Toyota Gazoo Racing WRC : Du Fer à la Lune !
Visite de l’Usine de Valenciennes : La naissance d’un mythe ?
« Allô Houston, ici Blog-Moteur ! Atterrissage sur Valenciennes prévu dans 3… 2…1 … ». Quoi ? Pas crédible ? Laissez-moi vous expliquer tout de même ! Je l’avoue, je n’ai pas pu essayer la dernière fusée Apollo, la NASA n’a pas voulu de moi… Même si à l’oreille, la différence n’est pas évidente, c’est bien pour aller à la rencontre d’un missile sol-sol que je me suis rendu en terres nordistes. De sa genèse, sa préparation, en passant par sa mise au point, sans oublier l’organisation qui gravite autour d’elle, et enfin jusqu’aux différentes pistes, j’ai pu découvrir le monstre mécanique qu’est la Toyota Yaris Gazoo Racing WRC ! Prêt au décollage ? Comme dirait Toyota : « Sky is the limit » !
Toyota Motor Manufacturing France : une fourmilière imperturbable
Avant d’arriver à faire voler les graviers et décoller les grains de bitume, le chemin est long pour notre petite Yaris. Pour un passionné d’automobile comme moi, j’ai toujours adoré cette image du sport automobile comme vitrine ou laboratoire d’expérimentation des technologies qui se retrouveront demain dans nos propres petites autos. Le championnat WRC fait partie de ces quelques disciplines qui exacerbent cette philosophie, puisque la contrainte est de partir d’une voiture de série. Voiture qui sera bien évidemment modifiée par une bande de sorciers pour la transformer en monstre tout-terrain.
C’est ici, en France que tout commence. Chez Toyota Motor Manufacturing France alias TMMF, en terres valenciennoises, sur un site démesuré ! L’effort d’une victoire étant une bataille d’équipe bicéphale, la première pierre est posée dans cette usine dont j’ai pu découvrir le fonctionnement impressionnant. Pour un ingénieur comme moi, ayant étudier les techniques du Toyota Productive System ou du Lean Manufacturing, rentrer dans une usine Toyota c’est un peu comme rentrer dans une cathédrale. A la différence près que ce n’est pas un chapelet, mais un gilet et des bouchons d’oreille que l’on doit revêtir !
La force d’une philosophie productique japonaise à la Toyota, c’est le fait de ne pas déroger à ses principes fondamentaux. La sécurité et la qualité avant tout. Et l’organisation pour se tenir à cet objectif est millimétrée. Dans un site employant plus de 4.000 personnes, travaillant jour et nuit (le weekend étant réservé aux équipes de maintenance), tout doit se passer dans une logique naturelle pour réussir à atteindre les objectifs fixés. A savoir 300.000 Yaris produites par an, ce qui représente non moins de 1.150 unités par jour, soit 48 voitures à l’heure. Et tout cela sans éclat de voix, sans course irraisonnée, sans vague.
Segmentée, l’usine permet qui reçoit les châssis intègre au fur et à mesure les différents éléments qui constituent la Yaris. Les moyens employés pour réduire les temps de déplacement ou les pertes inutiles sont impressionnants. Outils ergonomiques et convoyeurs robotisés pour aider les employés, il existe également une rotation qui permet aux salariés soumis aux postes les plus pénibles de changer trois fois par jour d’activité et donc éviter les tâches répétitives à l’assemblage. Ce qui implique un effort de formation conséquent pour permettre cette polyvalence sans compromettre la Qualité produit et ces 4.000 contrôles tout au long des lignes. Le détail qui force à sourire est les différentes périodes dans la journée où retentit une petite musique pour détendre l’esprit de opérateurs : le travail à la Toyota !
Une partie importante de cette mécanique bien huilée est l’approvisionnement en pièces détachées. Chaque modèle nécessitant plus de 3.000 pièces, on pourrait penser que le stock est conséquent. Mais du stock, c’est de l’immobilisation financière inutile. Toyota travaille donc en partenariat étroit avec ses fournisseurs et les transporteurs pour réussir à vivre avec seulement une heure de stock. Oui, vous avez bien entendu, une heure. La magie du Juste-à-temps… Imaginez que pour monter les petites Yaris, c’est une valse continue de 22 conteneurs par jour qui s’entrecroisent à l’entrée de l’usine.
Point intéressant, j’ai nommé la préparation des éléments pour la production. Par exemple, il existe 12 variantes sur le combiné d’instrumentation de la Yaris en fonction de ses différentes versions. Au lieu d’avoir autant de bacs que de composants, les commandes sont préparées en amont afin que le monteur n’ait qu’à prélever le bac correspondant à la voiture qu’il monte, sans se demander quelle nuance à sélectionner.
Une fois la Yaris montée, le travail n’est pas fini. Elle passe aux bancs de tests dynamiques pour vérifier la bonne fonctionnalité des différents éléments : motorisation, freinage, étanchéité, éclairage, direction, finition esthétique et j’en passe. La Yaris enfin déclarée conforme, elle est prête à satisfaire son futur client.
