsion.

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Son hayon arrière commence à plaire à la clientèle Européenne, et la marque met les petits plats dans les grands en présentant une gamme fort complète dès le lancement :

-Berline 3 portes
-Berline 5 portes
-Break 3 portes (devant l’insuccès de la formule une version à 5 portes verra le jour dès 1969…)
-Commerciale tôlée

Deux moteurs à quatre cylindres sont présents à l’inventaire : Un 944cm3 de 48cv, et un 1118cm3 de 60cv. La formule est la bonne, et l’auto se vend très bien, non seulement en France mais aussi en Espagne (où elle est produite localement) ainsi qu’en Allemagne et en Italie.

En 1970, la 1100 monte en grade avec la « Spécial », un modèle équipé du moteur du Coupé 1200, à savoir un 1204cm3 doté de deux carburateurs Weber double-corps pour une puissance de 75cv à 6000Trs, la petite berline sans prétentions se dévergonde !

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Déjà nantie d’une excellente tenue de route et d’un freinage largement au-dessus de la moyenne, la 1100 Spécial mieux équipée que ses consœurs avec son tableau de bord à cadrans ronds, ses sièges à appuie-tête et sa moquette au sol va commencer à se faire repérer dans certaines épreuves sportives locales, pilotée par quelques amateurs peu argentés mais motivés au volant d’une auto facile à préparer soi-même.

L’un de mes oncles avait réussi, aidé par son père ancien concessionnaire Simca de la banlieue d’Alger, à « sortir » 115cv DIN du petit quatre cylindres, par l’intermédiaire d’un kit Autobleu (admission modifiée, carburateur plus gros, nouvelle culasse…) ! La voiture, extérieurement sans le moindre artifice hormis des pneus plus larges (en 185/70-13), en surprendra plus d’un au démarrage dans les rues de Grenoble. Heureuse époque où l’on pouvait encore s’amuser sans passer pour le dernier des chauffards ou un pollueur « assassin d’Ours blanc » en puissance…

La 1100 Spécial : Performances très convenables, et discrétion de bon aloi.

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Un seul problème, et de taille : La difficulté persistante à régler les deux carburateurs convenablement. C’est pourquoi dès 1971 la Spécial va arborer un nouveau moteur porté à 1294cm3 mais avec un seul carburateur double-corps. La puissance ne change pas mais le problème initial est dorénavant réglé.

Réglé aussi le problème avec Chrysler qui, depuis novembre 1971, s’est octroyé 99,3% des actions de Simca désormais officiellement rebaptisé Chrysler-France (mais le nom Simca perdure afin de ne pas dérouter la clientèle, Peugeot prendra moins de gants huit ans plus tard et se plantera lamentablement…)

Surfant sur la vague du succès (la Simca 1100 est la voiture la plus vendue en France en 1972 avec 129 801 exemplaires, soit 8% du marché !) la marque va présenter une version encore plus affûtée pour juillet 1973 : La 1100 TI !

TI ? Pour Tourisme Injection ? Euuuhhh… Pas vraiment ! Disons « Tourisme International » pour mettre tout le monde d’accord, à la manière d’Alfa-Roméo qui venait d’ailleurs de présenter son Alfasud avec la même définition. Il n’est pas toujours évident de parler d’un modèle que, de nos jours « Vieux Con mais pas trop quand même« , on a connu et surtout très fréquenté à l’époque.

Il est clair que Simca-Chrysler-France a vraiment fait un sacré effort, et ce à tous les niveaux :

-Moteur de 1294cm3 développant 82cv Din à 6000Trs (le même bloc qui anime la Simca 1000 Rallye 2 et la toute nouvelle Matra-Simca Bagheera) pour une vitesse de pointe de 165km/h et le 0 à 100km/h en 12,5 secondes. Couple de 11mkg à 4000Trs.

Une publicité qui a au moins le mérite de la clarté…

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Deux carburateurs Weber 36 DCNF pour la TI !

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-Suspension revue et affermie

-Six phares : Optiques principales H4 plus deux longue-portée et deux antibrouillards à iode

On y voyait clair la nuit en 1100 TI !

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-Pare-brise feuilleté avec bandeau teinté

-Feux de recul

Pour 1973/74 les feux de recul sont rapportés sous le pare-choc, les choses évolueront vite.

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-Jantes en alliage (des Dunlop)

-Spoiler sous le pare-chocs et becquet sur le hayon

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-Sièges avant couchettes plus enveloppants avec appuie-tête

-Tableau de bord complet avec compte-tours, montre et pression d’huile

Une vraie GT !

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-Console centrale

-Lunette arrière dégivrante

-Choix entre carrosseries 3 ou 5 portes

Une assez rare version à trois portes. Le jaune était à l’époque renommé pour être une couleur dite « de sécurité » offrant une meilleure visibilité de l’auto sur la route. Tous les constructeurs de voitures sportives proposaient de telles teintes à leur catalogue.

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La voiture est très bien accueillie par la presse spécialisée, qui la trouve franchement bien équipée (et c’était vrai, il n’y avait que les Japonais pour en proposer autant à l’époque), dotée d’un freinage sans reproches (disques avant et tambours arrière assistés avec répartiteur à l’arrière) et de performances de tout premier ordre.

Les exemplaires mis à la disposition des journalistes spécialisés ne seront pas toujours choyés…

… Mais la 1100 TI s’en sortira toujours avec les honneurs.

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Par contre le prix de vente est assez élevé, le levier de vitesses imprécis (je confirme !), la suspension est devenue trop dure et SURTOUT Simca n’a pas été capable de régler le principal défaut de toute la série des 1100 : Le bruit !

Dire que les 1100 manquent de discrétion sonore est un doux euphémisme. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur le bruit des culbuteurs est omniprésent et surtout caractéristique. C’en est au point que l’on s’amusait, alors gamins, à fermer les yeux et à tenter de reconnaître les autos qui se présentaient près de nous les yeux fermés : « Au bruit » comme on disait à l’époque. Et bien s’il n’était pas toujours évident de tomber juste trois modèles étaient reconnus de tous : La 2cv, la Coccinelle et la Simca 1100 ! Une vraie symphonie vous dis-je…

Tous les « plus de 45 ans » doivent encore avoir en tête le « Claclaclaclac » caractéristique des 1100 !

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Bonne nouvelle cette version se vend aussi bien que les autres, malgré un contexte géopolitique délicat, avec la Guerre du Kippour en octobre de la même année, qui multiplie le prix du baril de brut par quatre.

Un an plus tard, soit en septembre 1974, une nouvelle génération de 1100 fait son apparition et la TI n’y échappe pas :

-Poignées de portes encastrées

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-Feux arrières plus gros avec feux de recul intégrés

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-Nouvelle planche de bord avec graphisme des compteurs totalement différent, la montre est rejetée devant le passager.

Le tableau de bord perd en originalité ce qu’il gagne en lisibilité.

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En septembre 1975 la 1100 TI à trois portes, peu demandée, disparaît du catalogue.

Les 1100 font à cette époque les plaisirs de nombreux pilotes amateurs, surtout en course de côte ou dans des Rallyes régionaux. On verra même des 1100 TI au départ du Monte-Carlo (15ème au Scratch) et même du Bandama 1974, le rallye emblématique de Côte d’Ivoire (abandon suspension cassée)

L’arrivée de la gamme Horizon à la fin de l’année 1977 signifie à terme la fin de carrière pour toutes les 1100. La TI est l’une des premières à disparaître du catalogue en janvier 1978, totalement dépassée par une « Voiture du peuple » qui utilisait le « i » de son patronyme d’une autre manière.

Les 1100 survivantes connaîtront hélas la « Glorieuse époque » Talbot, puisque les toutes dernières berlines seront renommées Talbot 1100, c’est alors d’un ridicule sans nom…

Clap de fin en juin 1981 pour les berlines (les utilitaires continueront leur discrète carrière jusqu’en juin 1985 !) avec une production totale de plus de 2,1 millions d’exemplaires.

Je n’ai malheureusement pas les chiffres de vente spécifiques à la TI.

Très vite les Simca 1100 deviennent des « occazes » invendables, une situation encore aggravée par une protection anticorrosion symbolique. Le début des années 80 est l’époque des 1100 bradées à vil prix, souvent acquises par de jeunes permis sans grands moyens et qui ne feront strictement rien pour les préserver.

Rançon de toutes les autos populaires, elles courent littéralement les rues jusqu’à la fin des années 80 puis… POUF ! Plus rien… Il faut attendre la fin de la décennie 2000 pour voir la gamme des 1100 redécouverte, souvent par des jeunes qui n’ont pas eu l’occasion de les connaître à l’apogée de leur carrière.

Les Simca 1100 furent de bonnes voitures qui laissèrent d’excellents souvenirs à tous ceux qui les ont possédé, les Spécial et TI méritant même toutes deux une mention… Spéciale !

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Jensen.