Et c’est dans ce flow interminable de voitures neuves que sont prélevées les quelques Yaris qui deviendront des bêtes de course. C’est bien ça qui fait la fierté des opérateurs de TMMF. Surtout quand ils peuvent montrer la qualité de leur travail à une autre équipe particulière : le Toyota Gazoo Racing WRC dirigé par Tommi Mäkinen !
Toyota Gazoo Racing : le pari gagnant
2017 a été l’année d’un retour aux affaires pour Toyota en WRC. Et ce avec un concept assez original : combiner le savoir-faire industriel de Toyota et l’expertise en rallye de Mäkinen. C’est donc dans une synergie atypique que les forces fino-japonaises ce sont lancées à corps-perdu contre ce challenge de taille ! Surtout face à de grosses pointures déjà bien installées comme Citroën, Ford ou Hyundai.
Pour prétendre tenir la dragée haute aux concurrents de première classe, Toyota s’est organisé autour du centre névralgique de Monsieur Mäkinen. Dans la petite ville de Puupola, se trame un drôle de manège bruyant et fumant.
Base de Tommi Mäkinen Racing qui entretient la distribution de pièces détachées pour les voitures de compétitions de marque Subaru, un nouveau sigle s’est invité sur la façade. Profitant de l’expertise du maître finlandais dans le domaine, Toyota implante logiquement son atelier de transformation dans la bourgade nordiste. Deux objectifs s’y côtoient : la préparation de la Yaris et le développement de ses futurs pilotes.
Pour abattre les cinq cents heures de travail nécessaires à la mystification de la petite citadine, la matière grise est là. A savoir que 4 ingénieurs japonais sont entièrement dédiés au développement continu de la voiture. Cette équipe connaissant des rotations tous les 3 ans afin de conserver un regard neuf sur la performance à atteindre. A côté de cela, 150 personnes de onze nationalités différentes – dont 82 finlandais – vont bénéficier au Gazoo Racing de leurs différentes expériences issues de plusieurs industries. C’est donc une véritable armée qui est soulevée pour recevoir et s’attaquer au châssis provenant tout droit de Valenciennes !
Pour ce qui est des pilotes, Toyota fait dans le local. Si cela était complètement vraie la première année, un petit « étranger » s’est invité à la fête l’année dernière. En effet, au milieu de Jari-Matti Latvala et Esapekka Lappi, c’est le jeune Ott Tänak qui a fait ses débuts dans la prestigieuse discipline. Et le travail semble porter ses fruits…
Dire que l’estonien est rapidement rentré dans la compétition est un doux euphémisme. Les chiffres parlent d’eux même. Sur sa première saison Tänak se targue de quatre victoires, dont celui de Finlande, et d’une troisième place sur le podium du championnat. Ce qui offre par la même occasion, grâce aux 4ème et 5ème places de ses coéquipiers, le Titre de Champion du Monde des Constructeurs à Toyota pour sa deuxième année d’engagement ! Ott Tänak affirme que sa progression fut simplifiée par les bonnes sensations qu’il a eues quasiment immédiatement avec la voiture.
Tommi Mäkinen ne peut que se féliciter de ce résultat. Pour lui, cela n’est que le reflet de la philosophie qui règne au sein du team : le travail ensemble. Il a pleinement confiance dans le travail de son écurie, que ce soient les ingénieurs, les mécaniciens ou les pilotes, et dans la stratégie qu’insuffle le géant nippon. Laissant la part belle à une amélioration rapide, continue et soutenue tout au long de la saison, Toyota a su ne pas prendre de retard sur ses concurrents.
Mais l’ancien pilote qu’est Mäkinen salue également le professionnalisme de ses pilotes. « Ils sont incroyables. Ils comprennent la voiture très rapidement et sentent où travailler pour améliorer la voiture grâce à l’aide des ingénieurs ». Ce débordement de confiance dans son team permet à tous les acteurs de se sentir motivés et impliqués. A l’instar d’un pilote comme Latvala qui avoue que sa réussite n’était pas jouée avec Toyota : « Je sortais d’une saison 2016 très difficile. En manque de confiance, Tommi m’a proposé de le rejoindre, ce que j’ai accepté. Aujourd’hui, je peux dire que j’éprouve une grande satisfaction de travailler avec Tommi ».
Enfin, le développement de l’écurie a nécessité l’ouverture d’une succursale en Estonie. Y sont développé entre autres le market et la communication de l’équipe. Mais surtout, c’est à cet endroit qu’est réalisé la maintenance des Yaris WRC entre chaque rallye. Et ce n’est pas une mince affaire puisque que 350h de travail sont nécessaire pour reconditionner chaque voiture. Tout cela reste un cadre prolifique pour les 7 mécaniciens de l’équipe en entraînement sur la base de Peetri.
Prêt à entamer l’année 2019 sous les meilleurs augures, Toyota est désormais rallié par le pilote Chris Meeke. Tout comme les salariés de TMMF, j’ai apprécié l’enthousiasme avec lequel l’équipe de Mäkinen aborde cette nouvelle saison. On leur souhaite évidemment de dépasser leurs limites, de s’envoler pour une seconde étoile, et qui sait, une première pour un de ses pilotes.